Tête de femme (au chignon), 1911-1912, Amedeo Modigliani, collection Merzbacher, Zürich
On connaît mieux le Modigliani peintre que le sculpteur. Et pourtant ! Que serait-il advenu de son œuvre si sa santé délicate ne lui avait interdit de continuer à sculpter ? En effet, sa tuberculose, jamais réellement soignée, s’aggravait avec la poussière de la pierre qu’il était amené à respirer. Mais revenons au début.
En 1909, Modi a passé l’été à Livourne avec Brancusi. Il l’a emmené à Carrare voir la taille du marbre. Des témoins de l’époque auraient aussi vu Modigliani jeter une nuit des sculptures dans le canal des Hollandais à Livourne.
À son retour à Paris, Amedeo ne veut être rien d’autre qu’un sculpteur. L’année suivante, il trouve un atelier de sculpteur à Montparnasse à « La Ruche ».
Adolphe Basler (1878-1949) était un écrivain et critique d’art franco-polonais, qui a fréquenté Amedeo dès 1909. Son Modigliani paraît en 1931 à Paris, il y raconte les débuts parisiens de l’artiste [N.B. : nous avons respecté le texte originel].
« La sculpture nègre le hantait et l’art de Picasso le tourmentait. C’était le moment où le sculpteur polonais Nadelmann[*] exposait ses oeuvres à la galerie Druet[**]. Le principe de la décomposition sphérique dans les dessins et les sculptures de Nadelmann précéda, en effet, les recherches ultérieures de Picasso cubiste. Les premières sculptures de Nadelmann, qui émerveillaient Modigliani, furent pour lui un stimulant. Sa curiosité vers les formes créées par les Grecs archaïques et vers la sculpture khmère, que l’on commençait à connaître dans le milieu des peintres et des sculpteurs ; et il s’assimila beaucoup de choses, tout en réservant son admiration à l’art raffiné de l’Extrême-Orient et aux proportions simplifiées dans les sculptures nègres.
Pendant plusieurs années, Modigliani ne fit que dessiner, tracer des arabesques rondes et souples, rehausser à peine d’un ton rosé les contours élégants de ces nombreuses cariatides, qu’il se promettait toujours d’exécuter en pierre. Et il acquit un dessin très sûr, très mélodieux, en même temps d’un accent personnel, d’un grand charme, sensible et plein de fraîcheur. Puis, un jour, il se mit directement dans la pierre figures et têtes. Il ne tint le ciseau que jusqu’à la guerre, mais les quelques sculptures qui restent de lui laissent entrevoir plus qu’un soupçon de ses grandes aspirations. Il affectionnait les formes sobres, mais non pas tout à fait abstraites dans leur concision schématique.
L’époque où Modigliani suivit sa vocation de sculpteur fut une époque heureuse pour lui. Son frère, en lui accordant quelques subsides, lui permit de travailler tranquillement. S’il buvait et tombait souvent dans des états inquiétants, la chose demeurait sans conséquence.
Il se remettait vite au travail, car il aimait son métier. La sculpture fut son unique idéal et il fonda sur elle de grands espoirs. Je puis dire que je ne l’ai vraiment apprécié qu’à cette période de sa vie. »
Les sculptures de Modigliani sont donc en nombre très faible (25 numéros). Nous vous laissons apprécier aujourd’hui celle qui est la numéro IX, en grès.
Mais les fantasmes des uns et des autres sur ces sculptures ont aussi créé en 1984 un canular fabuleux. On avait retrouvé les sculptures de Modi en draguant le canal des Hollandais à Livourne. La mystification éclata bientôt et le scandale fut immense (détails sur wikipedia).
[*] Elie Nadelman (1882 Varsovie -1946 Riverdale (NY)), a vécu à Paris de 1904 à 1914 avant d’émigrer aux États-Unis. Longtemps oublié, il a été redécouvert et ses sculptures se trouvent aussi bien au Metropolitan Museum qu’au MoMA à New York. voir wikipedia (en anglais)
[**] 1909.
04/11/2015
Dimensions inconnues, photo VisiMuZ ©