Cet article est une réalité virtuelle. Jamais, dans le monde réel, ces deux portraits n’ont pu être accrochés l’un à côté de l’autre.
Le docteur Gachet a suivi Vincent pendant les quelques mois qu’il a passés à Auvers. La pose du médecin est mélancolique. Est-ce un aveu d’impuissance par rapport à son patient, quelques semaines avant sa mort ? Paul Gachet tient dans la main une branche de digitale pourpre, plante dont est tirée la digitaline, un médicament. Elle identifie donc le personnage en tant que médecin.
Le premier tableau est l’original. Il est dit aussi « aux livres ». Vincent en parle dans une lettre, ornée d’un croquis, du 3 juin 1890 à Théo : « Je travaille à son portrait la tête avec une casquette blanche très blonde très claire les mains aussi à carnation claire un frac bleu et un fond bleu cobalt appuyé sur une table rouge sur laquelle un livre jaune et une plante de digitale à fleurs pourpres …/… M. Gachet est absolument fanatique pour ce portrait et veut que j’en fasse un de lui si je peux absolument comme cela ce que je désire faire aussi. »
Notre tableau a gagné un surcroit de notoriété le 15 mai 1990 à New York. Mis en vente chez Christie’s, il a fait l’objet d’une bataille d’enchères et d’egos pour atteindre le prix fabuleux de 75 millons, soit 82.5 millions de dollars avec les frais. Il partira alors pour Tokyo et restera le tableau le plus cher du monde jusqu’en 2012 (date à laquelle un Cézanne le remplacera et depuis les records ont été battus deux fois en 2015, par Picasso pour les ventes publiques et le Gauguin de Bâle pour les ventes de gré à gré). De 1961 à 1984, on a pu voir cette toile au Metropolitan Museum auquel il avait été prêté.
Depuis 20 ans, c'est dire depuis la mort de Ryoei Saito en 1996, on ne sait plus où se trouve le tableau. Est-il dans les coffres d’une banque japonaise, créancière de Monsieur Saito ?
Mais l’histoire extraordinaire de la toile a commencé très tôt. Vendue par Jo, la veuve de Théo, en 1897 à Vollard pour 250 francs, elle est acquise finalement en 1911 par le Städel Museum à Francfort. Quand une œuvre entre dans un musée, le plus souvent, elle y reste.
Mais… en 1933 les nazis le décrochent. C’est pour eux de l’ « art dégénéré ». Hermann Goering s’en empare et le vend à une galerie d’Amsterdam. Il a été ensuite acheté par Siegfried Kramarsky, financier new-yorkais né en Allemagne, et conservée dans sa famille jusqu’à la vente de 1990.
Le tableau du musée d’Orsay est une réplique du précédent. La pose est approximativement la même mais les couleurs et la touche très différentes. Il est (heureusement) connu par une photo du galeriste Druet, qui avait pris une photo volée au salon des Indépendants en 1905.
Comme Vincent n’avait pas commenté cette réplique (ou qu'une lettre a été perdue), certains avaient mis en doute l’authenticité de cette toile. Mais la réalité est plus simple. L’original était destiné à Théo pour la vente. Et comme Gachet voulait le garder, il en a demandé une réplique à Vincent. Comment Vincent aurait-il pu dire non alors qu’il l’avait fait dans d’autres cas ? Mme Roulin par exemple ! Le Dr Gachet fils appelait ce portrait le « duplicatum ». La réplique est un peu moins fouillée, peut-être Vincent a-t-il voulu aussi simplifier pour obtenir plus de force expressive !
L’histoire ensuite est beaucoup plus classique, de Paul Gachet fils au musée du Louvre en 1949, et maintenant au musée d’Orsay.
Retrouvez les tableaux peints à Auvers et tous les autres, ainsi que la vie de Vincent dans la monographie publiée par VisiMuZ, ICI.
10/01/2016
Photo 1 wikimedia commons Van_Gogh_-_Bildnis_Doktor_Gachet Usr Mefusbren69Photo 2 wikimedia commons File:Vincent_van_Gogh_-_Dr_Paul_Gachet_-_Google_Art_Project.jpg Usr Paris 16