À l’entrée de la basilique de la Santissima Annunziata, c’est le désert alors que les files d’attente, à l’entrée de la Galerie de l’Académie, située à deux cents mètres de là, débordent jusque sur la Via degli Alfani voisine. On se rappelle que Stendhal fit un malaise en sortant de la basilique de Santa Croce. « J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. » Cette pathologie est maintenant reconnue comme le syndrome de Stendhal. Moins connue que Santa Maria Novella ou Santa Croce, Santissima Annunziata reçoit très peu de visiteurs, même en août. Et pourtant, elle peut leur être comparée.
À l’entrée de cette église, rien n’indique qu’il s’agit là d’un haut lieu de l’art de la Renaissance. On franchit un seuil, sans guichet ni billet à débourser, pour se retrouver dans un cloître, dit des statues votives ou des ex-voto, construit de 1447 à 1452. Les statues votives ont été enlevées en 1785 mais le nom est resté.
Le visiteur attentif, arrivé là par hasard, remarque alors que le cloître est couvert par une verrière et que ses parois sont couvertes de fresques dont la qualité du dessin saute aux yeux. En les voyant, la notion de «valeurs tactiles», chère à Bernard Berenson, vient immédiatement à l’esprit. En cherchant des indications, on ne trouve qu’un panneau en italien avec le nom d’Andrea del Sarto. Alors nous avons fait les recherches nécessaires, et découvert ainsi que ce lieu était l’endroit au monde où on trouvait le plus grand nombre de peintures d’Andrea del Sarto (huit), ainsi que bien d’autres chefs-d’œuvre. Et comme la vocation de VisiMuZ est de vous apporter ces informations pour enrichir vos visites…
Cette basilique a tout d’un musée. Je vous laisse regarder l’histoire de la basilique sur Wikipedia (ici) pour évoquer seulement le cloître des statues votives. La décoration du cloître va s’étaler de 1460 à 1517 environ. Ces fresques, endommagées par les inondations de Florence de 1966, ont été détachées, restaurées puis remises en place.
Les peintures sont, par ordre d’entrée en scène, les œuvres d’Alesso Baldovinetti (1427-1499), de son élève Cosimo Rosselli (1439-1507), puis d’Andrea del Sarto (1486-1531), de son ami et associé de l’époque Franciabigio (1482-1525). Enfin deux élèves d’Andrea, Pontormo (1494-1557) et Rosso Fiorentino (1494-1540) vont trouver ici la notoriété.
La basilique est issue de la fondation en 1233 de l’Ordre mendiant des Servites de Marie par sept marchands florentins, canonisés « comme un seul homme » en 1888 (voir leur histoire ici). Un oratoire avait été installé, mais devenu trop petit, il fut remplacé par la basilique en 1447.
Deux histoires parallèles ont été illustrées dans le cloître. L’une d’elles est dédiée à la vie de Marie, l’autre à celle de Philippe Benizzi. Philippe Benizzi (1233-1285) était un moine, général réformateur de l’Ordre des Servites de Marie, qui refusa la tiare papale en 1269, et à qui il était attribué plusieurs miracles (biographie ici). Il fut canonisé en 1671 mais son culte avait commencé dès sa mort et était très développé à la fin du Quattrocento.
Alesso Baldovinetti se voit d’abord confier en 1460 une Adoration de l’Enfant.
Alesso Baldovinetti, Adoration de l’Enfant, 1460
Puis, en 1475, Cosimo Rosselli peint une première fresque d’un cycle dédié à la vie de Philippe Benizzi. Rappelons que Cosimo Rosselli a ensuite, en 1481, été appelé par le pape, avec Ghirlandaïo, Botticelli, et Perugino, à Rome pour les fresques de la vie de Moïse et celles de la vie de Jésus dans la chapelle Sixtine (voir guide VisiMuZ des musées du Vatican).
Cosimo Rosselli, La Prise d’habits de saint Philippe, 1475
Le cycle fut ensuite interrompu jusqu’en 1509. À cette date, il fut repris par Andrea del Sarto, qui n’avait alors que 23 ans et venait tout juste d’être admis (le 12 décembre 1508) dans la congrégation des peintres.
Devenu très vite célèbre, Andrea a continué à travailler pour les pères de l’ordre des Servites de Marie et a illustré la vie de Philippe Benizzi.
Andrea del Sarto, Philippe Benizzi libère une femme d’un démon, 1509
Andrea del Sarto, Philippe Benizzi guérit un lépreux, 1509
Andrea del Sarto, Les Blasphémateurs punis, 1509-10
Andrea del Sarto – La Mort de Philippe Benizzi, 1509-10
Andrea del Sarto, La Dévotion aux reliques de Philippe Benizzi, 1509-10
Vers 1511, Andrea a peint le Voyage des mages pour faire pendant à l’Adoration de l’Enfant de Baldovinetti.
Andrea del Sarto, Voyage des mages
En 1513-14, il travailla à La Nativité de la Vierge.
Andrea del Sarto, La Nativité de la Vierge
Puis il a été rejoint par Francabiggio pour Les Noces de Marie puis par Pontormo pour La Visitation. Le talent de ce dernier éclate dans cette composition de jeunesse.
Enfin, Rosso Fiorentino exécuta L’Ascension de la Vierge en 1517.
Rosso Fiorentino, L’Ascension de la Vierge
Andrea del Sarto partira en France à l’invitation de François 1er en 1518 et reviendra à Florence à la fin de 1519. Rosso Fiorentino, fera de même en 1530, et il restera en France jusqu’à sa mort en 1540, pour devenir le créateur de la première école de Fontainebleau. Dans un autre cloître de la basilique, le cloître Saint-Luc, patron des peintres (on se souvient du Saint Luc dessinant la Vierge, par Rogier van der Weyden, à Boston ou à l’Ermitage de Saint-Pétersbourg), sont ensevelis dans une tombe commune quinze artistes dont Andrea del Sarto et Pontormo, évoqués plus haut, mais aussi Benvenuto Cellini ou Gianbologna.
Cette visite inopinée, s’est éclairée peu à peu et a révélé toute la richesse du contenu du cloître. Elle illustre assez bien la méthode que nous appliquons dans les guides VisiMuZ : vous permettre de savoir ce qu’il y a à voir, pour rendre votre visite plus riche et plus réussie.
P.S. : quand vous irez à Florence, ne vous limitez pas à ce cloître ! Andrea del Sarto a aussi réalisé La Madone au sac en 1525 dans le grand cloître, Vasari et Pontormo ont encore sévi à l’intérieur de la nef. Mais chut ! Ensuite, vous pourrez voir l’évolution du style d’Andrea avec La Madone des Harpies de 1517 à la galerie des Offices.
Crédits photographiques
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