Jeanne Hébuterne, 1919, hst, 91,4 x 73 cm, Amedeo Modigliani, Metropolitan Museum of Art, New York, catalogue Ceroni n° 326.
Nous sommes en mars 1917. Sur le front, la guerre s’enlise au fond de tranchées boueuses, mais à Paris, on fête le carnaval. Après avoir habité à Montparnasse, Amedeo vit maintenant à Montmartre (place Émile-Goudeau) et s’est costumé pour la fête en Pierrot. Ce soir-là une amie sculptrice, Chana Orloff, présente à Amedeo une amie à elle, une très jeune femme – elle a 19 ans – costumée. Elle porte un poncho et des bottes. Elle a dessiné, peint et cousu son déguisement elle-même.
Elle s’appelle Jeanne Hébuterne et est étudiante à l’académie Colarossi dans le 6e arrondissement, là même où Modi s’était inscrit à son arrivée à Paris en 1906. La beauté de Jeanne ne passe pas inaperçue. Son teint très pâle, contrastant avec sa chevelure auburn, lui a valu le surnom de « Noix-de-coco ».
C’est le coup de foudre, la nuit est longue et ils décident très vite de vivre ensemble. Modi va alors changer de rive, quitter Montmartre et retourner à Montparnasse. Ils emménagent au 8, rue de la Grande Chaumière (l’académie Colarossi est au 10, dans la même rue). Modi a rencontré l’amour fou mais sa santé ne s’améliore pas. La tuberculose s’est déclarée et le médecin va l’envoyer dans le midi au début de 1918. Une petite Jeanne (1918-1984) naîtra le 29 novembre 1918 à Nice
Le peintre rentre à Paris le 31 mai 1919. Les deux Jeanne le rejoindront en juin. Modigliani a son atelier rue de la Grande Chaumière. Tout près se trouvent son marchand Léopold Zborowski et son ami Moïse Kisling (rue Joseph-Bara).
À son retour à Paris , il reste à Modi un peu plus de sept mois à vivre pendant lesquels il va peindre une quarantaine de toiles. Il se restreint alors aux gens qu’il aime et à ses amis : Léopold Zborowski (2 fois) et sa femme Hanka Zborowska (4 fois), leur amie Lunia Czechowska (6 fois), sa petite voisine Paulette Jourdain (1 fois), et puis Jeanne, encore et toujours.
En juillet, il signe devant témoin une promesse de mariage, qu’il n’aura pas le temps et le loisir d’honorer.
« Je m’engage aujourd’hui, 7 juillet 1919, à épouser Mademoiselle Jeanne Hébuterne, aussitôt les papiers arrivés. ».
Signé : Amédée Modigliani, Léopold Zborowski, Jeanne Hébuterne, Lunia Czechowska.
Daté : 7 juillet 1919
Pendant ces quelques mois, Modi va réaliser au moins 12 portraits de Jeanne dont notre tableau du jour. Sa blouse évasée cache un petit ventre arrondi. Jeanne est alors enceinte de leur 2e enfant. Sa vie s’arrêtera juste après celle de Modigliani, le 25 janvier 1920. Elle avait 21 ans.
Jeanne n’était pas que « la femme de ». Elle était une artiste en devenir et il nous reste une douzaine d’œuvres de sa main dont cet autoportrait. Sa dernière localisation connue était la collection Oscar Ghez (musée du Petit-Palais, Genève, fermé).
Autoportrait, ca 1916-1917, huile sur carton, 50 x 33,5 cm, Jeanne Hébuterne.
Signalons pour finir qu’une exposition « Amedeo Modigliani, l’œil intérieur » aura lieu bientôt à partir du 27 février 2016, au LAM à Villeneuve d’Asq.
08/01/2016
Photo 1 VisiMuZ
Photo 2 wikimedia commons File:Jeanne_Hébuterne_-_Autoportrait.jpg