Port–en-Bessin, le pont et les quais, 1888, Georges Seurat, Minneapolis Institute of Arts (MN)
Georges Seurat (1859-1891) a commencé à peindre des marines en 1885 à Grandcamp (Calvados). En 1886 il passe l’été à Honfleur. En 1887, il veut absolument finir son grand tableau de l’année (Les Poseuses, fondation Barnes, Philadelphie) et reste à Paris. L’année suivante il part pour Port-en-Bessin, après l’exposition d’Amsterdam, qui avait été organisée par Théo van Gogh. Paul Signac avait séjourné là en 1882 et lui avait recommandé le site, à une vingtaine de kilomètres à l’est de Grandcamp.
Les marines constituent une partie importante de l’œuvre de Seurat. Comme il est mort à 31 ans, et que sa technique « de peinture au petit point » (comme disait Renoir) lui demandait beaucoup plus de temps, son catalogue raisonné comprend moins de 220 numéros. Ses recherches scientifiques, sa rigueur et son intransigeance en font un peintre difficile d’accès, auquel on reproche une trop grande froideur. Son caractère était très réservé, sa parole ne s’animait que pour défendre ses théories, et même son ami Signac évoquera plus tard un « aspect mécanique » dû à une couleur « trop divisée » et une « touche trop petite » (Journal, décembre 1897).
Mais que serait devenue sa peinture s’il avait pu éviter de mourir 3 ans plus tard ? Notre tableau du jour est particulièrement intéressant et montre une évolution puisqu’il s’agit du premier paysage maritime dans lequel l’artiste a introduit des personnages. Mais ils n’habitent pas le décor, ils sont là comme des fantômes. Beaucoup ont vu là les prémisses d’un Giorgio de Chirico avec ses places désertes ou d’un Paul Delvaux avec ses femmes désincarnées. Un paysage très construit, très architecturé, aux multiples points de vue, qui le rendent plein de poésie. Alors Seurat est-il un précurseur du surréalisme ? L’a-t-il vu venir ?
Seurat allait l’été au bord de la mer pour « se laver l’œil des jours d’atelier » selon ses confidences à son ami Émile Verhaeren.
22/10/2015
Dim 67 x 84,4 cm
Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad