La Pie, 1868-69, hst, 89 x 130 cm, Claude Monet, musée d’Orsay
Monet a 28 ans, il cherche plus à exprimer la substance qu’à rendre une apparence. Alors il s’attaque à un sujet complexe, la neige, à la suite de Courbet mais en espérant minimiser les effets théâtraux de ce dernier. L’impressionnisme va naître cinq ans après.
Les bandes noires sont comme une portée musicale dont la pie est une note, dans cet espace presque monochrome aux reflets bleutés. Monet nous propose-t-il un hommage à Rossini ? On sait que celui-ci a écrit son opéra en 1817, mais il a révisé une dernière fois sa composition à Paris en 1866, seulement 3 ans avant la naissance du tableau de Monet.
La barrière à claire-voie est aussi une frontière entre l’espace du premier plan et celui-de l’arrière-plan. Mais il y a une autre dimension symbolique. La moitié inférieure du tableau est dédiée à la terre, la moitié supérieure à l’air et au ciel. Et juste à la limite entre ces deux mondes se tient la pie, capable d’appartenir à l’un comme à l’autre et séparant les deux espaces.
Au premier regard, ce sont la couleur et la texture de la neige qui nous frappent d’abord. Citons Federico Zeri[*] : « Les Romains avaient une grande sensibilité au blanc et au noir. Ils avaient deux mots pour désigner le blanc : candidus et albus. Candidus, c’est le blanc scintillant, celui de la neige ; albus, par contre, c’est le blanc qui n’a pas de reflet, celui de la coquille d’œuf…/… Nous disons, nous, simplement, la neige est blanche et les œufs sont blancs …/… On trouve chez les impressionnistes d’autres tableaux avec de la neige, très réussis, peints avec un grand bonheur d’expression. J’ai vu récemment un tableau de Monet où justement la neige est représentée avec cette extraordinaire qualité de silence… ».
La toile a évidemment été refusée au Salon de 1869.
[*]. Federico Zeri, Derrière l’image, p.30 et p.69
10/12/2015
Photo wikimedia commons Claude Monet – The Magpie – Google Art Project.jpg Usr : Paris 16