Olympia, hst, 89 x 130 cm, Paul Gauguin, collection particulière, Oslo
Gauguin ? Oui. On sait que Manet (1832-1883) eut beaucoup d’influence sur ses cadets, que son Olympia devint un des symboles d’une nouvelle ère pour la peinture. On sait toutefois moins que Paul Gauguin (1848-1903) lui vouait une admiration sans bornes. Avant de devenir peintre, Gauguin était agent de change et était financièrement aisé. Il posséda alors deux tableaux de Manet. Mais c’est plus que de l’admiration qu’il voue à Olympia, c’est de l’amour. Ainsi en 1890, Henry Bidou, décrit la chambre de Gauguin au Pouldu : « La chambre de Gauguin était ornée de l’Olympia de Manet, du Triomphe de Vénus de Botticelli, de l’Annonciation de Fra Angelico, d’estampes d’Antamaro et de décorations de Puvis de Chavannes. »
Gauguin est parti à Tahiti le 4 avril 1891. Quelques semaines plus tard, une tahitienne s’enhardit et entre dans sa case. Gauguin décrit ainsi la scène :
« Pour m’initier au caractère si particulier d’un visage tahitien, je désirais depuis longtemps faire le portrait d’une de mes voisines, une jeune femme de pure extraction tahitienne.
Un jour, elle s’enhardit jusqu’à venir voir dans ma case des photographies de tableaux, dont j’avais tapissé un des murs de ma chambre. Elle regarda longuement, avec un intérêt tout spécial, l’Olympia.
— Qu’en penses-tu ? lui dis-je. (J’avais appris quelques mots de tahitien, depuis deux mois que je ne parlais plus le français). Ma voisine me répondit :
— Elle est très belle.
Je souris à cette réflexion et j’en fus ému. Avait-elle donc le sens du beau ? Mais que diraient d’elle les professeurs de l’école des Beaux-Arts !
Elle ajouta tout à coup, après ce silence sensible qui préside à la déduction des pensées :
— C’est ta femme ?
— Oui.
Je fis ce mensonge ! Moi, le tané[*] de la belle Olympia ! »
Le tableau du jour date du premier trimestre de 1891. Grâce à Monet, une souscription (19 415 francs collectés et versés à Suzanne Manet) et l’acceptation de l’État avaient permis que l’Olympia rentre au musée du Luxembourg en décembre 1890. Gauguin s’y est rendu pour la copier, pour essayer de comprendre ce qu’il y avait dans la tête de cet aîné qu’il admire tant. Il la copie d’abord sur place et termine la toile dans son atelier. Il y met assez de fidélité, malgré un tempérament si différent de celui de Manet, y compris avec le petit chat noir qui avait tellement scandalisé en 1865. Quand il s’embarque en avril pour Tahiti, il emporte la photo qu’il avait dans sa chambre du Pouldu.
Toute l’histoire est à retrouver avec tous les aspects de la vie de l’artiste dans la monographie écrite par Charles Morice, enrichie par VisiMuZ !
[*] tané : à Tahiti, le mâle, le mari, l’amant.
21/10/2015
Photo wikimedia commons Gauguin_Olympia.jpg Usr Vriullop.