Après le bain, ca 1883, Edgar Degas, collection particulière
L’ouvrage de Paul Jamot consacrée à Degas était lors de sa parution papier déjà une somme (156 pages au format in-quarto, voisin de notre A4). Lors de son enrichissement par VisiMuZ, il est devenu presque une bible sur Degas, sa vie et son œuvre. Les critiques de l’époque, les collectionneurs, ses amis artistes, sont convoqués chaque fois qu’ils commentent Edgar Degas, qui ne laissait personne indifférent.
Voir ici la monographie de Degas, par Paul Jamot, enrichie par VisiMuZ
En 1886, Degas a exposé sa célèbre série de nus. Dès 1894, Gustave Geffroy, le biographe de Monet et de Velázquez écrivait dans sa chronique :
« C’est bien la femme qui est là, mais une certaine femme, sans l’expression du visage, sans le jeu de l’œil, sans le décor de la toilette, la femme réduite à la gesticulation de ses membres, à l’aspect de son corps, la femme considérée en femelle, exprimée dans sa seule animalité, comme s’il s’agissait d’un traité de zoologie réclamant une illustration supérieure.
Le dessinateur n’a pas admis les poses habituelles des modèles, les pieds rassemblés, les mouvements arrondis des bras, les hanches mises en valeur, les torsions aimables de la taille. Inquiet des lignes qu’on ne cherche pas à fixer, qu’on ne cherche pas même à voir, il a voulu peindre la femme qui ne se sait pas regardée, telle qu’on la verrait, caché par un rideau, ou par le trou d’une serrure. Il est parvenu à la fixer, se baissant, se redressant dans son tub, les pieds rougis par l’eau, s’épongeant la nuque, se levant sur ses courtes jambes massives, tendant les bras pour remettre sa chemise, s’essuyant, à genoux, avec une serviette, ou debout, la tête basse et la croupe tendue, ou renversée sur le côté. Il l’a vue, à hauteur du sol, près des marbres encombrés de ciseaux, de brosses, de peignes, de faux cheveux, – et il n’a rien dissimulé de ses allures de grenouille ou de crapaud, du mûrissement de ses seins, de la lourdeur de ses parties basses, des flexions torses de ses jambes, de la longueur de ses bras, des apparitions stupéfiantes des ventres, des genoux et des pieds dans des raccourcis inattendus.
C’est ainsi qu’il a écrit ce navrant et lamentable poème de la chair, en cruel observateur qui a pourtant l’amour de la vie, en artiste épris des grandes lignes qui enveloppent une figure depuis la chevelure jusqu’à l’orteil, en savant qui connaît la place des os, le jeu des muscles, les crispations des nerfs, les marbrures et l’épaisseur de la peau. »
[*] Gustave Geffroy, La vie artistique, H. Floury Éditeur, 1894. Cité par VisiMuZ dans l’ouvrage consacré à Degas par Paul Jamot.
Un point de vue qu’il faut comparer à ceux de Gustave Coquiot et de Paul Jamot pour se faire ensuite sa propre idée.
05/07/2015
Dim 53 x 33 cm, photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad