Parution de Suzanne Valadon, la liberté sans concession

 

Quelle destinée que celle de Suzanne Valadon ! Nous avons voulu lui rendre hommage au travers d’une importante monographie de 208 pages qui replace son œuvre de dessinatrice et de peintre au cœur de sa vie.

François Blondel est l’auteur de ce beau-livre relié (21,8 x 28,8 cm). Avec 264 peintures et au total 306 reproductions, il permet de mieux connaître une peintre dont l’œuvre a été appréciée de ses pairs masculins 50 ans avant que le grand public ne commence à s’intéresser à elle.

Vous pouvez l’acheter sur notre site ici : https://www.visimuz.com/valadon

L’Enlèvement des Sabines et la belle Adèle de Bellegarde

 

David L'Enlèvement des  Sabines David

Jacques-Louis David. L’Enlèvement des Sabines (détail), musée du Louvre

Quand Adèle de Bellegarde était le modèle de David

 

L’Enlèvement des Sabines de Jacques-Louis David

Il y a des tableaux auxquels nous sommes confrontés dès l’enfance, et qui, par leur force, leur sujet, le talent de l’artiste, nourrissent plus que d’autres notre imaginaire. Qu’on apprécie ou pas Jacques-Louis David, son Enlèvement des Sabines ne peut pas nous être inconnu. Il a illustré nos livres d’histoire ou de latin, nos visites scolaires au musée du Louvre, et plus tard nos visites tout court.

Qui était Adèle de Bellegarde ?

Adèle de Bellegarde (1772-1830), fille du marquis des Marches, habita dans son enfance l’hôtel de Bellegarde à Chambéry durant l’hiver et le château familial (à la limite du Dauphiné et de la Savoie) durant l’été. Elle dut épouser à l’âge de quinze ans son cousin germain Frédéric de Bellegarde, de vingt ans plus âgé qu’elle, militaire au service du roi de Sardaigne, même après le rattachement de la Savoie à la France en 1792. Adèle de Bellegarde habite alors à Chambéry, pendant que son mari guerroie.

Le 14 décembre 1792, la Savoie est française et des commissaires de la Convention arrivent, il s’agit de l’évêque constitutionnel Grégoire, de Jagot, ancien juge de paix, de Philibert Simond, prêtre défroqué, et Hérault de Séchelles, noble de robe engagé dans la Révolution (détail ici). Adèle s’engage pour la Révolution et devient la maîtresse de Hérault de Séchelles. Celui-ci a alors 33 ans. Sa prestance, son éducation nobiliaire contrastent agréablement avec les manières de la racaille qui l’entoure. Adèle abandonne ses deux enfants, et le suit à Paris, où le Conventionnel aristocrate ne tarde pas à devenir suspect.

Lorsqu’il monte à l’échafaud, il aperçoit dans la foule un bras de femme, une main crispée. Adèle est là pour lui dire Adieu. Celle-ci est évidemment arrêtée à son tour et emprisonnée à Saint-Lazare, où elle attend la mort. Mais le 9 Thermidor met fin à la Terreur et abat la guillotine.

Pour regarder différemment le tableau lors de votre prochaine visite au Louvre

Adèle se retrouve à Paris, seule, sans moyen de subsistance. Elle est présentée par Mme de Noailles à Jacques-Louis David. Le peintre réalisait alors L’Enlèvement des Sabines (1796-1799). Adèle est une belle jeune femme de 24 ans, brune aux longs cheveux noirs, et David lui propose de poser, seins nus pour son tableau. Elle accepte et, ironie du sort, la mère qui a abandonné ses enfants piémontais (qu’elle ne reverra jamais) pose pour la femme agenouillée dont les bras demandent la grâce pour les petits enfants.

À méditer quand vous passerez devant le tableau dans la salle des « Grandes Machines » ! (avec votre guide VisiMuZ, évidemment )

Musée du Louvre tome 2

Photo VisiMuZ d’après wikimedia commons (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:F0440_Louvre_JL_David_Sabines_INV3691_rwk.jpg Ust: Mbzt)

Albert Marquet, ses voyages, sa vie, son œuvre

C’est avec un brin de fierté et un peu d’angoisse que nous annonçons la parution d’Albert Marquet, ses voyages, sa vie, son œuvre.

François Blondel est l’auteur de ce beau-livre relié (21,8 x 28,8 cm). Il comprend 184 pages et 305 reproductions couleur des tableaux et dessins de Marquet.

C’est aussi la seule monographie en vente pour l’artiste.

Vous pouvez l’acheter sur notre site ici : https://www.visimuz.com/marquet

Tableaux spoliés durant la guerre. Pourquoi tant de flou ?

Gustave Caillebotte. La Seine à Argenteuil, bateaux au mouillage, ancienne collection Armand Dorville

Gustave Caillebotte. La Seine à Argenteuil, bateaux au mouillage, ancienne collection Armand Dorville, un tableau spolié restitué ? ou non ?

 

Une volonté politique réaffirmée, une base de connaissances importante…

 

Le contexte

Le sujet des spoliations des juifs par les nazis est plus que jamais d’actualité. Trente-trois ans après le président Jacques Chirac en 1995, Édouard Philippe, Premier ministre, a voulu donner une nouvelle impulsion au processus de restitution, à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vél’d’Hiv, le 22 juillet 2018.

Après avoir rappelé l’installation de la commission Mattéoli en 1997, et la création de la CIVS (Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations) deux ans plus tard et leurs résultats (le versement de plus de 500 millions d’euros d’indemnités au titre des spoliations matérielles, et de 53 millions d’euros au titre des spoliations bancaires), Édouard Philippe a ajouté : « Il est un domaine dans lequel nous devons faire mieux : celui de la restitution des biens culturels. Vous le savez : dans les collections nationales, se trouvent de nombreuses œuvres dont les juifs ont été spoliés durant l’Occupation. Des biens que l’État n’est pas encore parvenu à identifier dans leur totalité, encore moins à restituer. Je ne mésestime pas les difficultés concrètes que posent ces opérations. Mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation. C’est une question d’honneur. Une question de dignité. De respect des victimes de ces spoliations, de leur mémoire et de leurs descendants. C’est pourquoi, j’ai décidé de doter la CIVS d’une nouvelle compétence, celle de pouvoir recommander la restitution de ces œuvres ou, à défaut, d’indemniser les personnes concernées. »

Une Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 a donc été créée le 5 juin 2019 sous l’égide du Ministère de la culture, pour donner plus de poids aux recherches menées depuis 1945.

La construction d’une base de connaissances

La mise en œuvre des spoliations a suivi des processus très variés : le vol direct par Goering ou Hitler, l’envoi vers les dépôts du Reich, les échanges avec des marchands, la vente aux enchères publiques de « biens israélites », la vente privée à des receleurs, le paiement en nature de collabos, etc.

À la Libération, les propriétaires d’objets spoliés ont dans un premier temps décrit les tableaux qui leur avaient été volés.

En 1947, a été établi un Répertoire des biens spoliés en France durant la guerre 1939-1945 qui sert encore aujourd’hui de référentiel pour nombre de collections.

Deux problèmes distincts se posent : les tableaux disparus (lost) d’une part et les tableaux retrouvés (found) dont on ne connaît pas les propriétaires d’autre part.

L’État a ainsi créé la notion de MNR (Musée Nationaux Récupération) pour les objets retrouvés. Plusieurs organismes collaborent avec les Musées nationaux pour la recherche des tableaux MNR. D’autres organisations se penchent sur le sort des tableaux perdus.

Les efforts dans ce domaine ont abouti à la construction de plusieurs bases de données d’objets spoliés, perdus et/ou trouvés. Les plus importantes sont publiques et en accès libre. Mais ces bases de données sont aujourd’hui peu mises à jour et ont une fiabilité très relative.

 

… mais une mise en œuvre délicate

Le problème est que 75 ans après cette période, le marché de l’art ne fait pas forcément de recherche sur la provenance des œuvres mises en vente, que la vente soit privée ou publique.

Chez VisiMuZ, notre conviction est que pour retrouver les tableaux recherchés, il faut d’abord les identifier sans ambiguïté, et cette condition préalable n’est pas souvent respectée dans les bases de données d’objets spoliés.

À titre d’exemple, dans la base de données de l’ERR project (errproject.org), qui répertorie les objets passés à Paris par l’ERR au Jeu de Paume, 64 réclamations portent sur des tableaux volés de Pierre Bonnard. Après l’analyse que nous en avons faite, 7 tableaux soit plus de 10% du total, sont en réalité des doublons, et le total est de 57 tableaux et non de 64.

Mais, même sur les tableaux identifiés, la recherche de provenance n’est pas toujours explicitée.

Gustave Caillebotte. La Seine à Argenteuil, bateaux au mouillage, ancienne collection Armand Dorville

Gustave Caillebotte. La Seine à Argenteuil, bateaux au mouillage, ancienne collection Armand Dorville

Le tableau ci-dessus appartenait à Me Armand Dorville, célèbre avocat parisien juif, conseil entre autres de Béatrice de Camondo. Me Dorville est mort de mort naturelle en 1941 dans son château de Cubjac. Comme il était juif, le gouvernement de Vichy s’appropria le château et son contenu, et mit la collection en vente aux enchères à Nice. Le tableau a été vendu lors des ventes de « biens israélites » des 24-27 juin 1942 à l’hôtel Savoy de Nice (lot n° 231, vente du cabinet d’un amateur parisien [Me Dorville]). Cette vente est évidemment une vente forcée. Le régime de Vichy avait volé l’héritage de Me Dorville, et sa famille a ensuite presque entièrement disparu dans les camps de la mort. Trois autres œuvres (J.L. Forain, Constantin Guys) de la collection Dorville ont été retrouvées en 2013 dans la collection de Cornelius Gurlitt et font l’objet d’une enquête du musée de Berne.

La présence de ce tableau dans la collection Dorville et la date de sa vente en 1942 sont attestées par une mention dans le catalogue raisonné des œuvres de Gustave Caillebotte par l’institut Wildenstein (Marie Berhaut, 1994, n° 277).

Cette mention est d’ailleurs rappelée dans la description faite par la maison de vente lors de la dernière vente du 23 juin 2010 à Londres (lot n° 10, vendu 3 289 250 GBP).

Rappelons que ces crimes de spoliations ne peuvent faire l’objet de prescriptions et que les réclamations sont toujours valides de nos jours.

Dans le cas d’un tableau spolié non restitué, les acheteurs seraient alors tenus de le restituer, sans être dédommagés, aux héritiers du propriétaire légitime, une particularité qui fait régulièrement la une des bulletins d’information.

Le tableau de Caillebotte ci-dessus provient d’une collection spoliée. A-t-il été restitué et quand ?

La question est alors toute simple. Si le tableau a fait l’objet d’une restitution aux héritiers après la guerre, pourquoi aucune mention n’en est-elle faite ? Ce serait évidemment de nature à rassurer les éventuels acheteurs ! Si ce tableau n’a pas été restitué, pourquoi personne n’a-t-il fait de rapprochement entre une vente issue d’une spoliation et ce tableau ? Et dans les deux cas, pourquoi ce flou ?

Cette question, nous l’avons posée, pour plus de vingt tableaux déjà. Sans obtenir de réponse !

Photo VisiMuZ d’après catalogue maison de vente

Tempête à La Goulette, Albert Marquet, 1926

Tempête à la Goulette, 1926, Albert Marquet, musée des Beaux-Arts de Bordeaux

Tempête à La Goulette, 1926, huile sur toile, 65 x 81 cm, Albert Marquet, musée des beaux-Arts de Bordeaux

On connaît l’amour d’Albert Marquet pour l’Afrique du Nord, et une de ses natives en particulier. Marcelle Martinet, née à Boufarik, près d’Alger, est devenue sa femme en 1923. Les jeunes mariés avaient alors respectivement 48 et 31 ans. Au début de l’année 1926, Albert et Marcelle Marquet décident de retrouver la magie des mois passés en 1923 lors de leur long voyage de noces en Tunisie. Ils s’installent à côté de Tunis, à La Goulette, au 62, avenue de Carthage. L’endroit est idyllique, la maison également. Mais il y eut pourtant un bémol, a raconté Marcelle : la maison était infestée de punaises.

Marquet a trouvé une myriade de points de vue. Il va peindre sans relâche le lac, Carthage, le mont Bou-Kornine, les quais…

Ironie de l’Histoire, la maison blanche et bleue qui a fait le bonheur d’Albert et Marcelle Marquet est devenue beaucoup plus tard le siège de la police et de la garde nationale tunisienne. Elle a été vidée de ses fiches de police et saccagée le 14 janvier 2011, lors de la révolution de jasmin.

Retrouvez ce tableau d’Albert Marquet et plus de 300 autres illustrés dans la monographie Albert Marquet – Ses voyages, sa vie, son œuvre, parue chez VisiMuZ.

Albert Marquet – livre numérique Beaux-Arts

Photo VisiMuZ

Repasseuses, Edgar Degas, musée d’Orsay.

Degas Repasseuses

Repasseuses, ca 1884-86, huile sur toile, 76 x 81,5 cm, Edgar Degas, musée d’Orsay.

La période 1850-1940 n’a pas seulement été une parenthèse exceptionnelle pour la peinture en France, elle l’a aussi été pour les critiques et historiens de l’art. Gustave Geffroy, fondateur de l’académie Goncourt, est l’un de ces merveilleux critiques. Dans La vie artistique, en 1894, il commente ainsi notre tableau du jour, dix ans à peine après sa réalisation. Serait-il encore possible en 2017 d’être aussi impliqué dans la création contemporaine ?

« Ce n’est pas sur une table à modèles que l’humanité défile. Il faut aller la chercher là où elle est. Degas l’a fait. Il s’est d’abord épris de ce qu’il entrevoyait tout au long de son chemin, des arrangements de personnages groupés dans l’espace étroit des boutiques. Il s’intéressa au labeur jovial des blanchisseuses, qui séjournent, vêtues de blanc, molles et apoplectisées, dans les salles surchauffées par le poêle. Elles absorbent de forts ragoûts arrosés de litres de vins. Elles suivent un régime qui doit fatalement dilater leur estomac et enfler leurs chairs. Tout le monde les a vues ainsi, à travers les carreaux de leurs magasins tout blancs et tout bleus de linge, installées comme des matrones au milieu de leurs ouvrières, débonnaires et flasques, sirotant leur café et surveillant la jeunesse. C’est de cette façon que Degas les a surprises et dessinées, dans une chaleur d’étuve, haletantes sous la camisole, présidant au régulier nettoyage du linge sale de l’humanité. »

Acheté par le comte Isaac de Camondo, ce tableau a ensuite fait partie de son exceptionnelle donation au musée du Louvre en 1911. Ce n’est pas l’État, mais d’abord Camondo et les autres généreux donateurs qui ont permis que les collections d’Orsay soient maintenant aussi riches. Caillebotte a initié le mouvement en 1894, qui s’est poursuivi jusqu’à la donation de Spencer et Marlene Hays en 2016,.

Pour en savoir plus sur Degas, vous apprécierez la monographie importante que lui a consacrée Paul Jamot. À découvrir en cliquant sur la couverture ci-dessous !

Couverture Degas 150

Pour mieux connaître le musée d’Orsay, nous vous conseillons le livre La Peinture au musée d’Orsay, avec ses 360 reproductions de tableaux, et toutes les anecdotes qui les accompagnent. À découvrir en cliquant sur la couverture ci-dessous !

La peinture au musée d'Orsay

Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad

Triple portrait d’Yvonne Lerolle, 1897 – Maurice Denis

Maurice Denis Triple portrait d'Yvonne Lerolle

Triple portrait d’Yvonne Lerolle, 1897, huile sur toile, 170 x 110 cm, Maurice Denis, musée d’Orsay

Il est certains noms rencontrés au hasard des musées alors que le nom du modèle n’évoque rien. Mais Les artistes, collectionneurs et marchands au XIXe siècle ont formé une famille aux ramifications complexes. Ainsi Yvonne Lerolle (1877-1944) est la fille d’Henry Lerolle, un peintre ami de Renoir. Donc Yvonne se fait d’abord faire le portrait par Pierre-Auguste (portrait que l’artiste gardera jusqu’à sa mort en 1919). Grâce à Degas, Yvonne épouse ensuite Eugène Rouart. Eugène et Yvonne deviendront les modèles pris par André Gide pour sa trilogie L’École des femmes, Robert et Geneviève. André Gide, à la fois homosexuel et mari de Madeleine depuis 1895, aura plus tard une fille, d’Élisabeth, la fille de Théo van Rysselberghe.

Quant à Christine Lerolle (1879-1941), la petite sœur d’Yvonne, elle a aussi épousé un Rouart, Louis. Le troisième frère, Ernest Rouart, a épousé Julie Manet, la fille d’Eugène Manet et de Berthe Morisot, donc la nièce d’Édouard Manet.

Non, il ne s’agit pas de name dropping, mais en quelques lignes avec simplement trois frères et leurs épouses, dont deux sœurs, nous avons croisé Renoir, Degas, Manet, Morisot, van Rysselberghe, et côté littérature Gide et le cousin par alliance de Julie Manet, un certain Paul Valéry. Côté musique, Ernest Chausson est l’oncle des deux sœurs Lerolle et Claude Debussy un ami proche. Les dîners de famille et d’amis devaient être assez animés.

Maurice et Marthe Denis, seulement de huit ans plus âgés qu’Yvonne étaient aussi proches de la famille. Maurice Denis est rentré dans le cercle des Lerolle-Rouart par l’oncle Ernest Chausson, son premier client, devenu son ami. Les deux familles passeront ensemble un mois à Fiesole près de Florence à la fin de 1897.

Ce magnifique tableau symboliste est donc d’abord un témoignage de leurs liens. Et si Maurice a peint la jeune Yvonne, c’est sa femme Marthe qui a peint le cadre du tableau.

Trois fois la même personne, comme trois aspects de sa personnalité, c’est aussi un clin d’œil aux Poseuses de Seurat (fondation Barnes, études à Orsay), qui avait peint dans sa toile trois fois le même modèle. Le procédé est très ancien, il a été utilisé par exemple par Philippe de Champaigne pour Le Cardinal de Richelieu (National Gallery, Londres).

Ce portrait d’Yvonne Lerolle est entré à Orsay en 2010. Dominique Bona a écrit en 2012 un livre consacré aux sœurs Lerolle. Deux sœurs, Yvonne et Christine Rouart, les muses de l’impressionnisme (Grasset).

Retrouvez ce tableau de Maurice Denis et 700 autres (dont 360 illustrés) dans le livre La peinture au musée d’Orsay, paru chez VisiMuZ.

La peinture au musée d'Orsay – livre numérique Beaux-Arts

Photo wikimedia commons Denis_yvonne_lerolle licence CC-Pd-Mark Usr Pimbrils

Le Hameau de Lourmarin, Paul Guigou

Le Hameau de Lourmarin, 1868, Paul Guigou

Le Hameau de Lourmarin, 1868, Paul Guigou, huile sur toile, 25,5 x 41 cm, collection particulière

Attention, peinture addictive ! Paul Guigou (1834-1871) n’a pas eu le temps de connaître la célébrité de son vivant. Il est mort en 1871 (quelques mois après Bazille, mais d’une congestion cérébrale et pas à la guerre). Il a eu le temps de fréquenter les Manet, Sisley, Monet, Bazille au café Guerbois à Paris et puis il tomba complètement dans l’oubli après sa mort. Les Duranty, Geffroy, Duret, Mauclair, Mantz, Zola dont les articles encensaient ou anéantissaient les peintres, ont zappé Guigou après sa mort . Mais depuis 30 ans quelle revanche ! La lumière de Guigou, son dessin resté classique mais sans sècheresse, rencontrent un succès grandissant, d’abord et surtout outre-atlantique.

S’il a peint Marseille ou l’Estaque, Guigou est d’abord le peintre de la Durance et du Lubéron, des rivières à sec l’été, des lavandières, des champs et des rochers. Ici il nous montre une vue bucolique et délicate de Lourmarin, avant Albert Camus (qui y est enterré), avant les hordes d’estivants.

Mais quand on parle de la découverte de la lumière et de la peinture claire par les impressionnistes après 1870, il ne faut pas oublier que quelques-uns en Provence ou ailleurs avaient déjà un peu avant capté la lumière, et l’air qui passe entre les fleurs des champs.

Découvrez Guigou dans le livre publié chez VisimuZ, avec plus de 100 tableaux !

Paul Guigou et la lumière provençale

Photo Lourmarin : Courtesy The Athenaeum, rocsdad

Paul Gauguin dans la collection Chtchoukine

La Femme aux mangues, Gauguin, musée Pouchkine

Te Arii Vahine (La Femme aux mangues), 1896, huile sur toile, 97 x 130 cm, Paul Gauguin, Musée Pouchkine, Moscou.

Après son premier séjour entre 1891 et 1893, Gauguin est de retour à Tahiti le 9 septembre 95. En avril 1896, il écrit à son ami Daniel de Monfreid (le père d’Henri). «  Je viens de faire une toile de 130 sur un mètre que je crois encore meilleure que tout auparavant : une reine nue couchée sur un tapis vert, une servante cueille des fruits, deux vieillards près du gros arbre discutent sur l’arbre de la science ; fond de rivage …/… Je crois qu’en couleur je n’ai jamais fait une chose d’une aussi grande sonorité. Les arbres sont en fleurs, le chien garde, les colombes à droite roucoulent …… Celle-là fera hurler encore plus. Je suis donc condamné à mourir de bonne volonté pour ne pas mourir de faim. »

La pose du modèle provient directement d’Olympia (Manet, 1863), de la Vénus d’Urbin (1538, Titien, Florence) dont Manet s’était déjà inspiré, et aussi de La Nymphe à la source de Lucas Cranach (1518, Leipzig) dont on pense que Gauguin avait emporté une photo en partant pour Tahiti.

Les îles de Gauguin sont idéalisées par le mythe du paradis perdu et pleines de stéréotypes typiques de l’époque coloniale. Mais son modèle aurait été surpris du nombre de références typiquement européennes introduites par l’artiste dans le tableau.

Sa nouvelle Ève est allongée près de l’arbre de la connaissance, au tronc duquel le serpent s’est noué. Les deux vieillards « mateurs » (peu visibles à droite de l’arbre) sont un rappel de ceux de la Bible avec Suzanne. L’éventail au bout du bras droit décrit une auréole très chrétienne, les mangues évoquent le fruit défendu. Comment expliquer le linge que tient le modèle de la main gauche si on ne se réfère pas à la grande tradition de la peinture occidentale. Enfin la servante au fond est celle du Titien dans la Vénus d’Urbin ou de Manet dans l’Olympia. Simplement au lieu d’offrir des fleurs, elle cueille des fruits.

La toile a été acheté par Gustave Fayet en 1903, puis revendue au collectionneur russe Chtchoukine en 1908, pour le mur-iconostase Gauguin de sa salle à manger.

La collection Chtchoukine

La collection Chtchoukine fut saisie par les Soviets et est maintenant répartie entre Moscou et Saint-Pétersbourg.

Alors que les musées occidentaux se sont enrichis surtout via des donations, les collections d’art moderne et celles de la fin du XIXe à l’Ermitage (Saint-Pétersbourg) et au musée Pouchkine (Moscou) proviennent pour la plus grande part de deux collections privées, celles de Serge Chtchoukine et d’Ivan Morozov. De 1900 à 1917, ils n’achetèrent que le meilleur. Ils en furent mal récompensés puisque leurs collections furent nationalisées en 1918. Les deux hommes émigrèrent vers le pays dont les artistes leur avaient donné tant de plaisir : la France. Les collections ont été réparties largement au hasard entre les musées Pouchkine de Moscou et l’Ermitage à Saint-Pétersbourg.

Serge Ivanovitch Chtchoukine (1854-1936) était un industriel moscovite du textile, qui a débuté sa collection en 1894. Entre 1905 et 1911, Chtchoukine perd son frère, deux de ses quatre enfants, et sa femme. Fou de douleur, il se consacre totalement à sa collection. En 1909, il commande à Matisse la Danse et La Musique. Le peintre a séjourné ensuite à Moscou deux semaines en octobre-novembre 1911. De 1909 à 1914, Chtchoukine achète 50 Picasso. La guerre met fin aux possibilités de contact avec la France, il n’y a donc pas de Picasso d’après 1914.

En 1914, sa collection comprenait 258 tableaux (dont 50 Picasso, 4 Van Gogh, 13 Monet, 3 Renoir, 8 Cézanne, 16 Gauguin, 38 Matisse, 9 Marquet, 16 Derain). Il recevait le dimanche chez lui, et montrait sa collection à des amateurs d’art, des critiques et des artistes. En août 1918, il fuit la Russie, sa fortune convertie en diamants cachés dans la poupée de sa fillette Irina, et après un passage en Allemagne, se réfugie en France. En octobre 1918, Lénine déclare le palais et la collection de Chtchoukine propriétés du peuple. À ce jour, 149 tableaux sont à l’Ermitage et 84 au musée Pouchkine de Moscou, où ils font le délice des visiteurs.

Notre tableau du jour est à retrouver dans son contexte de l’époque dans la biographie de Gauguin par son ami Charles Morice, à retrouver en cliquant ici.

24/10/2016

Photo wikimedia commons : Queene_IMG_6945.JPG Usr Deror Avi

Ebooks beaux-arts et plaisir de lecture – conseils pratiques

Les ebooks beaux-arts et le plaisir de lecture – Quelques conseils pratiques

Introduction

L’article ci-dessous vise à donner aux acheteurs de livres numériques beaux-arts toutes les clés pour un plaisir maximum.

À la différence du livre papier qui est un tout, le livre numérique se compose de quatre éléments :

1 – un terminal de lecture,
2 – un format de lecture,
3 – un programme de lecture (ou e-reader) et enfin
4 – du contenu lui-même, que nous appellerons livre numérique ou ebook.

Dans la conception et la réalisation du livre papier, l’éditeur décide de la reliure, du format, du papier comme de la maquette. Le lecteur parfois peste contre ces formats qu’il ne peut ranger dans sa bibliothèque mais ce n’est pas lui qui en décide.

Dans le monde du livre numérique, l’éditeur ne décide que du quatrième et dernier élément. Le lecteur décide des trois autres.

I – Le terminal de lecture

La lecture sur un terminal numérique a apporté quelques changements majeurs. Tout d’abord le livre doit s’adapter à la fois au terminal de lecture et au lecteur.

Le terminal de lecture peut être un ordinateur, une tablette, une liseuse, un smartphone.

• Le format des écrans d’ordinateurs (plus large que haut, 16/9) a été plus conçu pour la vision de films que pour la lecture. Son poids empêche de le tenir d’une main. Il n’est donc pas très agréable pour la lecture.

• Les tablettes (en couleurs, rétro-éclairées) et les liseuses (noir et blanc, encre électronique ou e-ink) sont les terminaux de lecture les plus performants et les plus appropriés. Les smartphones sont en réalité, pour la lecture, des tablettes de petite taille. Signalons enfin qu’il existe des liseuses couleur, aux couleurs fades et au prix très élevé, qui n’ont pas trouvé leur marché.

Pour lire un livre « noir » (un livre en noir et blanc, sans images, typiquement un roman ou un essai, dans le vocabulaire des éditeurs), le lecteur qui a le choix préfèrera le plus souvent une liseuse pour son confort de lecture, à l’intérieur ou à l’extérieur au soleil. Outre le manque de couleur, l’inconvénient de la liseuse est de ne pas permettre de lire de nuit sans lumière additionnelle.

Pour lire un livre en couleurs, qui inclut des photos en nombre plus ou moins élevé, la tablette s’impose. Son format sera d’au moins 6 pouces (c’est la taille de la diagonale de l’écran) pour un format de (15,4 ou 15,5) x 9 cm. Lire un livre illustré sur un format plus petit (smartphone ou « phablette ») peut s’envisager quand on y est obligé mais n’est pas une expérience très agréable.

Les tablettes ont des formats de 6 à 12 pouces, une moyenne s’établissant à 9,7 ou 10 pouces. Il est clair que plus le format est grand, plus le plaisir de lecture s’en trouve augmenté, mais le budget a des contraintes que le plaisir ne connaît pas.

Outre le format, la tablette est caractérisée par un système d’exploitation. Celui-ci est majoritairement iOS (monde Apple) ou Androïd (Google, Samsung). Il existe aussi des tablettes Microsoft Surface, que nous n’avons pas eu l’opportunité de tester.

II – Le format de lecture epub 2 et les autres.

C’est peut-être le point le moins connu et le plus controversé de la lecture numérique. Quel format privilégier pour le confort et le plaisir du lecteur ?

Un point fondamental de la lecture numérique est l’adaptation de son ergonomie à son lecteur. Celui-ci peut avoir de très bons yeux et aimer lire de petits caractères (comme le corps 9 des éditions de la Pléiade) ou bien aimer lire des caractères plus grands en corps 11, 12 ou 14. Il peut aussi choisir sa police de caractères ou encore demander que le livre soit lu à haute voix par le programme.

Quatre formats principaux existent (pdf, epub2, epub3, epub3 fixed). L’adaptation de la taille des caractères n’est possible que dans deux de ces formats : epub 2 et epub3.

2.1) Le format pdf

C’est un format étudié pour le papier et non un format numérique. Il est conçu pour être imprimé et non lu sur un écran. Il est relatif à des documents et il en conserve la mise en page.

Un livre pdf qui compte par exemple 271 pages sur une tablette 10 pouces, comptera aussi 271 pages sur un smartphone 3 pouces.

Une feuille A4 correspond à un écran de tablette de 12 pouces. Pour tous les autres écrans l’affichage sera réduit pour « rentrer » dans la page, ou bien l’écran devient une fenêtre (une loupe) devant un morceau de page. Est-il utile de préciser que le plaisir s’en trouve gâché ?

De plus la plupart des fichiers pdf n’inclut pas de liens internes ou externes et on ne peut ni agrandir des images, ni avoir d’interactions avec d’autres pages. Enfin, dans certains cas, la lecture peut s’avérer très saccadée lors des changements de pages, le temps de chargement d’une page pdf pouvant être assez long.

D’autres inconvénients existent, qui sont fonction des lecteurs (pas de fonction d’annotation, par exemple).

2.2) Le format epub2

Il est issu d’une norme internationale, qui garantit sa pérennité. Nativement conçu pour l’édition numérique, il n’a pas les inconvénients du format pdf. Ajoutons que notre expérience nous a montré que le passage à l’epub2 est parfois troublant pour l’éditeur habitué au papier.

Au-delà de l’absence de papier, de reliure, c’est la disparition de la notion de page qui peut être perturbante.

Dans les formats epub2 et epub3, les caractères sont redimensionnables. Le nombre de caractères dans une page et donc le contenu et le nombre de pages dépendent de la police et du corps choisis par le lecteur. La page devient une pseudo-page, variable selon la tablette utilisée et les caractères choisis. Par exemple, tel ouvrage qui comporte 263 pages sur tablette 9.7 pouces va en compter 850 sur un smartphone 4 pouces. On dit que ce format est redimensionnable ou « reflowable layout ».

Le format epub2 est le format le plus utilisé en 2016. Toutes les tablettes supportent le format epub2.

Le format utilisé par Amazon est une variante d’epub2 et il est facile (avec des outils gratuits comme le programme Calibre) de transformer l’un en l’autre. Le format epub2 garantit donc que vous pourrez lire le même livre sur n’importe quelle tablette. Il garantit ce qu’on appelle l’interopérabilité sur tous les types de tablettes.

2.3) le format epub3

Il est comme epub2 issu d’une norme internationale. Plus récent, il a des possibilités plus grandes que epub2 et permet par exemple l’insertion de vidéos, ou la présentation multi-colonnes. Il présente toutefois un grave inconvénient. À ce jour, les programmes de lectures epub3 ne sont pas au point à l’exception d’iBooks sur Apple et de Readium pour le navigateur Chrome sur PC. Ceci exclut donc toutes les tablettes Android, de même que les tablettes Kindle, et empêche toute interopérabilité. Il est donc à ce jour fortement déconseillé de l’utiliser, aussi bien pour un éditeur (marché réduit) que pour un lecteur (portabilité du livre sur divers dispositifs de lecture). Ceci changera sans doute à une date malheureusement indéterminée.

2.4) le format « epub3 fixed layout »

C’est une variante du format epub3 qui garde la notion de page pour des usages particuliers, comme la bande dessinée. Il est très marginal et n’est pas interopérable.

On notera enfin qu’il existe d’autres formats propriétaires que nous excluons, ces formats ne permettant pas l’interopérabilité et ne garantissant pas en conséquence la pérennité des achats du consommateur-lecteur.

Dans une approche éditoriale professionnelle, garantissant les droits du lecteur, nous avons choisi naturellement epub2 comme format de lecture.

III – Les programmes (ou applis) de lecture, ou e-readers – pour les livres illustrés.

Le choix du type de tablettes et le format des livres vont guider le choix des programmes de lecture.

Nous avons testé tous ces e-readers pour des livres avec de nombreuses œuvres d’art agrandissables.

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Même si l’environnement Apple a beaucoup d’autres défauts qu’on n’évoquera pas ici, on notera que dans le domaine de la lecture numérique, le confort et le plaisir de lecture sous iBooks (le programme de lecture natif de l’iPad) sont remarquables.

Sur Kindle Fire, l’application Kindle montre pour les livres de VisiMuZ un agrément de lecture équivalent à celui ressenti sur iPad.

Par contre, le e-reader Kindle, quand il est exécuté sur iPad, Androïd ou sur PC présente – pour des livres illustrés – différentes faiblesses.

Sous Androïd beaucoup de e-readers téléchargés (gratuits ou payants) présentent des bugs à l’usage pour des livres illustrés. Presque au niveau (mais pas tout à fait) de l’iBooks d’Apple et de Kindle sur Kindle Fire, on peut citer pour Androïd Google Play et Gitden Reader puis un peu en dessous FBreader.

Un comparatif complet des fonctionnalités techniques théoriques des e-readers Android se trouve sur wikipedia ici.

Google Play est parfait sur presque tous les plans. Il a un seul inconvénient. L’agrandissement maxi des images (Image Zoom with zoom/pan) supporté par la norme epub2 est remplacé par une fonctionnalité Google d’agrandissement de toutes les pages qui inhibe la fonctionnalité standard. Le mode Google Play est expliqué ici (chercher double-tap).

Gitden Reader fonctionne très bien. Son interface sous Android est seulement un peu plus confuse que celle d’iBooks sur iPad. Notez qu’il existe aussi une version de Gitden sur iPad qui est aussi performante que iBooks.

FBReader est très paramétrable, mais pour cette raison, il ne respecte pas toujours la maquette telle qu’elle a été définie par l’éditeur. Les paramètres de FBReader remplacent alors les choix faits dans le livre et c’est parfois troublant.

Nous avons testé aussi Bookari, Moon+reader, Helicon, Adobe Digital Elements, Aldiko. Tous ont montré des faiblesses importantes.

Nous n’avons pas testé les e-readers des liseuses. Les livres VisiMuZ contenant de nombreuses illustrations en couleurs perdent beaucoup de leurs charmes en noir et blanc.

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IV – Les livres (ebooks)

Les livres beaux-arts de VisiMuZ comprennent de nombreuses images, un diaporama en fin d’ouvrage, des liens internes et externes. Ils sont au format epub2 redimensionnable (reflowable layout). Les images sont agrandissables, un diaporama est proposé en fin d’ouvrage.

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Ils méritent une tablette de taille au moins égale à 8 pouces, ainsi qu’un e-reader efficient comme décrit plus haut.

Ces ingrédients une fois réunis assurent au lecteur un confort optimal de lecture et garantissent son plaisir. Bonnes lectures !

Aïcha, 1922, Félix Vallotton

Félix Vallotton, Aïcha

Aïcha, 1922, Félix Vallotton, collection particulière.

L’univers de Félix Vallotton (1865-1925) est parfois déroutant. Un grand amour de la femme, un érotisme froid, parfois triste, des couleurs en aplats héritées de son passé nabi aux contrastes parfois étranges mais toujours harmonieux. L’exposition parisienne de 2013 a eu un succès important. Vallotton, comme Hopper (mais sans l’exotisme des décors américains qui ajoutent à Hopper du pittoresque), ou comme plus près de nous Eric Fischl, est un peintre de la solitude intérieure, de l’absence de communication. Les femmes ont un rôle particulier dans son œuvre. Peintes dans des poses sensuelles, souvent nues ou demi-nues, elles introduisent pourtant systématiquement une distance avec le spectateur. Vallotton « analyse ses modèles comme un psychiatre ses patients » nous dit Matthias Frehner (Kunstmuseum de Berne).

Ici, nous connaissons par exception le nom du modèle qui a posé pour l’artiste. Aïcha Goblet, antillaise et modèle professionnel, avait commencé sa vie comme artiste de cirque. Elle devint célèbre à Montparnasse comme modèle. Elle était la compagne du peintre ukrainien Samuel Granowsky (1899-1942, mort à Auschwitz, après la rafle du Vel d’Hiv). Elle a posé pour presque tous les artistes de l’École de Paris (Pascin, Foujita, Kisling, Van Dongen, etc.). Son turban, qu’elle portait en permanence a contribué à sa célébrité.

Vallotton a capturé l’élégance de cette jeune femme dont le visage hiératique semble ignorer le peintre (et donc nous, spectateurs du tableau). Elle regarde ailleurs, l’air mélancolique., en direction de la source de lumière (le soleil ?), à l’extérieur du tableau. L’artiste a particulièrement réussi les reflets sur son turban, la soie de sa robe verte et sur sa peau cuivrée. Le contraste entre le collier rouge et les zones vertes ajoute de la luminosité.

Le tableau du jour a été vendu aux enchères pour la dernière fois en 2011 (168 750 euros). Ci-dessous la photo d’Aïcha, par Man Ray, toujours en 1922.

Retrouver les portraits de Vallotton, ses nus, ses paysages, ses couchers de soleil, ses caricatures, dans sa biographie chez VisiMuZ, ici, avec 230 tableaux reproduits.

Man Ray Aïcha

Photo 1 The Athenaeum Licence PD-Art Usr rocsdad
Photo 2 http://dogpossum.org/wp-content/uploads/2013/03/AichaGoblet-ManRay-1922.jpeg
tableaux reproduits

À la Bastille, Henri de Toulouse-Lautrec

À la Bastille Henri de Toulouse-Lautrec

À la Bastille, 1888, huile sur toile, 72,5 x 49,5 cm, Henri de Toulouse-Lautrec, National Gallery of Art, Washington (DC).

Un tableau qui est à la fois une pensée pour les victimes du 14 juillet et un rappel du fameux hashtag #jesuisenterrasse.

Le titre est en relation avec la célèbre chanson de Bruant.

« Quand alle était p’tite, / Le soir, alle allait, / À Saint’-Margurite, / Où qu’a s’dessalait ; / Maint’nant qu’alle est grande, All’ marche, le soir, / Avec ceux d’la bande/Du Richard-Lenoir.
À la Bastille / On aime bien / Nini Peau d’Chien : / Alle est si bonne et si gentille ! / On aime bien / Nini Peau d’chien / À la Bastille. »

À la Bastille n’était plus une prison en 1886, mais un bar, où Jeanne Wenz, qui pose ici, était serveuse. Aristide Bruant écrivit aussi une chanson sur la vie de Jeanne, parue dans son magazine Le Mirliton, certes moins connue que « À la Bastille, on l’aime bien, Nini peau d’chien !».

Jeanne, dite Wenz a fréquenté en 1886-88, Frédéric Wenz, fils d’un industriel du champagne, ami de Lautrec. Cette jeune femme a côtoyé l’entourage du peintre pendant deux ans, avant de réapparaître dans une photographie au côté de Suzanne Valadon en 1890, et de disparaître définitivement en 1891.

Lautrec l’a peinte une dizaine de fois en deux ans. Ce portrait est le second de la série. Certes Lautrec était fasciné par les bars et ceux qui les fréquentaient, mais son œil acéré et son âme experte en tragédies avaient repéré celle qui allait se dérouler dans la vie de Jeanne Wenz.

Jeanne était alcoolique et avant toute étude médicale sur ce sujet, Lautrec a dépeint les quatre phases de l’alcoolisme : le constat (dans le tableau du jour), puis la honte (Clarks Museum, Williamstown), la négation (Poudre de riz, Amsterdam, musée van Gogh, le modèle est alors sans doute Suzanne Valadon) et l’évidence (Gueule de bois, Fogg Art Museum, Harvard, avec Suzanne Valadon). Le verre qu’elle tient devant elle tout en regardant de manière crâne le peintre (ou le spectateur du tableau) expose la situation. On sait que Jeanne était accro à l’absinthe.

Lautrec, qui a alors 24 ans, a réalisé un premier portrait de Jeanne dans une prise de contact assez neutre (La Femme au noeud rose, Chicago, Art Institute). Ici, le drame que pressent Lautrec est évoqué par la couleur brun-sombre du fond, alors que le premier plan est dessiné de manière assez académique, dans un portrait que l’artiste aurait pu présenter au Salon. Lautrec sombrera lui-même dans l’alcoolisme après 1895. La consommation d’absinthe sera interdite par le gouvernement français en 1914, quelques jours après la déclaration de guerre.

Comme pour d’autres tableaux de la même époque, le dessin dérivé sera publié dans Le Courrier français, n° 19, du 12 mai 1889, et bien entendu dans la biographie de Lautrec, avec 200 tableaux et dessins, parue chez VisiMuZ.

Photo Courtesy The National Gallery of Art, Washington