Nous avons vu dans un premier article (ici) que la lecture numérique :
1) pouvait se faire sur tablette ou sur liseuse, mais que la tablette emportait les suffrages d’une majorité.
2) que le format à choisir entre 7 à 10 pouces dépendait des envies de chacun.
3) que le format de fichier des livres devait être reformattable (flow) pour profiter des avantages du numérique (choix de police, etc.).
Nous allons aller un peu plus en profondeur aujourd’hui et étudier :
1) les différents éco-systèmes,
2) la structure des livres et les formats techniques (ici),
3) les ebook-readers (ou programmes de lecture) (ici),
4) l’organisation de votre bibliothèque numérique (ici),
1) Les différents éco-systèmes
Nous appelons éco-système l’ensemble formé par un fabricant de matériel ou de système d’exploitation, sa place de marché et son catalogue de livres, et enfin ses propositions pour l’organisation et la sauvegarde de votre bibliothèque (en général sur son site, ce qui est souvent appelé le cloud, mais un cloud dont il est le propriétaire).
En introduction, les DRM (ou Digital Rights Management) sont des algorithmes de cryptage des données qui empêchent de copier et ou transférer dans un autre éco-système. Ils sont analogues dans leur objet à ces dispositifs anti-copie que l’on a vu sur les CD il y a dix ans et dont on a pu mesurer le succès extraordinaire 😉
Aujourd’hui trois éco-systèmes principaux existent :
– Apple, avec sa boutique iBookstore, son format epub (que nous verrons ci-dessous au paragraphe suivant), ses livres avec ou sans DRM selon le choix des éditeurs.
– Androïd, la boutique Google Play, son format epub, ses livres avec ou sans DRM.
– Kindle, la plate-forme Amazon, ses formats propriétaires, ses livres avec ou sans DRM.
D’autres sont moins visibles et connus au travers des liseuses tels que Kobo (Fnac), ou Bookeen Cybook (Virgin, Cultura, Decitre), Nook (Barnes & Noble) tous au format epub.
2) La structure des livres et les formats techniques
En préambule, un livre numérique n’est pas une application. Un e-book ne doit pas être cherché sur l’App Store par exemple mais sur l’iBookstore (ou l’iTunestore sur PC).
Les livres numériques sont dans un format « re-formattable » en fonction de la police de caractères et la notion de page fixe n’existe plus. Des normes ont été élaborées depuis quelques années et en particulier la norme epub, qui a eu différentes versions (aujourd’hui nous en sommes à epub3) et est basée sur le langage html du web.
Rassurez-vous, nous n’irons pas plus avant dans les tréfonds de la technique, mais il est important de comprendre aussi qu’un livre numérique est structuré, comme une page web ou une application (cette dernière est un programme exécutable). Un livre numérique, même le plus simple, a au moins un titre, des chapitres, des paragraphes, une table des matières, donc une structure. Alors un ebook peut être bien structuré ou mal structuré selon les principes de développement adoptés par l’éditeur. L’éditeur de livre numérique doit avoir maintenant des compétences en développement informatique, ce qui n’est pas encore le cas de tous aujourd’hui. On se souvient à ce sujet du prix Goncourt 2011 édité en numérique par un éditeur célèbre qui avait omis les cédilles ou certains accents. Ceci était lié à une numérisation du livre papier, preuve d’un manque de compétence dans le domaine informatique.
Exemple d’un commentaire client lu sur Amazon.
« Deux mots suffiront : mauvais formatage. Dommage car le choix d’œuvres est intéressant. Pour la suite prévoir une édition des « Voyages » serait bien. En veillant au formatage ! »
L’auteur est donc important, mais le rôle de l’éditeur numérique l’est aussi. Le marché à ce stade n’est pas mature, en particulier pour les textes libres de droit.
Dans la suite de l’article, on supposera que l’éditeur a bien fait son travail.
Deux grandes familles de formats techniques sont maintenant adoptés par tous les éditeurs : le format epub (norme epub2 ou epub3) et le format azw (ou kf8, ou prw, ou mobi).
Le format se visualise via les trois ou quatre lettres qui sont à la fin du nom de fichier. On pourra trouver par exemple un livre Fifty_Shades_of_Blue.epub ou La_Chartreuse_De_Parme.azw3.
La famille azw (ou kf8, prw, mobi) est celle utilisée par Amazon, la famille epub par tous les autres tels qu’Apple, Androïd, Kobo, etc.
Les formats Amazon (kf8, azw3, prw, mobi,etc.) sont des formats dits propriétaires. Ils ne respectent pas une norme publiée. Notons de plus chez Amazon deux générations de produits. Jusqu’en 2011, Amazon utilisait le format mobi, renommé prw, un format propriétaire antérieur aux normes du livre numérique, aux jeux de caractères et au graphisme très limité. Ce format est utilisable sur toutes les liseuses Kindle, quelle que soit leur génération. Mais cet ancien format ne supporte pas tous les caractères étendus (tels que les étoiles, les diamants, les flèches, les puces, etc..), ni les traits d’encadrement, de soulignement, les changements de couleur pour des encadrés, une gestion propre des images dans le texte, etc. Il ne convient donc que pour des textes purs (romans, essais).
Le format kf8 ou azw3 gère beaucoup mieux le graphisme ou les images. Il n’est pas utilisable sur les liseuses (encre électronique) mais seulement sur les tablettes (Kindle fire).
Quand Amazon écrit « format Kindle », cela peut signifier ancien format prw, compatible avec toutes les liseuses et tablettes Kindle, mais aussi le nouveau format kf8 et dans ce cas, Amazon ne propose pas que vous l’achetiez pour les anciennes liseuses.
Ainsi sur l’exemple de gauche (achat d’un roman) on peut télécharger le livre sur toutes les liseuses et tablettes ou PC enregistrés chez Amazon. Sur l’exemple de droite (achat d’une BD) seul le 2ème Kindle est proposé. Le premier choix, celui d’une liseuse Kindle de 2011 au format prw/mobi, est grisé. Le 2ème Kindle est dans cet exemple un Kindle Fire, au format kf8/azw, c’est pourquoi il est proposé.
3) Les ebook-readers (ou programmes de lecture)
Un ebook sur une tablette a besoin pour être lu d’un programme de lecture ou e-reader. Sur une liseuse, il y a aussi un programme de lecture mais celui-ci est lié « en dur » au matériel. Il ne peut être séparé de la liseuse elle-même.
Sur une tablette (autre que la Kindle Fire sur lequel l’e-reader est imposé par Amazon), vous pouvez choisir l’e-reader qui correspond le mieux à vos habitudes ou à vos goûts, avec une limitation toutefois. Les fonctionnalités supportées par les e-readers ne sont pas identiques, en particulier pour les livres enrichis.
À ce jour, un e-reader surpasse tous les autres au niveau de la conformité à la norme epub. iBooks sur la famille iPad, iPhone (iOS) est conforme à la norme et c’est pourquoi, logiquement les ebooks enrichis sont publiés tout d’abord sur l’iBookstore. iBooks a encore deux défauts, dont les éditeurs espèrent qu’ils seront corrigés assez vite.
1) Les règles de césure appliquées sont celles de l’anglais et non du français ce qui donne des résultats parfois surprenants et en tout cas très désagréables pour un lecteur exigeant.
2) Certains caractères d’imprimerie classiques ne sont pas encore gérés. Ainsi les « fines espaces insécables » ou certains tirets cadratins s’affichent improprement comme des petits carrés.
D’autres e-readers (59 gratuits ou payants ont été trouvés lors d’une recherche récente) sont disponibles pour l’iPad sur l’appstore. Citons par exemple BlueReader, Marvin, ou le défunt Stanza. La plupart ne supporte que partiellement la norme epub2 et pas la norme epub3, et ne sont utilisables que pour des textes simples.
Sur Androïd, les e-readers sont aussi souvent déficients pour les textes enrichis, et pour des ebooks enrichis comme les guides VisiMuZ, aucun e-reader ne donne pleinement satisfaction.
Exemple d’affichage d’un guide VisiMuZ sur iPad et Androïd. Les étoiles sont manquantes sur Androïd (à droite).
On peut citer parmi les problèmes rencontrés :
-un agrandissement des images impossible,
-un affichage incorrect des jeux de caractères étendus (caractères danois, espagnols, italiens si on est en français, ou symboles et puces),
-pas de support des cadres, bordures, lettrines, fonds colorés, etc. qui rendent le livre tellement plus agréable à lire,
– et surtout l’impossibilité d’utiliser ce que l’on appelle la navigation non-linéaire.
La navigation non-linéaire est une caractéristique des livres numériques, analogue à la notion de lien dans une page Web. C’est la base pour les livres enrichis et c’est ce qui permet dans les guides VisiMuZ, la navigation dans les salles du musée, ce qui révolutionne la visite par rapport à un guide papier en permettant entre autres de faire son propre itinéraire sans se préoccuper de trouver la page dans le guide.
Je vais citer ici un « coup de gueule » de F. Bon le mois dernier sur le blog de tierslivre.net (ici) dans un article un peu technique mais bien documenté.
« Toutes les marques, Samsung, Microsoft, Kindle, Kobo proposent des tablettes aux normes epub3 : sauf qu’elles refusent, dans leur moteur epub3, la possibilité de cette instruction dite non-linear et qui est pour nous, auteurs, après 15 ans de web, rien que l’élémentaire de l’écriture, un des modes de l’hypertexte. Et c’est grave, parce que – voyez les capacités de la Samsung – la prescription technique des marchands interfère alors en amont avec une norme d’écriture établie uniquement selon les critères marchands dérivés du livre traditionnel.»
D’après les tests assez exhaustifs que nous avons réalisés sur différentes tablettes, seul l’e-reader iBooks sur iPad supporte aujourd’hui proprement la navigation non linéaire (au passage, merci de nous dire si vous en avez trouvé un autre). Sur Androïd, elle est supportée partiellement avec l’e-reader Mantano. Sur PC, on peut utiliser, avec toutefois un confort de lecture moindre, l’extension epubreader sous Mozilla Firefox.
4) L’organisation de votre bibliothèque numérique et sa pérennité.
Chez VisiMuZ, en tant qu’éditeurs mais aussi en tant que lecteurs, nous sommes fondamentalement attachés à la notion de bibliothèque, et à la pérennité de celle-ci.
Un livre n’est pas et ne sera jamais comme un jeu vidéo qu’on utilise et qu’on jette quand la nouvelle version sort, ou qu’on perd quand on change d’ordinateur ou de tablette. Nous sommes aussi convaincus de la complémentarité du livre papier et du livre numérique.
Attention : autant les paragraphes précédents sont seulement factuels, autant nous faisons part ci-dessous de nos convictions et engagements.
Aussi :
– Un propriétaire d’un livre acheté doit pouvoir le stocker dans sa bibliothèque. Cette bibliothèque peut être sur un ordinateur, une clé USB ou dans le cloud, mais ne doit pas dépendre d’un des acteurs vus ci-dessus.
– Pour les livres que j’appelle « jetables », comme certains livres de vacances, l’origine (Amazon ou epub), et la présence ou non de DRM n’a aucune importance.
– Pour les autres, nous ne saurions trop vous conseiller de stocker vos livres au format epub, soit en les achetant dans ce format, soit en les y convertissant (programme Calibre) s’ils sont évidemment sans DRM.
En conséquence, acheter un livre qu’on veut garder, à la fois avec des DRM et sur Amazon serait une erreur, puisque dépendrait du bon vouloir de ce fournisseur au format propriétaire (on sait aussi qu’Amazon peut et a déjà effacé à distance des livres, en l’occurrence ceux de Georges Orwell, sur les Kindle de ses clients).
Dans le même ordre d’esprit, la bibliothèque de Google Play ne permet pas d’importer des livres issus d’un autre éco-système, par exemple des livres achetés sur l’iBookStore, ou créés artisanalement dans le cercle familial ou amical, ou des ebooks créés à partir de Wikipedia (nous parlerons de cette possibilité une autre fois). Google Play n’est donc pas une vraie bibliothèque et nous vous recommandons d’utiliser un autre système pour ranger vos livres numériques (au format epub évidemment).
Et comme vous l’avez évidemment compris, les guides VisiMuZ sont au format epub, et sans DRM. Ils sont pour l’instant disponibles uniquement sur l’iBookstore, mais transférables et lisibles sur les tablettes Androïd (avec certaines limitations des fonctionnalités fonction des e-readers) et sur Kindle Fire (mais sans la navigation interactive).
Nous espérons que ce tour d’horizon va vous permettre de mieux connaître les possibilités pour vos achats, vos lectures, et vous donner quelques idées pour l’organisation de votre bibliothèque numérique.
Pour VisiMuZ, François Blondel