Bachi-bouzouk, 1869, Jean-Léon Gérôme, Metropolitan Museum of Art, New-York.
De 1822 à 1900, l’Orient proche est à la mode, les odalisques d’Ingres (le Bain turc en 1859) ou Delacroix (1857) répondent aux turqueries de Pierre Loti (Ayzadé paraîtra en 1879). C’est la période de la guerre d’indépendance de la Grèce (1822-29), de la colonisation de l’Afrique du nord (1830-1857), de la campagne de Crimée (1853-56) enfin pendant laquelle l’Empire ottoman est l’allié de la France.
Au-delà des jeunes femmes qui font rêver les peintres, s’expriment d’autres exotismes. Parmi eux, les bachi-bouzouks, des mercenaires de l’armée ottomane, souvent d’origine albanaise, mais pouvant comme dans ce tableau être africains. Ces soldats sont d’abord des cavaliers, à l’armement très léger, à l’uniforme folklorique (başıbozuklar signifie « têtes non standardisées « ) et peu disciplinés, employés pour terroriser et piller les populations.
Jean-Léon Gérôme est un peintre académique qu’on qualifiait il a encore dix ou vingt ans de pompier, et qu’on regardait avec un certain mépris. Il était l’ennemi intime de Manet. En 1894 encore, il va prendre la tête des opposants au legs Caillebotte ! Choqué par la présence d’impressionnistes à l’Exposition Universelle de 1900, il empêche le président Loubet de pénétrer dans la salle en lui disant : « C’est ici le déshonneur de l’art français ».
Et pourtant ! Bien sûr, la pose est académique mais rien de mièvre, contrairement aux œuvres de Bouguereau ou Cabanel, dans ses compositions. Le fier guerrier qui pose pour ce tableau est impressionnant tant dans sa physionomie, que dans ses vêtements et son accoutrement. Un signe qui ne trompe pas : le Metropolitan Museum en a fait la couverture de son catalogue général.
Enfin, est-il besoin de rappeler que traiter quelqu’un de bachi-bouzouk n’était pas un compliment… dans la bouche du capitaine Haddock ?
04/02/2016
Photo VisiMuZ
P.S. : S’il avait un rapport avec la peinture, nous vous parlerions bien aussi d’Eugene Jacques Bullard, une personnalité exceptionnelle, le premier pilote noir des Forces Alliées, engagé volontaire en 1914 en France dans la Légion Étrangère. Il était compagnon d’armes de Moïse Kisling et Blaise Cendrars. Même si, du fait de l’époque, il a souffert, trop souvent, du racisme (mais beaucoup moins en France qu’aux États-Unis où il était né), peut-être que, contrairement à une croyance à la mode, les gens et les époques ne sont ni tout blancs, ni tout noirs !