Chemin montant, Gustave Caillebotte
• Chemin montant, 1881, Gustave Caillebotte, collection particulière.
Notre tableau du jour est fascinant à plus d’un titre…
Daté de 1881, il représente une transition entre ses toiles des années 1870 (paysages urbains, ou la propriété de famille de Yerres) et celle des années 80 (Seine à Argenteuil, jardins, portraits). Au printemps 1881, Gustave a acheté une maison au Petit-Gennevilliers qui va influencer fortement sur sa vie et ses toiles.
On voit ici deux personnages non reconnaissables, de dos, le long d’une villa cossue. Qui est ce couple de bourgeois parisiens ? Où se trouve cette maison ? Un problème qui a fasciné les historiens… dès que le tableau a été connu. C’est là le 2e mystère fascinant.
L’existence du tableau a été connue dès son exposition en 1882 au Salon des Artistes Indépendants. Il y avait fait sensation. Son thème, sa taille importante (100 x 125 cm), ses couleurs avaient partagé les visiteurs entre pros et antis. Puis, pffft ! plus rien, disparu ! Jusqu’en 1994, l’année de la redécouverte de l’artiste à l’occasion d’une grande rétrospective. 112 ans sans le voir, pas une photo, juste une caricature publiée dans Le Charivari en 1882 !
On suppose qu’il a appartenu d’abord à Doris Schultz (1856-1927), une élégante parisienne dont le domicile était proche de celui de Caillebotte. Dans les années 30, en tout cas, on parle de sa présence dans la collection de Jeanne Schultz, sa fille.
Caillebotte n’avait pas indiqué où la toile avait été réalisée. Son exposition en 1994 excite à nouveau le petit monde de l’art, qui cherche, puis trouve, qu’en fait le tableau a été peint à Trouville, à la « Villa Italienne ».
Gustave Caillebotte passait ses vacances d’été à Villers-sur-mer, et régatait tout l’été. Trouville, très voisine, était la villégiature à la mode. Martial Caillebotte, son frère, a posé pour le peintre. Charlotte Berthier, la compagne de Gustave a vraisemblablement posé pour la jeune femme, dans cette pose qui ne permettait pas de l’identifier.
Il est alors plausible que le titre, donné par le peintre, est aussi une métaphore du chemin de la vie. Le couple représenterait alors Gustave et Charlotte sur ce chemin montant. La jeune femme n’avait alors que 18 ans, et si sa présence était connue da la famille et des amis proches, son existence était soigneusement cachée à la bonne société que le peintre-industriel fréquentait.
Cette réapparition subite du tableau après 112 ans ne devait rien au hasard. Il fallait créer l’évènement. Le 4 novembre 2003, le tableau a été mis aux enchères par Christie’s, précédé de cette réputation flatteuse. Il a été vendu 6,73 millions de dollars.
P.S. : Nous ne savons pas où se trouve aujourd’hui ce tableau. Par contre, la Villa « Italienne », existe toujours. À ce jour, elle est même proposée à la vente.
14/09/2015
Photo wikimedia commons G._Caillebotte_-_Chemin_montant Usr HGrobe