Scène de plage, Edgar Degas

Scène de plage, Edgar Degas

Scène de plage, ca 1875, 47,5 x 82,9 cm, Edgar Degas, National Gallery Londres et galerie Hugh Lane, Dublin.

De Degas (1834-1917), on a souvent une vision partielle, tronquée par ses succès les plus éclatants. Les danseuses, les femmes à leur toilette, occultent certains aspects souvent brillants de son œuvre.

Notre tableau du jour date des débuts de l’aventure impressionniste mais Degas n’a jamais cessé de peindre en atelier et non en plein air. La plage est sans doute à Paris, chez lui. Qui est cette dame ? La mère de la fillette ou plus vraisemblablement sa nurse, vu son habillement. La fillette revient de la mer, elle a enlevé son costume de bain et s’est changée. La proximité de Degas avec Manet à cette époque saute aux yeux. Mais Degas, contrairement à Manet, ne connaît rien au vent, à la mer et aux bateaux (Manet était parti à dix-sept ans, en 1848, comme pilotin sur un navire-école, vers Rio de Janeiro). Sur notre tableau, Degas dessine en arrière-plan deux vapeurs dont la fumée part en sens inverse.

L’accrochage de ce tableau a une particularité. Il est partagé à moitié entre la National Gallery à Londres et la galerie Hugh Lane à Dublin, et il est exposé dans l’un ou l’autre musée par période de 6 ans.

Retrouvez Degas, ses danseuses, ses repasseuses, ses portraits d’amis, ses jockeys, ses modistes, son humour caustique dans sa biographie par Paul Jamot enrichie par VisiMuz : ici.

30/03/2016

Photo wikimedia commons Edgar_Germain_Hilaire_Degas_041 Usr : Eloquence

La Face du Sauveur : Résurrection ou La Vie nouvelle, II, Alexej von Jawlensky

La Face du Sauveur : résurrection Alexej von Jawlensky

La Face du Sauveur : Résurrection ou La Vie nouvelle, II, Alexej von Jawlensky

Quand on cherche des tableaux sur le thème de la Résurrection, on croule sous les propositions au XVIe et XVIIe siècles, puis le flot se tarit, comme si les peintres se sentaient moins concernés par l’évènement. Puis au début du XXe, quelques peintres se sentent à nouveau impliqués. Maurice Denis, Georges Rouault, Alfred Manessier, mais aussi Marc Chagall pour le Judaïsme ou encore Alexej von Jawlensky.

Jawlensky (1864-1941) a été d’abord un exilé russe, ayant vécu un moment en France puis plus longtemps en Allemagne. Il avait participé avec Kandinsky à l’aventure du Blaue Reiter. Mais en 1914, la déclaration de guerre l’a fait se réfugier en Suisse, à Saint-Prex, avec sa compagne Marianne von Werefkin et sa maîtresse Hélène Neznakomova, mère de leur fils.

Jawlensky, isolé, peint d’abord des vues depuis sa fenêtre. Il crée alors une série de paysages qu’il nomme Variations puis il se concentre sur des têtes humaines, qu’il emmène aux bords de l’abstraction. Profondément marqué par son éducation orthodoxe, il donne à sa peinture une dimension religieuse.

Alexej a écrit dans ses mémoires : « Au début, je voulais continuer de travailler à Saint-Prex comme je l’avais fait à Munich. Mais quelque chose dans mon for intérieur m’empêchait de peindre des tableaux colorés et sensuels. Tant de souffrance avait changé mon âme, et il me fallait trouver d’autres formes et d’autres couleurs pour exprimer ce qui l’agitait. »

Ce sera la série des Faces du Sauveur. Souvent sur ses visages, il a laissé voir une croix, symbole de celle du Christ. Expressionniste convaincu, Jawlensky inclut dans ses toiles toutes les modulations de ses états d’âme. Le choix de la palette très claire illustre ici la joie de Pâques, alors que c’est plus souvent un peu de tristesse qui s’exprime dans les têtes de l’artiste.

27/03/2016

Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad.

Portrait de Fritza Riedler, Gustav Klimt

Portrait de Fritza Riedler, Gustav Klimt

Portrait de Fritza Riedler, 1906, hst, 153 x 133 cm, palais du Belvédère, Vienne, catalogue Coradeschi n° 130.

L’œuvre total de Gustav Klimt ne contient que 200 à 220 tableaux (à comparer aux plus de 5000 d’Eugène Boudin par exemple). Les portraits, presque tous de femmes, en occupent une petite partie. En cette année 1906, Klimt est célèbre. Il est le leader du groupe de la Sécession viennoise, le Kunstschau, appelé plus couramment le groupe Klimt.

Il peint alors ce qui va devenir le premier portrait carré de la période dorée, ce Portrait de Fritza Riedler. C’est le tableau qui a été le plus montré dans les expositions (17 fois entre 1907 et 1965).

Le fond est très stylisé, hésitant entre abstraction et figuration. Le style géométrique et l’or que l’artiste utilise ici sont les conséquences d’un voyage qu’il a fait à Ravenne en 1903. Il est encore sous le charme des mosaïques byzantines. Une photographie a montré que les petits damiers du fond ont été ajoutés à la fin de la réalisation. Le fauteuil sur lequel est assis le modèle est traité aussi d’une manière très novatrice. L’imprimé du tissu (des yeux stylisés) crée un contraste avec les formes.

Le tableau montre une alternance de plans très remplis (la coiffure par exemple) et vides ou presque (le fond à gauche). L’or et l’argent sont appliqués soit au pinceau, soit directement à la feuille, et vont devenir pendant quelques années la marque la plus ostensible du style de Klimt.

En 1970, l’historien de l’art Werner Hoffmann voit dans ce tableau trois réalités artistiques. « Le personnage a la distance d’une icône.[…] Le tableau en tant qu’œuvre d’art rend une œuvre d’art dans une œuvre d’art, car il représente la personne humaine en tant qu’œuvre dans l’environnement imaginé par le peintre qui est aussi une réalité artistique composée du mur aux motifs de mosaïque et du fauteuil. Le peintre et son modèle font ainsi partie de “la création” qui recouvre “le créateur et le spectateur”. »

25/03/2016

Photo wikimedia commons File:Gustav_Klimt_052.jpg Usr : Eloquence

Bords du Loing près de Moret, Alfred Sisley

Bords du Loing près de Moret, Alfred Sisley

Bords du Loing près de Moret, 1892, hst, 73 x 92 cm, Alfred SISLEY, collection particulière Daulte 795.

En 1879, Sisley s’est établi près de Moret-sur-Loing (à Veneux). Les bords du Loing et Moret lui ont fourni une très grande variété de motifs.

Le 31 août 1881, Alfred écrit à son ami Claude Monet :

« Moret est à deux heures de Paris, manque pas de maisons à louer dans les prix de six cents à mille francs. Marché une fois par semaine, église fort jolie, vues assez pittoresques ; d’ailleurs si votre idée est de venir par ici, venez voir. Veneux-Nadon est à dix minutes de la station de Moret. »

Dans les lignes qu’il a consacrées à Sisley, Gustave Geffroy nous dit :

« Et voici les bords du Loing, des saules, des peupliers, des matins beaux comme la jeunesse du monde, la rosée qui s’évapore en halo blond autour des cimes légères, l’ombre bleue d’un village, des barques sur le flanc au bord de la rivière, des bicoques belles de lumière comme des palais de légende, des clartés blanches et des clartés mauves, les feuilles argentées des saules qui palpitent sous une brise fraîche. »

Notre toile du jour a été vendue le 19 juin 2013 chez Sotheby’s Londres pour 2 882 500 livres Sterling (soit 3,368 millions d’euros). On remarquera dans cette composition l’importance des souvenirs de Sisley, qui avait beaucoup fréquenté la National Gallery durant ses années londoniennes, et s’inspire ici d’un très célèbre tableau de Meindert Hobbema, ci-après.

L'Avenue à Middelharnis, Meindert Hobbema

Avenue à Middelharnis, 1689, 103,5 x 141 cm, Meindert Hobbema, National Gallery, Londres.

Nous avions déjà évoqué, le 19 novembre 2015, ce tableau à propos d’une composition de Ferdinand Hodler [ici].

Retrouvez les tableaux au bord du Loing et toute la poésie de Sisley, ici, dans la monographie publiée par VisiMuZ.

22/03/2016

Photo wikimedia commons
1) File:Alfred_Sisley_064.jpg Usr Jan Arkesteijn
2) File:Meindert_Hobbema_001 Usr Sandik

Portrait de Charlotte Berthier, Pierre-Auguste Renoir

Portrait de Charlotte Berthier, Pierre-Auguste Renoir

Portrait de Charlotte Berthier, 1883, hst, 92,1 x 73 cm, Pierre-Auguste Renoir, National Gallery of Art, Washington.

Un portrait de plus par Renoir, direz-vous ! Même s’il est très fin et délicat, avec ce visage de la période ingresque (1883-88), ce fond qui annonce déjà la période nacrée (après 1889) et une composition solide, on peut passer devant sans rien savoir. Qui était Charlotte ?

Car l’histoire est peu connue et seulement depuis quelques années. L’absence de femme dans la vie publique de Gustave Caillebotte (1848-1894), et certaines des peintures où il représentait ses amis avaient fait conclure (un peu hâtivement) qu’il était surtout intéressé par les hommes. Mais Charlotte Berthier, de son vrai nom Anne-Marie Hagen (on ne connaît pas la raison du pseudonyme), vivait avec Gustave Caillebotte depuis le début des années 80, et restera sa compagne jusqu’à sa mort prématurée en 1894. Caillebotte écrit en 1883 dans une lettre à Monet (vente Artcurial, archives Monet, 13 décembre 2006). « Renoir est ici depuis trois semaines ou un mois. Il fait le portrait de Charlotte qui sera très joli. ». À la mort de Caillebotte, Charlotte héritera d’une rente et de la maison du Petit-Gennevilliers (sur le bassin d’Argenteuil). Elle y vivra jusqu’en 1903 avant de la vendre et de s’établir à Monaco. Caillebotte était aussi le mécène des impressionnistes et on peut penser que Renoir a mis tout son temps et son talent pour plaire à son ami et client. La timide et jolie Charlotte, qui pose ici à 25 ans, avait dix ans de moins que Gustave Caillebotte.
Caillebotte sera en 1885 le parrain de Pierre, fils de Pierre-Auguste, et Renoir sera l’exécuteur testamentaire de Caillebotte à sa mort en 1894.

Le tableau a été ensuite vendu à Alexandre Berthier (1883-1918), 4e et dernier prince de Wagram, petit-fils du maréchal Berthier (1753-1815). Alexandre n’avait, malgré son nom, rien à voir avec le modèle (qui avait, rappelons-le, pris un pseudonyme). La célèbre collection impressionniste d’Alexandre alla, après sa mort au front en 1918, à sa sœur, qui la vendit en 1929 à la galerie Knoedler de New York. La toile, vendue ensuite aux États-Unis à Angelika Wertheim Frink (millionnaire connue dans l’histoire pour ses démêlés avec Sigmund Freud) a rejoint la National Gallery of Art en 1969.

Renoir : un peintre de génie mais aussi un homme attachant, un ami fidèle, à retrouver en détail dans la biographie par Vollard, chez VisiMuZ.

20/03/2016

Photo Courtesy of National Gallery of Art, Washington

Sorrow (Chagrin), Vincent van Gogh

1Sorrow (Chagrin) Vincent van Gogh

Sorrow (Chagrin), 1882, Vincent van Gogh, crayon et déteinte sur papier, 28 x 44 cm, The New Art Gallery, Walsall, Royaume-Uni

L’art n’est pas toujours un monde où, comme disait Jean Yanne, « Tout le monde est beau, tout le monde, il est gentil ». Et chez VisiMuZ, nous avons envie de montrer tous ses aspects, y compris, les plus tristes. Citons Théodore Duret, dans la monographie qu’il a consacrée à Vincent, éditée chez VisiMuZ.

« Le père, quelle que fût l’amertume qu’il ressentît des singularités et des mésaventures de son fils, finissait toujours par l’aider. Van Gogh, sorti de chez Anton Mauve, en reçut donc les moyens de poursuivre l’étude de son art. Une femme abandonnée, mère de cinq enfants, traînait une existence misérable, en posant pour les peintres dans les ateliers. Van Gogh l’eut comme modèle. Il a fait d’après elle un dessin, reproduit ensuite en lithographie, auquel il a donné le titre anglais de Sorrow (Chagrin), complété par cette remarque de Michelet : « Comment se fait-il qu’il y ait sur la terre une femme seule, désespérée ? » Il fut pris de compassion pour elle et la recueillit avec ses enfants. Le secours venu de son père, qui lui permettait tout juste de vivre et de parer aux frais qu’exigeait la poursuite de son art, se trouva insuffisant pour l’entretien de sept personnes. Il s’endette et tombe de nouveau dans le dénuement. Son père l’apprend et, comme il l’avait déjà fait dans le Borinage, vient le chercher et le ramène encore une fois sous son toit, à Nuenen. »

On sait que cette femme s’appelait Clasina Maria Hoornik (1850-1904). Elle était surnommée Sien et a vécu avec Vincent de janvier 1882 à l’automne 83. C’est la seule compagne qu’on lui ait connu.

En 1882, Vincent a alors 29 ans. C’est le début de sa courte carrière, dans un dessin d’autant plus émouvant qu’il y dévoile sa vie privée

17/03/2016

Photo wikmedia commons File:Vincent_van_Gogh_-_Sorrow.jpg Usr Christoph Braun

Portrait de Jean Cocteau, Amedeo Modigliani

Portrait de Jean Cocteau - Amedeo Modigliani

Portrait de Jean Cocteau, 1916, hst, 100 x 81 cm, Amedeo Modigliani, collection Pearlman, Princeton University Art Museum, Princeton (NJ), catalogue Ceroni 106.

De retour du front et en permission au début avril 1916, Cocteau avait demandé son portrait à la fois à Kisling et à Modigliani pour se mettre en valeur sur la scène parisienne. Il s’est habillé de façon élégante (costume, pochette, col dur et nœud papillon). Les deux portraits ont été réalisés lors des mêmes séances de pose, dans l’atelier de Kisling, 3, rue Joseph-Bara, le modèle étant assis dans un fauteuil à haut dossier.

Blaise Cendrars et Pierre Reverdy étaient présents. Reverdy précisa qu’il avait rencontré Cocteau ce jour-là pour la première fois. Le portrait de Modigliani met en évidence la fatuité du modèle. Cocteau, comme Gertrude Stein quand Picasso a réalisé son portrait, déclara qu’il était peu ressemblant, vexé par la bosse de son nez et son attitude hautaine.

Pour la suite, c’est Cocteau qui raconte : « Modigliani voulait me le donner. Je ne voulais pas qu’il me le donne. Je dis “si tu ne veux pas me le vendre”, et il me l’a vendu cent sous – cinq francs. Mais je n’avais pas de quoi prendre le fiacre ouvert qui permettait d’emporter cette grande toile. Alors elle est restée assez longtemps chez Kisling. Kisling devait onze francs au propriétaire de La Rotonde, il lui a demandé si à la place de ses onze francs, il voulait accepter mon portrait. Il a accepté mon portrait : le portrait est resté longtemps sur des banquettes de La Rotonde ».

Retrouvez Cocteau et Modigliani avec Raymond Radiguet et Béatrice Hastings dans la monographie de Modigliani chez VisiMuZ. Quelle époque épique !

15/03/2016

Photo Courtesy wikiart.org

Le Bateau rouge aux voiles bleues, Odilon Redon

Le Bateau rouge aux voiles bleues, Odilon Redon

Le Bateau rouge aux voiles bleues, ca 1910, Odilon Redon, Collection Hahnloser, villa Flora, Winterthur.

Odilon Redon (1840-1916) était né la même année que Monet, Rodin et quelques mois avant Renoir. Il eut une vocation très précoce (il avait six ans) et on aurait pu penser qu’il serait lié à tous les mouvements des années 1870 à 1900. Mais avant 1890, il traverse les époques tel un fantôme, son monde personnel, insensible à la couleur, est réservé à l exploration de l’imaginaire et des rêves, dans une époque sensible au spiritisme.

Redon ne commence à exposer sérieusement qu’après 1890 (il a déjà 50 ans !), et ne s’intéresse à la couleur qu’après la naissance de son fils en 1889. Les nabis l’invitent à exposer avec eux dans les années 90. Sa carrière de peintre symboliste est relativement courte (1895-1916), alors qu’il n’était plus vraiment dans la prime jeunesse.

Le thème de la barque ou du bateau est récurrent dans l’ œuvre de celui qui a grandi à Bordeaux. Il exécuta une série de pastels intitulée « La Barque mystique ». De caractère, il avait de nombreux points communs avec Cézanne, qui l’admirait beaucoup. Ses barques sont d’abord des toiles incitant à la rêverie et la méditation. Liberté, évasion, solitude, volonté, mais aussi introversion, timidité, doute, sont des mots qui viennent à l’esprit quand on regarde les tableaux de Redon. Il ouvrira la voie au surréalisme. Le tableau du jour se trouve dans la collection Hahnloser à Winterthur. Un autre bateau rouge (mais sans voiles) se trouve au musée des Beaux-Arts de Lyon.

09/03/2016

Photo Courtesy The Athenaeum, licence CC-PD-Art Usr : rocsdad

Marcella, l’artiste, Ernst-Ludwig Kirchner

Marcella, l'artiste. Ernst-Ludwihg Kirchner

Marcella, l’artiste, 1910, hst, 101 x 76 cm, Ernst-Ludwig Kirchner, Brücke Museum, Berlin.

En introduction, reprenons quelque lignes déjà publiées pour introduire Ernst-Ludwig Kirchner, qui est moins connu en France qu’en Allemagne.

En 1905, à Dresde, Ernst-Ludwig Kirchner (1880-1938) a fondé, avec Erich Heckel et Karl Schmidt-Rottluff, le mouvement « Die Brücke » (Le Pont), dans le but de rompre avec l’art académique et de créer un art plus en phase avec la société moderne. Leur manifeste indiquait : « Nous souhaitons établir notre liberté d’action et de vie contre les forces anciennes bien établies » .
Est-il besoin de préciser que c’est justement à cause de cette liberté que le parti nazi a classé Kirchner comme un artiste dégénéré ? En Allemagne nazie, ses toiles ont été brûlées dans des autodafés. L’expressionnisme représente l’énergie, les pensées, les humeurs, les état d’âme, en particulier grâce à la couleur. Contrairement à l’impressionnisme, ce n’est plus le réel (le paysage, la lumière, etc.) que l’on représente mais l’expression, l’âme de l’artiste mise à nu.

En 1910, Kirchner est encore à Dresde. Il partira l’année suivante à Berlin.

Deux jeunes filles, Fränzi et Marcella sont à cette période très souvent modèles pour Max Pechstein, Erich Heckel et Ernst-Ludwig Kirchner. Fränzi avait 10 ans, Marcella 15 ans. Pendant très longtemps, on a cru qu’elles étaient sœurs et filles d’un artiste de cirque. Il n’en était rien. On sait depuis 2009 que Marcella Sprentzel était la fille d’un employé des postes et de sa femme, Kirchner a voulu que le spectateur pense, d’après le titre de son tableau, qu’elle travaillait dans un cirque.

On remarque d’abord dans ce tableau d’une part un point de vue cinématographique, en plongée, et d’autre part une force et une harmonie de couleurs vertes puissantes, en opposition avec la chair orange et une touche de rouge (les chaussons de la jeune fille). On fera naturellement un rapprochement avec les Fauves français (Matisse, Derain, etc.) mais ici, les couleurs sont plus froides.

Un certain nombre d’entre nous ont pu voir ce très beau et très puissant tableau à Grenoble lors d’une exposition en 2012.

07/03/2016

Photo wikimedia commons File:Ernst_Ludwig_Kirchner_-_Artistin_%28Marzella%29 Usr AndreasPraefcke

Jeune fille à la poupée, Paul Cézanne

Jeune fille à la poupée, Paul Cézanne

Jeune fille à la poupée, ca 1902-04, hst, 73 x 60 cm, Paul Cézanne, collection particulière, catalogues O609 et V699.

La fin de la vie de Cézanne a été marquée par une très grande solitude volontaire. Il a vécu à Aix, au centre-ville, ayant vendu la grande maison du Jas de Bouffan. Son fils et sa femme se trouvaient à Paris. Seule la peinture l’intéressait.

À l’époque de notre tableau, il a 63 ans. Son diabète lui cause des ennuis. Il vient de faire construire en 1902, à la périphérie d’Aix, aux Lauves, un atelier auquel il se rend quotidiennement, sauf quand il va sur les bords de l’Arc pour peindre sur le « motif ». L’atelier comprend aussi une terrasse et un jardin.

Pour aller aux Lauves, il prend un fiacre ou va à pied, selon les jours. Il a la Sainte-Victoire sous les yeux, mais peint aussi des portraits comme ici cette Jeune fille à la poupée. Les couleurs en sont puissantes. La jeune fille porte un chapeau de paille et un sarrau bleu. On notera le contraste entre la verticalité de la pose de la fillette, l’oblique de la poupée et l’oblique parallèle du fond dont on ne sait trop ce qu’il représente. Il s’agit pourtant certainement des arbustes qui poussaient sur la pente de la colline.

Le traitement pictural montre bien la filiation entre Cézanne et les cubistes.

Cézanne n’a peint que deux Jeunes filles à la poupée. L’autre est présente dans la monographie de Cézanne parue chez VisiMuZ.

Les deux toiles ont été longtemps dans la collection de Heinz Berggruen (1914-2007), grand marchand qui a possédé de nombreux tableaux de Cézanne. Cette toile a été ensuite vendue à New York en 2001 (15 millions de dollars). Berggruen, d’une famille juive, s’était exilé aux États-Unis de 1936 à 1945, puis avait ouvert une galerie à Paris en 1947. Il est retourné en Allemagne en 1996. À sa mort, un musée Berggruen a été ouvert à Berlin. Il contient sa collection d’œuvres de Pablo Picasso, Paul Klee, Georges Braque, Henri Matisse et Alberto Giacometti.

05/03/2016

Photo wikimedia commons File:Paul_Cézanne_099.jpg Usr Eloquence

Traîneau attelé à un cheval dans un paysage d’hiver, Frits Thaulow

Traîneau attelé à un cheval dans un paysage d'hiver, Frits Thaulow

Traîneau attelé à un cheval dans un paysage d’hiver, be 1885-1906, Frits Thaulow, collection particulière

Frits Thaulow (1847-1906) est un peintre injustement méconnu en France. Norvégien, ayant étudié et travaillé au Danemark (1874-79), il a d’abord fait partie de l’école de Skagen (au nord du Jutland). Puis il passe 12 ans en Norvège. Enfin il a vécu et travaillé en France de 1892 à sa mort en 1906. Préférant les bords de mer, la campagne picarde et le Boulonnais à Paris, il a également appartenu à ce qui à été appelé l’école d’Étaples (1880-1914).

Certaines de ses œuvres sont au musée du Touquet, et aussi de façon significative à l’Ermitage (Saint-Pétersbourg), à Boston (MA), ou encore à Saint-Louis (MO). Sur le marché de l’art les œuvres de Thaulow flirtent régulièrement avec les 100.000 euros.

En 1895, Thaulow fit la connaissance de Monet, et c’est sur les conseils du norvégien que Monet alla passer l’hiver à Christiania (Oslo) d’où il ramena de nombreuses toiles (à voir par exemple à Paris au musée Marmottan). Nous ne savons pas où et quand a été peint le tableau du jour, même si on peut supposer qu’il a été peint en Norvège. La lumière y est superbement traitée.
Une curiosité pour finir. La première femme de Thaulow (jusqu’en 1886) était la sœur de Mette Gauguin-Gad. Mais en 1886, Thaulow a été quitté par sa femme et Gauguin a de son côté laissé sa famille à Copenhague. Les deux hommes n’ont eu aucune connexion artistique. Thaulow a seulement montré en 1884 les œuvres de Gauguin en Norvège (mais c’était avant Pont-Aven).

03/03/2016

Photo Courtesy The Athenaeum, Usr Irene

Le Port de la Rochelle, Pierre-Auguste Renoir

Le Port de la Rochelle, Pierre-Auguste Renoir

Le Port de la Rochelle, 1896, hst, Pierre-Auguste Renoir, collection particulière

La Rochelle a fait l’objet de la part de Renoir d’une véritable fascination, en particulier quand il se comparait à Corot. Nous avons évoqué une vue de la Rochelle par Corot en juillet dernier (ICI) que nous vous conseillons de lire ou relire avant de poursuivre.

Outre les déclarations de Renoir à Vollard, que nous avons lues à propos de Corot, une anecdote est révélatrice de cet amour de Renoir à « Papa Corot ».

Donc en 1896, Renoir séjourne à La Rochelle et se heurte aux difficultés de reproduire la lumière. Deux ans plus tard, il séjourne avec ses enfants et Julie Manet à Berneval, et peint un Déjeuner à Berneval, qui reprend une composition de Degas, La Leçon de danse, un tableau que Renoir avait choisi suite au legs Caillebotte et au testament de Gustave Caillebotte.

En décembre 1898, Renoir vend cette Leçon de danse à Durand-Ruel, ce que le testament lui permettait de faire. Mais le motif de cette vente était de lui permettre d’acheter une vue de La Rochelle : le coin de la cour de la commanderie par Corot. Il se déssaisissait ainsi donc d’un Degas pour acheter un petit Corot.

Degas, plus que furieux, se fâcha alors avec Renoir.

28/02/2016

Le Port de La Rochelle, Pierre-Auguste Renoir

Le Port de la Rochelle,1896, hst, 20,7 x 32,3 cm, Pierre-Auguste Renoir, collection particulière