Deux chaises et une oreille : Gauguin et Van Gogh

La littérature a eu, quelques années avant, son drame. En 1873, Verlaine a tiré sur Rimbaud. Mais la peinture ne va pas longtemps être en reste. Le 23 octobre 1888, Paul Gauguin rejoint Vincent Van Gogh pour fonder un « atelier du midi » qui reprendrait le concept de l’école de Pont-Aven, mais sous le soleil du sud.  La vie quotidienne s’organise, les deux hommes se partagent les tâches ménagères mais les relations se dégradent vite.
De leur éphémère collaboration, subsistent deux grands tableaux : Les Arlésiennes (Mistral), à l’Art Institute de Chicago, pour Paul Gauguin, et La Salle de danse à Arles à Orsay pour Vincent Van Gogh.

En novembre 1888, il pleut sur Arles et Vincent, bloqué à la maison, loin des paysages qu’il aime tant, va écouter les conseils de Paul pour des sujets plus « symbolistes ». Il peint deux chaises, la sienne et celle de Gauguin.  En effet, Vincent avait l’ambition d’accueillir d’autres amis artistes dans sa maison-atelier, et avait acheté plusieurs chaises, chacune devant refléter un peu de la personnalité de leur propriétaire. Cette idée était née à la mort de Charles Dickens en 1870, la revue « Graphic » ayant fait paraître la gravure d’une chaise vide (ici) pour peindre l’absence de l’écrivain. Les objets posés sur la chaise sont là pour évoquer un peu de la personnalité de leur propriétaire.
Vers le 19 novembre, Vincent écrit à son frère Théo :
« Si à quarante ans, je fais  un tableau de figures tel que les fleurs dont parlait Gauguin, j’aurai une position d’artiste à côté de n’importe qui. Donc persévérance. En attendant je peux toujours te dire que les deux dernières études sont assez drôles. Toiles de 30, une chaise en bois et en paille toute jaune sur des carreaux rouges contre un mur (le jour). Ensuite le fauteuil de Gauguin rouge et vert, effet de nuit, mur et plancher rouge et vert aussi, sur le siège, deux romans et une chandelle. Sur toile à voile à la pâte grasse.»

Vincent_Willem_van_Gogh_138

Vincent_van_Gogh_-_De_stoel_van_Gauguin_-_Google_Art_Project

La Chaise de Vincent 1888 – National Gallery Londres, et La Chaise de Gauguin – Van Gogh Museum, Amsterdam

Vincent est le jour, Paul est la nuit. Pourquoi pas ?

Mais les relations se tendent  jusqu’à ce jour du 23 décembre où Vincent, le « Hollandais fou » menace Paul avec un rasoir avant de se trancher un morceau du lobe de l’oreille gauche. Il existe d’autres versions de l’histoire, comme celle d’un coup de rapière porté par Gauguin. On trouvera des commentaires sur un article du Figaro de 2009 (ici), à la suite de la parution d’une étude allemande.

Les deux hommes ne se reverront pas. Vincent un peu plus tard réalise des autoportraits le montrant avec l’oreille bandée (qui est donc à droite dans ses autoportraits au miroir).

Courtault_GOG01_6140
L’Homme à l’oreille bandée, 1889. Institut Courtauld , Londres

Il existe deux portraits de cet Homme à l’oreille bandée. Le premier est à l’Institut Courtauld à Londres. Si, passant par Londres avec votre guide VisiMuZ de la National Gallery (parution le 11 mars prochain), vous admirez La Chaise à la National Gallery, un détour s’impose pour aller jusqu’à l’Institut Courtauld (à 500 m à pied) pour voir la suite de l’histoire.

Le second (pour combien de temps encore ?) est dans une collection particulière à Chicago.
S’il est présenté dans une maison de ventes, nul doute que le montant d’adjudication sera pharaonique.

Self-Portrait_with_Bandaged_Ear_and_Pipe20

Vincent a retrouvé Paul dans la salle de l’Institut Courtauld où leurs tableaux sont proches (photo ci-dessous). Permettez-nous à ce sujet à la fois une digression, un coup de cœur et un coup de gueule !

Courtault_VanGogh_6139
La photo ci-dessus montre tout l’intérêt qu’il y a à (re-)découvrir les collections permanentes. Vous avez tout le temps, tout l’espace pour profiter des œuvres. On est loin de la foule agglutinée dans les expositions temporaires montées en épingle. Chez VisiMuZ, nous avons envie de vous emmener voir ces trésors accessibles, mais peu médiatisés, que sont les collections permanentes.

Crédits Photos :
1) La Chaise de Vincent
Lien : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vincent_Willem_van_Gogh_138.jpg
User : Slick-o-bot licence : CC-PD-Mark
2) La Chaise de Gauguin
Lien http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vincent_van_Gogh_-_De_stoel_van_Gauguin_-_Google_Art_Project.jpg – User DcoetzeeBot – Licence : CC-PD-Art
3) VisiMuZ
4) L’Homme à l’oreille bandée
Lien : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Self-Portrait_with_Bandaged_Ear_and_Pipe20.jpg
User : Nolan Licence : CC-PD-Mark
5) VisiMuZ

Théodore Chassériau et son Esther

Esther, se pare pour être présentée au roi Assuérus ou La Toilette d’Esther est notre tableau du jour. Quand Chassériau l’a réalisé, il n’avait que 22 ans.  Il s’était fait connaître deux ans auparavant avec deux tableaux de nu, aux prétextes mythologiques (Vénus anadyomène)  et bibliques (Suzanne au bain).

Théodore Chassériau (1819-1856)  est un peintre trop peu connu du grand public. Plusieurs raisons à cela : tout d’abord, il est mort jeune (à 37 ans). De plus, si son talent était évident, son style a balancé entre celui d’Ingres (1780-1867), dont il a été l’élève, et celui de Delacroix (1798-1863). Chassériau ne peut donc être rattaché directement à un courant (néo-classicisme, académisme, orientalisme, romantisme, réalisme, etc.) et cette difficulté à le catégoriser ou le classer l’a laissé un peu dans l’ombre.
En 1841, l’orientalisme est à la mode. L’Algérie a été prise en 1830, Delacroix y est allé dès 1832 et Chassériau ira en 1846.

La Toilette d'Esther
Esther, se pare pour être présentée au roi Assuérus ou La Toilette d’Esther, 1841
Musée du Louvre, aile Sully, salle 63

Acte I : entre 600 et 460 avant J.C.
Le thème d’Esther est tiré du livre éponyme dans la Bible.
Dans la troisième année du règne d’Assuérus, celui-ci a démis de son titre son épouse la reine Vashti. Sept jeunes Vierges doivent lui être présentées, dans sa capitale de Suse, et il choisira sa nouvelle épouse parmi elles. Mardochée, juif de la tribu de Benjamin, en exil après la destruction du temple de Salomon, a recueilli sa cousine orpheline Esther et l’envoie au palais. Le cérémonial prévoyait un an de préparation, avant la présentation au roi. Esther sera choisie comme reine. Pendant cette période, Mardochée surprend un complot contre Assuérus, et il fait prévenir le roi par Esther.
Neuf ans plus tard, le vizir Haman décide d’exécuter tous les Juifs de la diaspora installés dans l’empire perse. Assuérus apprend alors que Mardochée l’a sauvé neuf ans plus tôt. Dans le même temps, Esther révèle à son époux son appartenance au peuple juif et lui apprend aussi que le décret d’Haman n’est pas politique mais lié à des ressentiments personnels. Le décret est supprimé, Haman est pendu, et Mardochée devient vizir. Le peuple juif sauvé instaure alors la fête commémorative de Pourim. Si cet épisode a des fondements historiques, l’histoire se serait déroulée entre 600 et 460 avant J.C. La fête de Pourim est célébrée en 2013 les 23 et 24 février, et parmi les lecteurs du livre d’Esther ce week-end, certains pourront aussi penser à la beauté créée par Chassériau.

Acte II : Madame de Maintenon, Racine, et le jansénisme.
Esther, pièce jouée pour la première fois en 1689, est l’avant-dernière pièce de Jean Racine (1639-1699). Elle reprend le thème de la Bible, en respectant les préceptes classiques (unité de temps, de lieu, d’action). Ainsi le premier épisode est traité en flash-back et Esther raconte à une amie comment elle est devenue reine et comment Mardochée a déjoué le complot contre Assuérus. Racine, comme Louis XIV et son épouse morganatique Françoise de Maintenon se sont rapprochés du jansénisme. Racine, en bon courtisan, reprend un thème biblique, sa commande précisant qu’il doit écrire sur « quelque sujet de piété et de morale ». Il traite du concept de la « Providence » (théorisé quelques années auparavant par Bossuet, évêque de Meaux), mais aussi de la tolérance envers les autres religions. Il critique ainsi discrètement la révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV, intervenue quatre ans auparavant le 22 octobre 1685, qui interdisait le protestantisme en France, et causera l’exil des huguenots.

Acte III : La Toilette d’Esther, 1841
Chassériau profite d’un thème sérieux, voire austère, pour nous donner une image pleine de vie et de beauté. Son ami Théophile Gautier parlait à son sujet de « grâce étrange ». À cette date, Chassériau a rompu avec son maître Ingres, et si son dessin reste très pur, on retient surtout la lumière qui se pose sur l’héroïne, la couleur exceptionnelle et l’atmosphère orientale pleine de sensualité, qui en font un chef-d’œuvre. Le tableau de Chassériau à l’érotisme puissant sera sévèrement jugé par la critique de l’époque, comme les tableaux de Courbet et Manet le seront quelques années plus tard,. Sans doute était-il trop en avance sur son temps !

Monet en 1867 à Sainte-Adresse

De Claude Monet (1840-1926), on connaît l’attirance pour les séries, celles des meules, des cathédrales, ou des nymphéas. Mais celles-ci sont surtout le fait d’un Monet mûr, effectuant des recherches sur la lumière. On sait qu’il finira sa vie en patriarche de 86 ans, ami de Georges Clémenceau, et notable de la République. On connaît aussi son lien particulier avec la Manche, la ville du Havre (Impression, soleil levant est d’abord une vue du port du Havre) et ses environs.

Monet_Pointe_de_la_HèveLa Pointe de la Hève à marée basse, 1864. ★ National Gallery Londres

Une autre version peinte en 1865 est au Kimbell Art Museum de Fort Worth, Texas.
Mais regardons d’un peu plus près la vie de Monet en 1867. Il a grandi au Havre, et s’il habitait alors Paris, la ligne de chemin de fer, ouverte depuis 1847, lui permettait de retourner facilement dans cette ville qu’il aimait. Il retrouvait l’ambiance maritime et bucolique de la maison de sa tante et de ses cousins Lecadre.
Il y vivait une vie bourgeoise dans ce qui était une villégiature à la mode. Osera-t-on dire que la vie en été à Sainte-Adresse était dionysiaque, du nom de ce dieu grec que l’on associe souvent aux fêtes et au vin ? En tout cas, les habitants de Sainte-Adresse s’appellent des dionysiens.

Claude_Monet-Sainte-Adresse-Montpellier

On sait qu’autour de 1866, Monet a peint cette maison (★ musée Fabre Montpellier) à Sainte-Adresse. Il est heureux en cette année 1867. Camille, qui ne deviendra sa femme qu’en 1870, lui donne un fils (Jean) le 8 août. Et ce bonheur familial transparaît dans ses tableaux. Ceux de l’année 1867 sont très connus et reçoivent souvent deux ou trois étoiles dans les guides VisiMuZ des musées qui les possèdent. La joie de vivre de l’artiste transparaît dans ses tableaux et ravit les spectateurs-admirateurs que nous sommes.

Claude_Monet_022

La Femme au jardin (★★ musée de l’Ermitage Saint-Pétersbourg) est Jeanne-Marguerite Lecadre. Ce tableau formait originellement une paire avec Adolphe Monet lisant dans un jardin aujourd’hui dans une collection particulière.

DSC01348La Terrasse à Sainte-Adresse – ★★ Metropolitan Museum of New York

Sur la terrasse, les personnages sont le père de Monet et les cousins Lecadre. On remarquera que Jeanne porte la même tenue que dans la toile précédente.

DSC01349Les Régates à Sainte-Adresse – ★★ Metropolitan Museum of New York

La première régate en France a eu lieu au Havre en 1838. On aperçoit dans cette toile les bourgeois bien mis qui admirent les voiliers de plaisance. De 1853 à 1860, la Société des Régates du Havre a eu pour président d’honneur Jérôme Bonaparte (1784-1860), ex-roi de Westphalie et oncle de l’empereur, et en 1867 son fils le prince Napoléon en assurait la présidence d’honneur. Mais Monet aime les contrastes et peint aussi les pêcheurs au travail.

Claude_Monet_-_The_Beach_at_Sainte-Adresse_-_Google_Art_ProjectLa Plage à Sainte-Adresse – ★★ Art Institute of Chicago

ou les cabanes qui sont encore dévolues au monde de la pêche et seront remplacées au XXe par celles de la ville du Havre et de la Société des Régates

MAH_Monet_CabaneSteAdresseLa Cabane de Sainte-Adresse – ★ Musée d’Art et d’Histoire de Genève

Monet va avoir vingt-sept ans, il a une femme et un bébé, du talent et des relations. Le monde lui appartient.

Crédits Photos
1 Lien : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Monet_Pointe_de_la_H%C3%A8ve.jpg User : Paola Severi Michelangeli licence : CC-PD-Mark
2 Lien : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Monet-Sainte-Adresse-Montpellier.jpg User : Tancrède licence : CC-PD-Mark
3 Lien : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Claude_Monet_022.jpg User : Olpl licence : CC-PD-Mark
4 VisiMuZ
5 VisiMuZ
6 Lien : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Claude_Monet_-_The_Beach_at_Sainte-Adresse_-_Google_Art_Project.jpg User : DcoetzeeBot licence : CC-PD-Mark
7 VisiMuZ

Léonard de Vinci et ses deux Madones à l’Ermitage

Le musée de l’Ermitage de Saint Pétersbourg vient de faire sur sa page Facebook un focus sur la Madone Benois et la Madone Litta, deux tableaux vedettes du musée, devant lesquels les groupes de croisiéristes s’agglutinent, ce qui oblige à aller les voir tôt le matin ou en fin d’après-midi.

Je vous joins le lien sur ces articles (voir en date du 18 janvier). Les russophones pourront voir que tout n’est pas dit par le musée…par rapport aux commentaires VisiMuZ.

http://www.facebook.com/state.hermitage

La Madone Benois
Salle 214. La Madone Benois a été acquise en 1914 auprès de la famille Benois. Cette oeuvre de Léonard de Vinci est entrée en possession de Léon Benois par son mariage.

2013_Blog190113_Leonardo_da_Vinci_026

Ce petit tableau (49,5 x 33 cm) est certainement une des toutes premières œuvres (avec la Madone à l’œillet de Munich) peintes par Léonard de Vinci en tant que maître, après qu’il ait quitté son maître Andrea del Verrochio. Il a été peint probablement en octobre 1478. Deux études préparatoires se trouvent au Bristish Museum à Londres. Raphaël s’est inspiré de cette composition pour sa célèbre Madone aux œillets, depuis 2004 à la National Gallery de Londres. En 1790, la Madone quitte l’Italie pour la collection du général Korsakov. A la mort de celui-ci, son fils le vend pour la somme de 1400 roubles à un marchand du nom de Sapozhnikov. La petite-fille de celui-ci épouse Léon Benois et lui apporte le tableau. Dans les archives de Sapoznikov, on retrouvera beaucoup plus tard un document de 1827, sur lequel il était écrit : « Mère de Dieu, tenant l’Enfant sur la main gauche… Maitre Leonardo da Vinci.. collection du général Korsakov ».
Léon Benois dévoile sa collection en 1908 lors d’une exposition. Le tableau est alors inconnu et E.Lipgartu, conservateur en chef de l’Ermitage impérial, reconnaît alors dans la Madone une œuvre de Léonard de Vinci. Les discussions durent quatre ans. Joseph Duveen, toujours à l’affût des œuvres importantes, en propose 500 000 francs or. Mais l’opinion publique russe se mobilise et fait campagne pour que le tableau reste en Russie. Léon Benois le vend alors au musée pour la somme beaucoup plus modeste de 150.000 roubles.
Les Benois sont depuis plus de deux siècles des notables importants à Saint-Pétersbourg. Un musée leur est d’ailleurs consacré depuis 1988. Louis-César Benois, confiseur de son état, avait quitté la France en 1794, à cause de la Révolution, pour s’installer en Russie. Le passeport russe était déjà très prisé ! Son fils Nicolas devint l’architecte du tsar au palais de Peterhof, métier repris à son tour par son fils Léon. De nombreux autres membres de la famille sont célèbres, comme peintres, musiciens, décorateurs, ou… acteurs. La Scala de Milan a été décorée puis dirigée par Nikolaï Benois (1901-1988) et Sir Peter Ustinov est le petit-fils de Léon Benois.

La Madone Litta
Salle 214. La Madone Litta tire elle-aussi son nom de son ancien propriétaire, le duc Litta. Il a été acheté à Milan suite à une offre internationale de vente, le 12 janvier 1865, par le tsar Alexandre II via le directeur du musée impérial, S.A. Gedeonov.

2013_Blog190113_470px-Madonna_Litta

L’œuvre est beaucoup plus plaisante que la précédente, et on retrouve en plus précis le sfumato caractéristique dans le paysage. Cette Vierge allaitante est toujours présentée lors des visites guidées à l’Ermitage comme une œuvre majeure de Léonard de Vinci, mais les historiens de l’art (comme Martin Kemp [1981]) tendent maintenant vers une attribution à un élève du maître, comme Giovanni Boltraffio (1467-1516), dont le style plus sec et la recherche du fini, différaient de la manière de Léonard. David Alan Brown (cf. Madonna Litta, XXIX Lettura Vinciana, Florence [1990], cité par Wikipedia) l’attribue pour sa part à Marco d’Oggiono (ca 1470-1530 ou 49 ?) dont il reste très peu de tableaux.
La plupart des experts s’accorde toutefois à reconnaître dans la Madone Litta un dessin préparatoire de la main de Léonard (voir aussi le Codex Vallardi au Louvre). Quand l’Ermitage prêtera-t-il l’oreille à ces débats ? Noter qu’à l’Ermitage, au dos du chevalet de la Madone Litta se trouve une Madeleine repentante par Gianpetrino (actif entre 1508 et 1549), un autre des disciples préférés de Léonard.

 

Crédits Photos :in
Madone Benois
User : Eloquence Lien : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Leonardo_da_Vinci_026.jpg
Madone Litta
User : Olpl Lien http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Madonna_Litta.jpg</i>

Retour sur les tableaux volés, tableaux retrouvés en 2012

Petit retour sur les vols et tableaux retrouvés en 2012. Pour chacun, le lien vous permettra de connaître les détails, souvent croustillants, de l’aventure. La vraie vie est plus déroutante encore que les romans, des berges d’une rivière à l’aéroport international de Miami, des sacs poubelle corses au siège d’Interpol, de la manifestation des sud-américaines topless devant leur musée aux mafias des Balkans.

Commençons par les tableaux retrouvés. On a appris il y a quelques jours qu’un tableau de Matisse de 1920, volé le 11 mai 1987 à Stockholm a été retrouvé en Angleterre le 7 janvier grâce à la base de données des tableaux volés.

http://www.leparisien.fr/faits-divers/londres-un-tableau-vole-de-matisse-retrouve-25-ans-apres-07-01-2013-2461083.php

Mais c’est la suite d’une année 2012 riche en trésors retrouvés. « L’Olympe » de René Magritte a été rendu par les voleurs en janvier 2012, car invendable. Il avait été volé à Bruxelles deux ans auparavant.

http://www.rtbf.be/info/societe/detail_un-tableau-de-magritte-vole-rendu-par-les-voleurs-car-invendable?id=7340813

Quatre tableaux volés en 1988 à New York, « Effigie » de Jean Dubuffet, « La Bouteille bleue » de Fernand Léger, « Figuration » de Robert Motherwell, « Untitled » de Franz Kline ont été retrouvés à Cologne en 2012.

http://blogs.artinfo.com/berlinartbrief/tag/jean-dubuffet/

En mars, c’est « Le Marché aux Poissons », de Camille Pissarro, volé au mois de novembre 1981 qui a rejoint le musée Faure d’Aix-les-Bains.

article : le musée Faure d’Aix-les-Bains retrouve son Pissarro: (lien désactivé en 2016) http://www.la-vie-nouvelle.fr/actualite/Le-musee-Faure-d-Aix-les-Bains-retrouve-son-Pissarro-4120.html

«Jeune garçon au gilet rouge», de Cézanne, volé en 2008  à Zürich, a été retrouvé à Belgrade en avril 2012.

http://www.tdg.ch/culture/Un-tableau-de-Cezanne-vole-a-Zurich-retrouve-en-Serbie/story/31469881

« Ludovic Lepic et ses filles »  d’Edgar Degas, volé aussi à Zürich en 2008, a été retrouvé le même mois en Serbie.

http://www.rts.ch/info/suisse/3953340-le-quatrieme-tableau-vole-a-zurich-en-2008-a-ete-retrouve.html

« Midas à la source du fleuve Pactole » de Nicolas Poussin  et une « Vierge à l’Enfant » de Giovanni Bellini du palais Fesch à Ajaccio ont été retrouvés en mai 2012, abandonnés dans un sac poubelle sur un parking à Ajaccio.

http://www.francesoir.fr/actualite/faits-divers/ajaccio-quatre-grands-tableaux-voles-retrouves-intacts-220565.html

« La jeune fille au foulard rouge », de Charles Camoin, vendu par Sotheby’s en 2007 et volé pendant son acheminement chez le transporteur Fedex a été retrouvé par un pêcheur dans un fourré sur des berges en Isère en juin 2012.

http://www.lessentiel.lu/fr/news/insolites/story/1891377

Une aquarelle de Dali a été volée dans une galerie à New York et rendue une semaine plus tard.

http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/northamerica/usa/9366612/Stolen-Dali-painting-posted-back-to-gallery-from-Greece.html

« L’Odalisque au Pantalon rouge » de Henri Matisse, avait été volé en 2000 au musée de Caracas, et remplacé par une copie. La supercherie n’a été découverte qu’en 2002 et le tableau a finalement été retrouvé par le FBI à Miami en juillet 2012.

http://www.exponaute.com/magazine/2012/07/24/le-fbi-retrouve-un-matisse-vole/
http://french.ruvr.ru/2012_07_27/Matisse-Odalisque-au-pantalon-rouge/

Dans un contexte politique tendu entre les États-Unis et le Vénézuela, une quinzaine de vénézuéliennes, a manifesté en août 2012, en pantalon rouge et topless devant le musée, pour que le tableau revienne vite au Vénézuela.

http://www.guardian.co.uk/world/2012/aug/17/lost-matisse-topless-protest-caracas

« La Rivière » de Francis Picabia, volé en 1974 au musée de la faïence de Nevers a été retrouvé en septembre 2012.

http://www.republicain-lorrain.fr/france-monde/2012/09/06/tableau-vole-et-vendu-trois-fois-au-grand-jour

En octobre, la veuve du grand marchand Léo Castelli a récupéré un tableau de 1962 de Roy Lichtenstein, volé en 1971, et estimé plus de 4 millions de dollars.
http://www.reuters.com/article/2012/10/16/us-crime-newyork-arttheft-idUSBRE89F1RJ20121016

Le Renoir  «Paysages Bords de Seine»  trouvé par hasard dans un marché aux puces pourrait en fait provenir du musée de Baltimore où il aurait été volé en 1951.

http://usnews.nbcnews.com/_news/2012/09/28/14133957-renoir-bought-for-7-at-flea-market-may-have-been-stolen-from-museum-in-1951?lite
Mais la compétition entre gendarmes et voleurs n’est pas prête de s’arrêter. En 2012 toujours, « Tête de femme »  de Pablo Picasso, une œuvre donnée à la Grèce en 1949,  et  le « Moulin » de Piet Mondrian ont été volés à Athènes.
http://www.artline.ro/Paintings_stolen_from_Greece_s_National_Gallery-26800-2-n.html

http://sysiphus-angrynewsfromaroundtheworld.blogspot.fr/2012/01/athens-greece-picasso-and-mondrian.html

A Rotterdam, en octobre,  ce sont «Tête d’Arlequin» de Pablo Picasso,  «La Liseuse en Blanc et Jaune» de Matisse, « Waterloo Bridge, London» et «Charing Cross Bridge, London» de Claude Monet, « Femme devant une fenêtre ouverte, dite la Fiancée» de Paul Gauguin, « Woman with Eyes Closed» (2002) de Lucian Freud, qui ont disparu des cimaises du musée Kunsthal à Rotterdam.

http://www.parool.nl/parool/nl/224/BINNENLAND/article/detail/3332410/2012/10/16/Zeven-topschilderijen-gestolen-uit-Kunsthal.dhtml?utm_source=scherm1&utm_medium=button&utm_campaign=Cookiecheck

Enfin toujours en octobre, c’est une aquarelle de Delacroix qui a été dérobée à la galerie Schmit à Paris. VisiMuZ en avait parlé.

http://rt.com/art-and-culture/news/delacroix-painting-stolen-paris-027/

Mais c’est toujours le Vermeer volé en 1990 au musée Isabella Stewart Gardner de Boston, qui reste la vedette des tableaux volés et pas encore retrouvés. Picasso est  l’artiste dont les tableaux sont le plus souvent volés. Pas moins de 1147 œuvres de l’artiste sont dans la nature après des vols,

lien désactivé en 2016 : http://rivlib.info/anza-library/content/picasso-1147-works-registered-stolen-thief

dont le fameux « Pigeon aux petits pois » volé au musée d’art moderne de la ville de Paris en 2010.

Bonne lecture !

L’Adoration des bergers au Quattrocento en Italie du Nord

En cette période de la Nativité, deux tableaux vont retenir notre attention. L’Adoration des bergers est un épisode cité dans l’évangile de Luc (2). Il a été fréquemment traité par les artistes pour leurs commanditaires religieux.

Mantegna

La première Adoration, par Andrea Mantegna, est au Metropolitan Museum (voir le guide VisiMuZ du Met). Petite par la taille (40 x 55 cm), elle est grande par sa présence. C’est une œuvre de jeunesse de l’artiste, peinte vers 1450-1451.

20121231_Andrea_Mantegna_The_Adoration_of_the_ShepherdsAndrea Mantegna (ca 1431 – 1506) – L’Adoration des bergers, ca 1450-51.

Andrea Mantegna a grandi à Padoue dans un milieu féru d’érudition, étudiant la statuaire antique en pleine redécouverte à cette époque. Il sculpte autant qu’il peint ses personnages, et utilise un type de draperie dit romain, pour les habiller. Le paysage est austère, évidemment idéalisé. Joseph dort, deux bergers sont en adoration devant l’Enfant, mais leurs regards sont bizarrement plus orientés vers Joseph, deux autres personnages sont en train d’arriver sur la droite. Un bœuf se trouve sur la gauche, conformément à la tradition de l’Évangile apocryphe dit du « pseudo-Mathieu ». La barrière est aussi un symbole de la virginité de Marie, les angelots rouges introduisent un peu de poésie dans un dessin précis et dur. On retrouvera une évolution de la conception monumentale et très architecturée de Mantegna dans l’Adoration des bergers de Carlo Crivelli (1490, musée des Beaux-Arts de Strasbourg)

Mantegna, bien que beau-frère des Bellini, est loin d’eux dans la conception de ses tableaux et sa manière.

Giorgione

Il suffit pour s’en convaincre de contempler une autre Adoration des Bergers. Ce tableau plus grand (91 x 111 cm) est attribué quasi unanimement à Giorgione. Ce tableau est à la National Gallery of Art de Washington, maintenant l’un des tous premiers musées du monde grâce à la générosité de ses donateurs.

20121231_741px-Giorgione_014Giorgio Zorzi, dit Giorgione (1477-1510) – L’Adoration des bergers, ca 1500

Dans le schéma ci-dessous, on a indiqué les liens familiaux entre les artistes par un trait, les rapports maître-élève par une flèche pleine, les influences directes par une flèche pointillée.

20121231_VeniseOn voit bien les différences de conception de ces deux tableaux, alors que seuls cinquante ans séparent les deux œuvres. A la grandeur et la virtù antique de Mantegna, Giorgione oppose la douceur de la campagne vénitienne, toujours idéalisée, et celle d’une Nativité très humaine. La composition est symétriquement inversée. On retrouve la barrière symbolique, ainsi que le bœuf.

Ce moment de piété et de calme bucolique nous semblait un thème idéal en cette fin d’année. Joyeuses fêtes et heureuse nouvelle année à tous !

Crédits Photos

Mantegna  Auteur : Sailko.   Lien :http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Andrea_Mantegna_The_Adoration_of_the_Shepherds.jpg

Giorgione : Auteur Scewing. Lien : http://en.wikipedia.org/wiki/File:Giorgione_014.jpg

Un tableau de Cézanne à identifier ! Bonne chasse !

En 1896, Paul Cézanne, peut-être lassé de ses joueurs de cartes et de ses montagnes Saint-Victoire, va peindre ce tableau. Est-ce un paysage réel, ou un cadre imaginé par l’artiste ? Si le peintre prend quelques libertés avec la réalité, le paysage réel existe bien. L’avez-vous reconnu ? Savez-vous dans quel musée se trouve ce tableau ? La première bonne réponse (aux deux questions) gagne un guide VisiMuZ de l’Ermitage pour son iPad. Pour la question 1, il faut une réponse très précise.

aaa_CEZ01_5986

En plus, vous avez droit à un indice. Ce tableau n’est pas à Saint-Pétersbourg.

Bonne chasse ! Et au plaisir de vous lire bientôt !


Publié dans Petites histoires de l'art | Mots-clés :

Musée de l’Ermitage : un trésor caché, Vénus désarmant Mars

Vénus désarmant Mars, ca 1615-1620 de Pierre-Paul Rubens (1577-1640).

Ce tableau magnifique fait partie de ce qui est appelé pudiquement les « trésors cachés », et a été redécouvert à l’Ermitage en décembre 2004. Il était avant la seconde guerre mondiale dans la collection du Rheinsberg Palace à Berlin. Apparemment, il a été saisi par l’Armée Rouge lors de la prise de Königsberg (Prusse orientale, maintenant Kaliningrad en Russie) en avril 1945. Son statut est mal défini, puisqu’il est absent du site web du musée, tout en étant accroché sur ses cimaises.
Ermitage_RUB01_5262
(Photo : VisiMuZ)

On lira avec intérêt sur ce sujet la position de la direction de l’Ermitage sur http://www.codart.nl/news/55/

“Even if the Rubens painting would have to be returned, it would be sent to Konigsberg from where it originally came, which of course is now Russia’s Kaliningrad”, said Dr Piotrovsky.

Une autre composition de l’artiste sur ce thème est accrochée au musée Getty à Los Angeles.
Nous aurons l’occasion prochainement de revenir sur l’origine compliquée de certains tableaux de l’Ermitage.

Publié dans Petites histoires de l'art | Mots-clés : ,