Rochers à Port-Goulphar, Belle-Île, 1886, hst, 66 x 81,8 cm, Claude Monet, Art Institute de Chicago, Wildenstein 1095
En 1886, Gustave Geffroy (1855-1926) rencontre Claude Monet à Belle-Île. De leur rencontre naît une amitié qui ne sera interrompue que par la mort. Geffroy a été l’un des fondateurs de l’académie Goncourt. Il nous a laissé quelques pages magnifiques sur son ami Monet.
« Claude Monet travaille devant ces cathédrales de Port-Domois, dans le vent et dans la pluie. Il lui faut être vêtu comme les hommes de la côte, botté, couvert de tricots, enveloppé d’un “ciré”’ à capuchon. Les rafales lui arrachent parfois sa palette et ses brosses des mains. Son chevalet est amarré avec des cordes et des pierres. N’importe, le peintre tient bon et va à l’étude comme à une bataille. Volonté et courage de l’homme, sincérité et passion de l’artiste, ce sont les caractéristiques de cette famille rustique et fine de paysagistes dont les œuvres sont l’honneur et l’originalité de l’art de ce siècle. Monet sera au premier rang dans ce groupe. Depuis 1865, toutes les colères l’ont assailli, on n’a pas ménagé les quolibets à ses toiles, il a eu à lutter contre la malveillance et l’inertie. Il est facile de prédire que les habitudes d’esprit et les appréciations changeront et qu’il en sera de Monet comme il en a été de tant d’autres méconnus et raillés. Ici, devant ces toiles d’un ample dessin, devant ces œuvres lumineuses, imprégnées par l’atmosphère, pénétrées par le soleil, où les couleurs se décomposent et s’unissent par on ne sait quelle magie d’alchimiste, devant ces falaises qui donnent la sensation du poids de la terre, devant cette mer où tout est en mouvement continu, la forme de la vague, la transparence sous-marine, les écumes nuancées, les reflets du ciel, on a l’impression qu’il est apparu dans l’art quelque chose de nouveau et de grand.
Mais ce n’est pas dans cette note griffonnée au soir d’une journée que peut être décrite et commentée cette histoire de la côte et de la mer à toutes les heures, sous tous les temps, tracée par un pinceau prestigieux. Les toiles peintes à Belle-Île seront vues à Paris. Qu’il suffise d’avoir dit l’amour profond et ému de la nature, qui fait à Claude Monet vouloir reproduire sur ces toiles les lignes qui ne changent pas et les effets fugitifs, les espaces sans bornes de l’eau et du ciel et le velours d’une motte de terre couverte de mousses humides et de fleurs desséchées. »
Avec une petite pensée pour les îliens de Belle-Ile, Houat, Hoëdic, etc. !
26/02/2016
photo wikimedia commons File:Paysage_%C3%A0_Port-Goulphar.jpg Ust Tiago Vasconcelos