16/09/2015 Mlle V… en costume d’espada, Édouard Manet
• Mademoiselle V… en costume d’espada, 1862, Édouard Manet, Metropolitan Museum of Art, New York
V… pour Victorine. Citons d’abord Théodore Duret, le biographe et l’ami de Manet [dans sa biographie, éditée par VisiMuZ].
« Victorine Meurent était une jeune fille que Manet avait rencontrée, par hasard, au milieu de la foule, dans une salle, au Palais de Justice. Il avait été frappé de son aspect original et de sa manière d’être tranchée. L’ayant fait venir à son atelier, il avait d’abord peint d’elle cette tête [Museum of Fine Arts, Boston]. Puis il l’avait utilisée, comme modèle, dans deux œuvres, La Chanteuse des rues[Boston] et Mlle V… en costume d’espada. À partir de ce moment, elle était devenue son modèle préféré et tous ceux qui, entre les années 1862 et 1875, ont connu Manet et fréquenté son atelier, ont connu Victorine. Elle lui a aussi servi pour la femme du Déjeuner sur l’herbe, pour l’Olympia, la Jeune femme du Salon de 1868 [La Femme au perroquet au Met], la Joueuse de guitare, la femme en bleu du Chemin de fer. »
Victorine va vivre un moment avec un ami de Manet, le peintre belge Alfred Stevens (1823-1906), poser aussi pour lui (Le Sphinx parisien, 1867), puis sa carrière de modèle terminée, va se mettre à la peinture, et sera reçue au Salon. Elle vivra ensuite discrètement à Colombes jusqu’à sa mort en 1927, dans une toute autre époque.
Victorine, ni grisette, ni lorette, ni cocotte, selon la classification en usage à l’époque, est d’abord un exemple de femme libre, qui montre fièrement son corps (et celui-ci n’est pas du tout conforme aux canons du Second Empire) et vit sa vie, sans se soucier du qu’en dira-ton.
L’espagnolisme de Manet dans les années 60 ne lui était pas venu par la fréquentation de Velasquez et de Goya. Citons Duret toujours : « S’il était allé tout de suite visiter les musées de Hollande et d’Allemagne, et étudier les Italiens chez eux, il ne devait aller voir les Espagnols à Madrid qu’en 1865, alors que sa personnalité serait pleinement développée. Les premiers tableaux consacrés à des sujets espagnols lui ont été suggérés par la vue de chanteurs et de danseurs, venus en troupe à Paris. Séduit par leur originalité, il avait ressenti l’envie de les peindre. » Il s’est servi alors des accessoires qu’ils avaient laissés pour habiller ses modèles. Dans une corrida, le mozo de espadas ou valet d’épées est l’assistant personnel et exclusif du matador.
Dim : 165,1 x 127,6 cm
Photo VisiMuZ