Pêcheuses de moules à Berneval, Renoir

Renoir Pêcheuses de moules à Berneval

Pêcheuses de moules à Berneval, 1879, Pierre-Auguste Renoir, fondation Barnes, Philadelphie.

Renoir a séjourné plusieurs fois au château de Wargemont, chez ses amis Marguerite et Paul Bérard. Berneval, près de Dieppe est aussi à quelques kilomètres de Wargemont.

La Ve exposition des Impressionnistes a eu lieu en 1880. Comme en 1877 et 1879, Renoir s’abstient d’y participer. A contrario, il va postuler au Salon officiel, celui de M. Gérôme (comme disait Cézanne) avec ces Pêcheuses de moules et la Jeune fille au chat. Il va être admis. Renoir était convaincu que pour recevoir des commandes des milieux fortunés de Paris, il était nécessaire d’exposer au Salon. Il l’a expliqué dans une lettre à Durand-Ruel au début de mars 1881.

«. Mon cher Monsieur Durand-Ruel,
Je viens tâcher de vous expliquer pourquoi j’envoie au Salon. Il y a dans Paris à peine quinze amateurs capables d’aimer un peintre dans le Salon. Il y en a 80 000 qui n’achèteront même pas un nez si un peintre n’est pas au Salon. Voilà pourquoi j’envoie tous les deux ans deux portraits, si peu que ce soit. De plus, je ne veux pas tomber dans la manie de croire qu’une chose ou une autre est mauvaise suivant la place.

En un mot, je ne veux pas perdre mon temps à en vouloir au Salon. Je ne veux même pas en avoir l’air. Je trouve qu’il faut faire la peinture la meilleure possible, voilà tout. Ah ! si l’on m’accusait de négliger mon art, ou par ambition imbécile, faire des sacrifices contre mes idées, là je comprendrais les critiques. Mais comme il n’en est rien, l’on a rien à me dire, au contraire. »

Alors le peintre a joué « cavalier seul » et n’a pas exposé avec ses amis. Un an plus tard, suite à son voyage en Italie, Renoir va rompre avec sa manière impressionniste, pour entrer dans sa période « ingresque » ou « aigre ». Ce tableau est aussi l’un des deux derniers de l’artiste acquis par Albert Barnes (1872-1951). Barnes possédait à sa mort 178 tableaux de Renoir acquis entre 1912 et 1942. Il en acheta en particulier 41 en une seule fois juste lors de la dispersion de l’atelier à la mort du peintre.

Retrouvez ici tout Renoir dans sa biographie par Ambroise Vollard, chez VisiMuZ (avec 200 tableaux)

07/10/2015

Dim 176,2 x 130,2 cm
Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad

Ferme en Haute-Autriche, Gustav Klimt

Ferme en Haute-Autriche – Klimt

Ferme en Haute-Autriche, 1911-12, Gustav Klimt, Palais du Belvédère, Vienne

Gustav Klimt (1862-1918) n’est pas seulement le peintre de la période dorée et du Baiser. Il a peint de nombreux (55) paysages très lumineux, le plus souvent sur des toiles au format carré. Il a en effet découvert les mouvements artistiques français et décidé d’épurer son style à partir de 1909, évitant l’or et se rapprochant du divisionnisme cher à Seurat, Signac, etc.. mais aussi des couleurs des Fauves qui ont exposé à Vienne en 1908.

Klimt le Viennois a passé à partir de 1897 ses vacances d’été en Haute-Autriche, sur le lac Atter (Attersee à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Salzbourg) avec sa compagne Émilie Flöge. Ses paysages sont toujours vides de personnages, ce qui leur donne une sérénité et un calme particulier. Le feuillage des arbres répond à la prairie en fleurs. Klimt peignait ses toiles en plein air et les terminait en atelier. Les lieux sont donc réels et non imaginaires. Un autre tableau de Klimt, célèbre pour d’autres raisons, a été peint ici. Le Jardin au crucifix (1912-1913) a été détruit dans l’incendie du château d’Immendorf par les Nazis le 8 mai 1945 (à moins que les camions en fuite aient été chargés avec les œuvres et que…).

Le tableau du jour est au palais du Belvédère comme Le Baiser ou Judith. Son succès est si grand qu’il a été reproduit sur toutes sortes de supports, y compris des coques de téléphone portable. On sait aussi que l’Autriche s’est dotée d’une loi exemplaire de restitution aux héritiers spoliés dans le cas d’achats douteux à partir de 1938, et qu’un autre paysage de Klimt de même taille (Litzlberg am Attersee) a été vendu aux enchères en 2011 pour 40,4 millions de dollars suite à un jugement de restitution envers le musée de Salzbourg. Mais l’acquisition de cette toile dès 1912 ne saurait être douteuse. Vous pourrez toujours aller l’admirer au Belvédère.

Dim 110 x 110 cm
Photo wikimedia commons : Oberösterreichisches Bauernhaus Usr : GianniG46

Parution en juillet 2017 de Gustav Klimt (1862-1918), entre femmes et paysages

Retrouvez sa biographie, les femmes qu’il a peints et qu’il a aimées, les 55 paysages de sa maturité, les records d’enchères des vingt dernières années, …

Chevaux de courses devant les tribunes, Edgar Degas

Le Défilé (Chevaux de courses devant les tribunes)

Le Défilé (Chevaux de courses devant les tribunes), be 1862-1866, Edgar Degas, musée d’Orsay, collection Camondo.

Le tableau du jour est l’un des premiers que Degas a consacré aux courses hippiques, loisir d’origine britannique, devenu très en vogue en France dès le Second Empire. L’artiste avait décidé de saisir au vol les mouvements de ses sujets pour mieux nous en révéler la personnalité, l’essence, en l’occurrence ici l’âme des courses hippiques et de ses protagonistes.

Citons Paul Jamot [dont la biographie de Degas est parue et est disponible chez VisiMuZ], qui est le premier à avoir analysé ce thème chez Degas.
« Doué d’un don prodigieux de dessinateur qui saisit les contours et les formes même quand ils nous semblent se dissoudre et nous échapper par leur mobilité, il [Degas] s’empare de ce qui n’avait pas été aperçu avant lui. De là, cet aspect de nouveauté qui a scandalisé les uns et fait extravaguer les autres. Il ne poursuivait, il n’a jamais poursuivi que le vrai.
Il n’y a donc pas de différence essentielle entre ses portraits et ses suites de tableaux consacrés aux courses, au théâtre, à la danse, au café-concert, même aux nus, aux blanchisseuses, aux modistes.
Degas, qui n’était pas plus homme de cheval que noctambule, fut attiré de bonne heure par les spectacles qu’un champ de courses offre à un peintre…/… Parmi ses envois au Salon, le premier qui ne fût ni un portrait ni une peinture d’histoire est un tableau de courses…

À gauche, des tribunes remplies de spectateurs. Sur la piste au premier plan, deux jockeys, vus de dos, tiennent leurs chevaux arrêtés, dans des directions un peu divergentes. Plus loin, un groupe de jockeys plus nombreux venant vers nous. Un cheval s’emballe au galop, retenu avec peine par son cavalier. Les ombres portées s’allongent de droite à gauche. À l’horizon, arbres et cheminées d’usines.  »

Signalons aussi le respect de la perspective classique marqué par les diagonales (le cheval centre se trouve sur le point de fuite), le choix assumé de la modernité par opposition à l’académisme (les tribunes, les cheminées d’usines) et la prééminence de la lumière qui annonce déjà la décennie suivante. Le tableau, pourtant si décrié 45 ans avant, est rentré au Louvre avec la collection Camondo dès 1911, alors que l’artiste était encore vivant.

05/10/2015

Terrasse de la maison de campagne à Saint-Germain, August Macke

Terrasse de la maison de campagne à Saint-Germain August Macke

Saga Hebdo 2/2

Terrasse de la maison de campagne à Saint-Germain, 1914, August Macke, LWL-Museum für Kunst und Kultur, Münster.

Dans un premier temps, ce sont les couleurs qui frappent dans cette aquarelle très certainement réalisée sur place, c’est-à-dire dans la maison de Saint-Germain dont nous avons parlé hier.

Mais on doit souligner l’importance des recherches formelles étudiées par Macke et ses amis à cette époque. Déjà Cézanne puis les Nabis avaient mis à mal la perspective classique et le cubisme va naître une dizaine d’années avant ce voyage. En 1907 paraît en Allemagne un livre de Wlilhelm Worringer (Abstraktion und Einfühlung) « Einfühlung » peut se traduire incomplètement par « empathie esthétique » ou « identification » dans laquelle l’artiste est confronté à la recherche de l’illusion de la profondeur et de l’espace. Celle-ci a été initiée dans la peinture des Grecs, reprise par les Italiens de la Renaissance puis développée dans toute la peinture européenne. Worringer présente l’Abstraction et l’Einfühlung comme les deux pôles de la création, opposant les conceptions arabo-musulmanes de l’art décoratif avec celles de l’Europe.
Notre tableau du jour est encore inspiré de l’idéal de la Renaissance. Macke utilise des lignes de fuite pour suggérer la profondeur, mais comme Klee hier, il utilise des formes géométriques simples (triangles, carrés, rectangles) pour bâtir son paysage. Macke est venu en Tunisie pour la couleur mais aussi pour tenter une synthèse entre les univers picturaux de l’Occident et de l’Orient.
En 1912 déjà, dans l’almanach du « Blaue Reiter » il avait écrit : « Le croisement de deux styles donne un troisième style nouveau… l’Europe et l’Orient ».

Pour finir, nous savons par le Journal qu’a tenu Paul Klee de cette période, que Macke et Moilliet étaient en permanence en train de plaisanter, et que Klee se sentait un peu mal à l’aise dans cette ambiance de calembours et d’humour potache, au sein de laquelle il avait de la peine à se situer.

Macke était grand, fort, souvent jovial, et sa peinture respire cette joie de vivre, qui le rend encore aujourd’hui vecteur de petits moments de bonheur pour le spectateur.

03/10/2015

Dim : 22,7 x 28,7 cm
Photo Wikimedia commons August_Macke_048.jpg Usr Eloquence

Saint-Germain près de Tunis, Paul Klee

Saint-Germain près de Tunis, Paul Klee

Saga hebdo 1/2

Saint-Germain près de Tunis, avril 1914, Paul Klee, collection particulière.

En 1914, Paul Klee partit avec ses amis August Macke et Charles Moilliet en Tunisie, du 7 au 19 avril. Ils y avaient été invités par un ami de Moilliet, le docteur Ernst Jäggi (1878-1941). Ils se retrouvèrent d’abord chez Moilliet au lac de Thoune, et grâce à ce dernier, Klee put vendre 8 aquarelles au pharmacien bernois Charles Bornand afin de financer son voyage. Leur but, qui avait été aussi celui de Delacroix (au Maroc), de Monet (Algérie, même si son voyage était dû à l’armée française), Renoir (Algérie) ou Matisse (Algérie, Maroc), était de mieux appréhender la couleur. Et le voyage fut à cet égard couronné de succès. Paul Klee écrivit dans son journal lors de leur visite de Kairouan : « La couleur me possède. Point n’est besoin de chercher à la saisir. Elle me possède. Voilà le sens de ce moment heureux : la couleur et moi sommes un. Je suis peintre ».

Le docteur Jäggi possédait une maison de campagne à Saint-Germain, à cette époque un quartier européen au sud de Tunis, créé en 1909 et aujourd’hui appelé Ezzahra. Klee et Macke peignirent énormément. Ils avaient rencontré Robert Delaunay deux ans auparavant et avaient étudié ses théories sur la couleur (les couleurs remplacent les objets…). Leur expérience tunisienne leur permit de tester une manière nouvelle pour eux. Pour obtenir la nuance désirée, Klee utilisait des couleurs transparentes qu’il superposait.

Notre aquarelle du jour montre la tendance de Klee à l’abstraction. La peinture est composée d’éléments, comme des notes sur une portée musicale. Ici ces éléments se juxtaposent, se croisent, s’interpénètrent, se mélangent pour finalement composer un paysage.

02/10/2015

Dim : 18,5 x 24 cm
Photo courtesy www.pubhist.com

Les Baigneuses, Suzanne Valadon

Suzanne Valadon Les Baigneuses

Les Baigneuses, 1923, Suzanne Valadon, musée des Beaux-Arts de Nantes

Suzanne Valadon (23 septembre 1865-1938). Elle aurait eu 150 ans la semaine dernière. Degas la découvrit dessinatrice après qu’elle eut été couturière, acrobate, modèle de Puvis de Chavannes, de Renoir, de Lautrec. Puis elle devint elle-même peintre, mère de peintre (Maurice Utrillo), femme de peintre (André Utter). Et jamais elle ne trahira ses idéaux artistiques.

1921 année faste : c’est l’année de l’exposition à trois (Valadon, Utrillo, Utter) chez Berthe Weill, la galeriste qui avait eu le cran d’exposer les nus de Modigliani à la fin 1917.

Peu avant la réalisation de notre tableau, le critique André Warnod écrit : « Le trait noir qui cerne les nus en précise les contours, mais laisse intacte la sensibilité émue de la chair, chair quelquefois molle, quelquefois lasse. L’impitoyable trait, précis et ferme, souligne parfois des tares, les plis du ventre, les seins qui s’affaissent; – un beau dessin n’est pas toujours un dessin joli – mais toujours chair vivante et belle justement par la vie qui l’anime, fraîche parce qu’on sent le sang circuler à fleur de peau. Les nus de Suzanne Valadon peints dans une gamme si claire, si radieuse, enchantent par la vérité qui émane d’eux, nus en pleine force, en plein mouvement… » (L’Avenir, 19 décembre 1921).

1923 : Une nouvelle exposition a lieu chez Berthe Weill, le succès commercial s’amplifie pour les trois compères et André va acheter le château de Saint-Bernard (Ain). Mais Suzanne ne change pas de cap, elle renoue ici avec un thème qu’elle avait déjà traité dès 1903 avec La Lune et Le soleil ou La Brune et la Blonde.

Est-il nécessaire d’ajouter autre chose à la critique d’André Warnod ?

01/10/2015

Dim : 116,4 x 89 cm
Photo Courtesy The Athenaeum, Irene

Moulin rouge, Henri de Toulouse-Lautrec

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Dressage des nouvelles par Valentin le désossé (Moulin rouge), 1889-90, hst, 115 x 150 cm, Henri de Toulouse-Lautrec, Philadelphia Museum of Art

Le Moulin Rouge a récemment fait parler de lui à New York ! Pas mal pour un établissement qui a l’âge de la Tour Eiffel ! Il a en effet ouvert le 5 octobre 1889 (anniversaire dans 5 jours) sur le site d’un autre bal qui avait fermé. Il avait été conçu par ses propriétaires (Joseph Oller et Charles Ziedler) pour éclipser tous ses concurrents (dont l’Élysée-Montmartre, le cabaret de Bruant, le cirque Fernando, le Chat noir…) dans ce quartier devenu l’épicentre des divertissements parisiens. La publicité fut massive à l’ouverture. Dans un supplément du Figaro illustré, il était décrit comme « un magnifique jardin contenant plus de 6 000 personnes, à l’ombre des grands arbres …/… », avec sa scène où l’on pouvait retrouver « …/…tous les soirs, un concert-spectacle de 8h30 à 10h, avant le bal. » L’article se poursuivait en précisant qu’on y retrouvait « les artistes peintres, sculpteurs, littérateurs, membres de cercles, danseurs, enfin le Tout-Paris, joyeux. »

Lautrec fréquenta très vite ce bal où il se sentait moins un intrus qu’au bal plus populaire du Moulin de la Galette. Remarquons au passage que l’électricité a conquis les lieux (une possibilité récente mais aussi une obligation depuis le tragique incendie de 1887 à l’Opéra comique, éclairé au gaz). Lautrec le souligne en donnant au tableau une luminosité et des teintes claires qui ne lui sont pas habituelles.

Le tableau fut présenté aux Indépendants en mars 1890, puis acheté par Le Moulin rouge. Il fut alors accroché au-dessus du bar, dans le foyer, à côté d’un autre célèbre tableau de Lautrec Au cirque Fernando : Écuyère.

Quelques-uns des personnages peuvent être identifiés et constituent un échantillon intéressant de la population cliente de l’établissement. Valentin, danseur et contorsionniste, était une figure du Moulin. Maurice Guibert et Paul Sescau en haut-de-forme, sont des amis du peintre, la femme en rose au premier plan a un rôle mal défini, peut-être une prostituée accompagnée de sa voisine moins jolie, faire-valoir « qui oblige » selon le mot de Bruant. Elle était dans la « vraie vie » un modèle professionnel qui avait aussi posé pour Anquetin. Pas moins de 26 personnages, dont les plus proches du spectateur sont pratiquement en grandeur nature, peuplent ce théâtre d’ombres qui fait écho à la publicité que nous avons citée plus haut.

30/09/2015

Photo wikimedia commons : Henri_de_Toulouse-Lautrec,_French_-_At_the_Moulin_Rouge-_The_Dance_-_Google_Art_Project.jpg Usr DcoetzeeBot

Le Vase de fiançailles, Henri Fantin-Latour

Fantin-Latour Grenoble Bouquet de fiançailles

• Le Vase de fiançailles, 1869, 32,8 x 30,4 cm, Henri Fantin-Latour, musée de Grenoble.

Fantin-Latour (1836-1904) est né à Grenoble mais il a grandi à Paris. Contrairement à tous les autres peintres de l’époque, il habitait sur la rive gauche. Il fait artistiquement le lien entre l’école romantique (Delacroix), réaliste (Courbet) et Manet ou Whistler. Son amitié avec James Abbott Whistler l’envoie en Angleterre dès 1859. Il y retourne en 1862 et 1864 et se compose dès lors une riche clientèle qui lui demande des natures mortes. Contrairement à son ami Manet, il a besoin de sa peinture pour vivre, et même s’il aime aussi se consacrer à d’autres thèmes (portraits de groupe par exemple), il va réaliser de très nombreuses natures mortes (plus de 800 entre 1864 et 1896), qu’il va envoyer à son ami et courtier londonien Edwin Edwards. Sa carrière sera donc autant londonienne que parisienne. Il va exposer à la Dudley Gallery très régulièrement ainsi qu’au salon annuel de la Royal Academy.

En 1866, il fait la connaissance au Louvre de Victoria Dubourg, qu’il épousera dix ans plus tard. Elle était peintre, elle aussi. Le critique Jacques-Emile Blanche la qualifia d’ailleurs de « femme supérieure et peintre de mérite ». Ce petit tableau est le cadeau que Fantin offrit à Victoria pour leurs fiançailles.

Comme le plus souvent l’arrière-plan est neutre, afin de donner plus de relief aux éléments du premier plan. Il achetait les fleurs et les fruits le matin même avant de réaliser ses tableaux afin que l’éclat en soit plus grand. De nombreuses couches de peinture ont été nécessaires pour le volume et la texture des fruits, pour un résultat qui donne toutes ses lettres de noblesse à la nature morte.

Victoria a gardé le tableau toute sa vie et l’a légué en 1921, 17 ans après la mort d’Henri (elle avait elle-même 81 ans), au musée de Grenoble.

29/09/2015

Photo wikimedia commons Henri_Fantin-Latour_-_Natureza-Morta_«Noivado»_1869.jpg Usr Darwinius

La Laveuse de vaisselle, Camille Pissarro

La Laveuse de vaisselle, Pissarro

• La Laveuse de vaisselle, 1882, hst, 81,9 x 64,8 cm, Camille Pissarro, Fizwilliam Museum, Cambridge (UK)

Dès la fin des années 1870, Camille Pissarro reprend intérêt à la figure humaine en tant que motif. Durant l’année 81, il a travaillé à Pontoise avec Gauguin, Cézanne et Guillaumin, mais à côté des paysages, il choisit de représenter de nombreuses jeunes femmes au travail : La Charcutière, la Petite Bonne de campagne, La Bergère, Paysanne gardant des vaches, Le Marché à la volaille, etc. Si l’influence de Millet est très présente dans le choix des sujets, celle de Degas est plus grande encore pour le traitement des attitudes et le choix des cadrages.

Comme Millet, Pissarro saisit ses modèles dans le travail agraire comme dans les occupations domestiques. Mais l’artiste, sympathisant anarchiste, avait aussi des visées politiques dans la représentation d’une classe sociale, celle des paysans, aux champs comme au marché. Pendant ce temps, Degas représentait les repasseuses et modistes parisiennes.

Notre tableau du jour montre aussi une évolution dans sa technique. Pissarro n’a pas encore rencontré Georges Seurat (ce sera en 1885), pourtant il se rapproche déjà du divisionnisme. La juxtaposition de touches de couleurs pures s’accentue. Les ombres du feuillage, au premier-plan, contrastent fortement avec les tons clairs du chemin.

La toile a été réalisée au 85, quai du Pothuis, à Pontoise, l’adresse de la famille Pissarro avant son déménagement à la fin de 1882 à Osny. On sait aussi qu’elle a été achetée par Paul Durand-Ruel le 28 juin 1882, pour 2500 francs, un prix élevé à cette époque pour l’artiste.

28/09/2015

Photo courtesy The Athenaeum, rocsdad

Bateaux sur la Seine, Berthe Morisot

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Bateaux sur la Seine, 1880, Berthe Morisot, Wallraf-Richartz Museum, Cologne.

Saga hebdo 2/2

Berthe Morisot (1841-1895) avait 39 ans à l’époque de notre tableau. Elle s’est mariée à la fin de 1874 avec Eugène Manet. Julie, leur fille, a un an et demi en cet été 1880. Alors à cette période, les voyages sont un peu plus difficiles. Villeneuve-la-Garenne était encore un hameau de Gennevilliers, où Berthe avait déjà passé le printemps de 1875, et restait, comme le dit Armand Fourreau dans sa biographie (publiée chez VisiMuZ), « une charmante localité suburbaine. »

Berthe a choisi ici de représenter comme Sisley, un coin de campagne, ce qui n’est pas tout à fait la réalité. L’île Saint-Denis vivait des activité liées au fleuve : les bateliers faisaient transiter leurs péniches, la blanchisserie était une activité importante (voir toujours de Morisot son Percher de blanchisseuses peint non loin de là) et les activités de construction navale commençaient à s’implanter. C’est ce dernier point qui attirera Caillebotte à Gennevilliers où il va acheter une maison l’année suivante.

Contrairement au tableau de Sisley d’hier, le pont n’est pas ici le motif principal du tableau, mais plutôt les barques et les canots. Le fait de couper les barques du premier plan était un geste audacieux (à cette époque). Contrairement à la construction solide de Sisley, le tableau de Morisot est peint légèrement, presque esquissé. Notez par exemple la différence sur le rectangle vert de la maison à droite du pont dans les deux tableaux. Chez Morisot, il se confond presque avec l’herbe de la berge. Elle a toujours été à la recherche de la plus grande économie de moyens possible. Elle aurait pu faire sienne la devise « Less is more » (phrase appliquée d’abord à Andrea del Sarto par le poète Robert Browning, puis reprise par l’architecte Mies van der Rohe).

Le site du tableau n’a été identifié que vers la fin du XXe siècle grâce au rapprochement avec la toile de Sisley. Le titre, donné par Mary Cassatt, premier propriétaire de la toile, ne donnait aucune indication de localisation. Mary Cassatt avait acheté la toile à son amie Berthe (les deux femmes se voyaient très souvent) au printemps 1881 pour la collection de son frère Alexander.

À retrouver bien sûr avec tous les autres, dans la collection des livres d’art numériques de VisiMuZ !

26/09/2015

Dim 25,5 x 50 cm
Photo courtesy The Athenaeum, Usr rocsdad

Le Pont à Villeneuve-la-Garenne, Alfred Sisley

25092015_Sisley_PontVilleneuve

Le Pont à Villeneuve-la-Garenne, 1872, hst, 49,5 x 65,4 cm, Alfred Sisley, Metropolitan Museum of Art, New York

Saga Hebdo 1/2

Nous sommes en 1872. La vie de Sisley a basculé l’année précédente. Citons Duret, l’historien des impressionnistes : « Pendant la guerre, son père tombé malade et incapable de surmonter la crise survenue dans ses affaires, subit des pertes, qui amenèrent sa ruine et, peu de temps après, sa mort. Alfred Sisley, qui jusque-là avait vécu comme le fils d’une famille riche, se trouva tout à coup sans autres ressources que celles qu’il pourra tirer de son talent de peintre. Après 1870. il se donne donc tout entier à la peinture, à laquelle il lui faut désormais demander ses moyens d’existence pour lui et sa famille, car il est marié et a des enfants. À ce moment son ami Claude Monet avait, sous l’influence de Manet, adopté et développé le système des tons clairs et l’appliquait à la peinture du paysage, directement devant la nature. Sisley s’approprie lui-même cette technique ; il peint en plein air, dans la gamme claire. On voit ainsi l’influence qu’exercent les uns sur les autres, au point de départ, des artistes en éveil, Manet sur Monet et Monet sur Sisley. ».

Au printemps 1872, Sisley chercha d’abord un peu de réconfort auprès de son ami Monet à Argenteuil puis il alla passer l’été à Villeneuve-la-Garenne. Notre tableau du jour sera vendu à Durand-Ruel dès le 24 août 1872 pour 200 francs. Celui-ci le revendra 360 francs à Jean-Baptiste Faure, en avril 1873. « Jean-Baptiste Faure (1830-1914), célèbre chanteur de l’Opéra de Paris, collectionnait les œuvres de Sisley. » Il deviendra ensuite son mécène en lui proposant de payer son séjour à Londres entre juillet et octobre 1874.

Le pont est ici symbole de la modernité. Il a été construit en 1844, pour relier Villeneuve-la-Garenne à Saint-Denis, avec une structure et un tablier en fer. Des canotiers, le loisir à la mode, flânent sur la rivière et sur la rive. Le cadrage qui raccourcit la perspective, est ici très innovant, de même que la touche des couleurs sur l’eau, qui suscitera des railleries lors des expositions à venir.

25/09/2015

Photo VisiMuZ