Saga hebdo 2/2
• Madame Roulin, nov 1888, Paul Gauguin, Saint Louis Art Museum (MO)
Nous avons laissé hier Vincent avec madame Roulin en janvier 1889. En décembre, il avait certes déjà peint Augustine tenant le bébé Marcelle dans ses bras [Philadelphia Museum of Art et Metropolitan Museum of Art]. Mais le premier à avoir peint madame Roulin a été Paul Gauguin en novembre. Faut-il y voir un effet de ce charme sulfureux qui a valu à Gauguin ses succès féminins ?
Madame Roulin doit poser dans la chambre de Gauguin puisqu’on voit sur le mur le bas d’un autre tableau de Gauguin (Les Arbres bleus (Vous y passerez la belle !), aujourd’hui au musée d’Ordrupgaard, près de Copenhague). Est-ce une allusion symbolique ?
En décembre, Vincent va faire un autre tableau d’Augustine Roulin [collection O. Reinhart, Winterthour], portant la même robe, très inspiré par celui de Paul. Il va même de manière symbolique l’assoir sur la chaise de Paul.
D’un point de vue peinture, on sait que Cézanne n’aimait ni Gauguin, ni Van Gogh. Émile Bernard a rapporté ces mots de Cézanne : « Jamais je n’ai voulu et je n’accepterai jamais le manque de modelé ou de graduation ; c’est un non-sens. Gauguin n’était pas peintre, il n’a fait que des images chinoises. » [voir la bio de Cézanne à paraître dans 10 jours chez VisiMuZ].
Et pourtant ! Certes l’homme Gauguin est au mieux déroutant, au pire insupportable. Il a eu pourtant des amis fidèles (Morice, Monfreid, etc.) et s’il s’est fâché avec de nombreux peintres, tous ou presque reconnaissaient à l’artiste une certaine prééminence. Van Gogh a pris des leçons chez Gauguin qu’il a su faire fructifier. Maurice Denis a écrit : « Gauguin n’était pas professeur, … mais Gauguin était tout de même le maître. »
Et Gauguin lui-même, avec un brin de fatuité, écrit à propos de ces quelques mois passés en Provence [l’intégralité à retrouver bien sûr dans la biographie de Gauguin par Charles Morice, enrichie par VisiMuZ avec entre-autres les tableaux de Gauguin en Provence].
« Sans que le public s’en doute, deux hommes ont fait là un travail colossal, utile à tous les deux– peut-être à d’autres. Certaines choses portent leur fruit.
Vincent, au moment où je suis arrivé à Arles, était en plein dans l’école néo-impressionniste, et il pataugeait considérablement, ce qui le faisait souffrir ; non point que cette école, comme toutes les écoles, soit mauvaise, mais parce qu’elle ne correspondait pas à sa nature si peu patiente et si indépendante.
Avec tous ses jaunes sur violets, tout ce travail en complémentaires, travail désordonné de sa part, il n’arrivait qu’à de douces harmonies incomplètes et monotones ; le son du clairon. J’entrepris la tâche de l’éclairer, ce qui me fut facile, car je trouvai un terrain riche et fécond. Comme toutes les natures originales et marquées au sceau de la personnalité, Vincent n’avait aucune crainte du voisin et aucun entêtement.
Dès ce jour, mon Van Gogh fit des progrès étonnants ; il semblait entrevoir tout ce qui était en lui, et de là, toute cette série de soleils sur soleils en plein soleil. »
Et vous ? Préférez-vous madame Roulin par Paul, ou par Vincent ?
À lundi !
Dim 51 x 64 cm
Photo wikimedia commons Paul_Gauguin_-_Madame_Roulin.jpg Usr Postdlf