La Jeune femme à la rose (Marguerite), 1916, huile sur toile, 65,1 x 46 cm, Amedeo Modigliani, vente Christie’s New York, 12 mai 2016.
1916, une année charnière pour Modigliani. C’est l’année de la rupture avec Béatrice. Mais aussi, après quinze mois de guerre, le marché de l’art reprend de la vigueur. Des expositions s’organisent. Paul Guillaume a envoyé, dès la fin de 1915, 24 œuvres de Modigliani à New York. En mars 1916, chez Germaine Bogard, la sœur du couturier Paul Poiret, sont exposés des dessins de Modigliani, aux côtés des œuvres de Picasso, Léger, Derain ou Matisse. En juin 1916, Modigliani est exposé à Zürich, aux côtés de Picasso et Jean Arp. En juillet, c’est à Paris le salon d’Antin, organisé par André Salmon. Pour toutes ces expositions, il fallait réaliser des tableaux autres que ceux de commande. C’est là qu’intervenaient les modèles professionnels.
Modigliani a réalisé trois portraits de cette jeune femme, et écrit son prénom sur l’un des portraits. Dans le passé, le nom de la sœur de Modigliani (qui s’appelait aussi Margherita) avait été évoqué pour l’identité du modèle. Mais cela ne tenait pas vraiment la route, puisque le dernier voyage de Modigliani à Livourne datait de 1913. De plus, Jeanne Modigliani, élevée ensuite par Margherita après la mort de ses parents, nous a appris que les liens entre le frère et la sœur étaient assez lâches, au moins sur le plan artistique. Enfin, la période à laquelle ce tableau a été réalisé fait pencher également pour un modèle professionnel.
Le 113, boulevard du Montparnasse se situe au croisement avec le boulevard Raspail. Jusqu’en 1914, se tenait là, tous les lundis matin, le marché aux modèles. Les artistes venaient choisir, prendre rendez-vous pour les séances de pose, organiser leur planning. Pour les mêmes raisons historiques qui ont fait que les marchands de vin et charbon étaient auvergnats, les commissionnaires de Drouot savoyards, les modèles féminins étaient en majorité italiennes, ce qui n’était pas pour déplaire à Modigliani. Le « marché » avait été suspendu du fait de la guerre, mais la population de modèles était restée dans le quartier qui leur assurait leur subsistance.
Le style de Modigliani à cette période est en train d’évoluer vers ce qui a été ensuite sa « marque de fabrique ». Un visage stylisé et un cou allongé, des yeux en amande, un nez inspiré par le cubisme. La rose introduit un contraste de couleur dans ce portrait aux tonalités sombres, très évocateur des sculptures de Modigliani de 1912-1913.
Le tableau a aussi fait la une de l’actualité cette semaine. Il a été vendu 12,765 millions de dollars le 12 mai chez Christie’s à New York.
Un portrait à retrouver avec les deux autres de Margherita dans le tome 1 de la biographie de Modigliani, chez VisiMuZ. Nous travaillons sur le tome 2 qui sera là pour les vacances.
18/05/2016
Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad