L’Entrée dans la baie, Agay, matin, J.Baptiste Armand Guillaumin

Guillaumin, L'entrée dans la baie, Agay, matin

L’Entrée dans la baie, Agay, matin, 1901, huile sur toile, 65 x 81 cm, J.Baptiste Armand Guillaumin, collection particulière

Un tableau à retrouver dans l’ebook Sur l’eau par Guy de Maupassant, gratuit au mois de juin 2016, pour vous permettre de découvrir et d’apprécier les ebooks enrichis de VisiMuZ Éditions.

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Maupassant – Sur l'eau – Littérature et Beaux-Arts en numérique

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La Danseuse chez le photographe, Edgar Degas

La Danseuse chez le photographe, Edgar Degas

La Danseuse chez le photographe, 1877-78, hst, 65 x 50 cm, Edgar Degas, musée Pouchkine, Moscou.

Devant nous, une danseuse dans le contre-jour, un parquet, un meuble indistinct sur la droite. Des bandes horizontales sur le plancher, verticales sur la fenêtre dessinant un quadrillage virtuel (pour une mise au carreau ?). Au-delà un vitrage faisant penser à un atelier d’artiste, et derrière les toits et murs de Paris. Si l’artiste ne le disait pas dans le titre, rien ne permettrait d’indiquer que nous sommes dans le studio du photographe.

Mais le peintre éprouve le besoin de nous le dire. Était-il dans le studio du photographe, à dessiner pendant que celui-ci travaillait ? Il a forcément terminé ce tableau à son atelier, on imagine assez mal la jeune danseuse poser longtemps dans cette position. L’art doit il être expression de la réalité ? Question vieille comme la peinture elle-même à laquelle les réponses sont multiples : art idéalisé et lisse des néo-classiques contre réalisme d’un Courbet, le « je peins ce que je vois » d’un Manet, l’art comme expression d’une « Idea » intérieure à l’esprit du peintre dès la fin de la Renaissance et le Maniérisme ? Toutes ses réflexions ont été bouleversées avec l’apparition de la photographie en 1822 et sa diffusion après 1850. On sait maintenant le tournant pris par la peinture au XXe siècle.

Degas lui-même est devenu photographe en 1895-96 et ses pastels postérieurs doivent beaucoup à ces monotypes. Mais avant ? On sait que Degas cherchait en peinture à capturer le mouvement, celui des ballets ou des chevaux ! Est-il fasciné par cette invention qui permet de fixer la pose du modèle ?

Retrouvez la vie et les œuvres de Degas dans sa biographie par Paul Jamot, avec plus de 200 reproductions, chez VisiMuZ.

Signalons pour finir qu’Antoine Terrasse (1928-2013), petit-neveu de Pierre Bonnard, a consacré un livre à « Degas et la photographie », Denoel, 1983.

08/06/2016

Photo wikimedia commons Edgar_Germain_Hilaire_Degas_020 licence CC-PD-Mark UsrEloquence

Le Baiser, 1907-08, Gustav Klimt

Gustav Klimt, Le Baiser

Le Baiser, 1907-08, Gustav Klimt, galerie autrichienne, palais du Belvédère, Vienne.

Combien de tableaux sont aussi mythiques que celui-ci ? Très peu. Il suffit de se promener à Vienne pour voir les nombreux objets qui hantent les échoppes de souvenirs et font la fortune du musée du Belvédère (qui en conséquence interdit la prise de photos, pour des raisons mercantiles). Mais revenons au tableau. C’est l’œuvre la plus mûre et la plus aboutie de la période dorée de l’artiste. Elle est présentée dans une salle au mur tendu de noir qui la met extraordinairement en valeur.

Les motifs géométriques (carrés, triangles, arabesques) ou floraux se retrouvent dans de nombreuses œuvres antérieures (en particulier les frises de Beethoven ou celles du palais Stoclet à Bruxelles). Fritz Novotny écrivait en 1967 : « l’or, comme couleur d’un autre monde, plus précisément comme non-couleur, remplit le tableau de contrastes raffinés entre or mat et or brillant ».

Le tableau est devenu une icône, devant laquelle défilent entre autres des cohortes de touristes asiatiques, cette étape faisant partie de leur tour d’Europe.

En 2014, les participants de Museomix ont créé au MAH de Genève une expérience d’immersion sensorielle dans la couleur des tableaux. Le prototype était intéressant mais incomparable avec l’immersion que certains d’entre nous ont pu vivre pendant l’exposition Klimt-Schiele-Hundertwasser aux « Carrières de lumière » des Baux-de-Provence.

Klimt sur 15 mètres de haut, même en vidéo-projection, cela avait de la g… .

05/06/2016

Photo wikimedia commons Klimt_-_Der_Kuss.jpeg Usr Aavindraa

Coin de plage à Ramsgate, Berthe Morisot

Coin de plage à Ramsgate, 1875, Berthe Morisot

Coin de plage à Ramsgate, 1875, hst, 38 x 46 cm, Berthe Morisot, collection particulière, restée dans la famille de l’artiste.

Quoique son attirance pour Berthe fût très importante, Édouard Manet était déjà marié.

Son jeune frère Eugène eut l’heureuse initiative de demander la main de Mlle Morisot pendant l’été 1874, alors que les familles Manet et Morisot se trouvaient en villégiature à Fécamp. Le mariage a lieu dans l’intimité le 22 décembre et les jeunes mariés partirent en voyage de noces en Angleterre à l’été 1875. Berthe peignit beaucoup à Wight ou comme ici à Ramsgate, à l’embouchure de la Tamise.

Mais était-ce à Ramsgate, ou à Cowes (île de Wight) ? Les experts en débattent toujours.

Le biographe de Berthe, Armand Fourreau, parle de son « talent de peintre des élégances mondaines ». et ajoute : « Coin de plage à Ramsgate … une simple étude, est une page vibrante de lumière mais d’une lumière adoucie et comme voilée légèrement par une brume matinale de chaleur : sur une eau mollement clapotante se balancent, à l’ancre, vapeurs et voiliers dont les fins gréements prestement tracés du bout du pinceau rayent la bande horizontale d’un ciel opalin étalant sa délicate teinte gris de perle au-dessus de la douce émeraude de la mer et du sable gris tendre de la plage où passent d’amusants petits personnages témoignant de l’écriture la plus vive et la plus spirituelle du pinceau, comme cette élégante lady portant robe à tournure avec corsage noir bordé de galons blancs et arborant un chignon d’or surmonté d’un petit chapeau de paille claire, ou cette autre jeune femme, vêtue d’un costume rose et coiffée d’un canotier blanc, qui s’avance un peu plus loin. » À retrouver chez VisiMuZ, bien sûr !

15 ans après Boudin à Deauville et Trouville, Berthe Morisot peint la femme élégante, en plein air, en se souciant de la mode.

Nous ne sommes plus aujourd’hui très sensibles aux aspects de la mode vestimentaire du XIXe siècle, parce que nous ne l’avons pas connue, mais les amateurs de l’époque étaient très attentifs au respect des usages et des modes. Madame Morisot, par son milieu et son extrême sensibilité, était à même de leur offrir la crême de la crème (« The cream of society »).

Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad

Pour l’amour du livre : les liens entre un livre et son lecteur

 

Pour l’amour du livre : les liens entre un livre et son lecteur

Le débat autour de la lecture numérique est très vivant aujourd’hui.

Certains aimeraient opposer le livre papier au livre numérique. Ils nous parlent émotions, toucher, papier, sensualité, odeur. Ces éléments peuvent être pris en compte. Sont-ils primordiaux ? Peut-être pour certains mais dans la plupart des cas, n’achète-t-on pas un livre d’abord pour son contenu ?

Allons au-delà de cette pseudo-opposition.

Nous allons voir qu’il y a en réalité plus de différence en réalité entre une page web, une application et un livre numérique, qu’entre un livre numérique et un livre papier.

Que se passe-t-il quand on aime un livre papier ?

Souvent on repère des passages, on le marque (au crayon pour ne pas l’abîmer), on ajoute des petits post-it sur les pages (les moins soigneux cornent la page) pour retrouver des passages.

On marque son nom sur la première page (ou on colle un ex-libris) pour pouvoir le récupérer quand on le prête. Parfois on en achète un autre exemplaire pour pouvoir le donner à ceux que l’on aime.

Ce livre qui n’avait rien de particulier avant qu’on ne l’ait acheté, lu, apprécié, est devenu un prolongement de notre personnalité.

Alors on le range dans notre bibliothèque, à un endroit précis, pour pouvoir le retrouver facilement.

Georges Perec et Umberto Eco, entre autres, ont écrit de beaux textes sur le rapport que l’on entretient alors avec sa bibliothèque. Ils nous ont aussi expliqué les inconvénients de certains livres, comme les magazines, impossibles à classer, ou les livres lourds, qu’il faut lire debout, sur un lutrin.

Mais ce livre lu, marqué, annoté, classé « d’une façon définitivement provisoire » ou « d’une façon provisoirement définitive »[*] a échappé dès lors complètement à son auteur et à son éditeur. Il fait partie de notre vie. Il nous appartient et nous nous le sommes approprié.

Les Pages web

Lorsqu’on lit une page web, les informations sont stockées sur le serveur du site consulté.

Comment cette page peut-elle alors devenir la nôtre ? On ne peut pas marquer ses passages préférés, on ne peut pas facilement classer ses pages favorites, on ne peut pas regarder une « bibliothèque de pages web ».

Au mieux, on peut l’ajouter à nos « favoris ». Si l’administrateur du site web décide un peu plus tard de changer l’architecture ou le contenu de son site, on se trouve alors sur la fameuse page “Error 404 – not found”, cauchemar de tout lecteur qui se respecte.

La page web appartient à son concepteur, pas à son lecteur.

Les applications (ou « apps »)

Sous ce titre générique fleurissent des réalités très diverses. Il nous faut distinguer pour notre propos a minima les applications-programmes des applications-informations.

Ainsi les applications pour tablettes de Facebook, eBay ou des Pages Jaunes sont des applications « programmes ». Elles fournissent une interface de navigation sensée être plus simple sur un smartphone que l’interface de votre navigateur favori sur PC ou Mac. Les données associées à ces applications se trouvent toujours sur le serveur du site. Elles n’appartiennent pas au lecteur ; il ne peut pas faire une sélection des données qui l’intéressent et la sauvegarder. Comme dans le cas de la page Web, le lecteur ne peut pas garder l’information. Il ne peut que la visualiser, tant que le site ne la détruit pas ou l’archive pas.

Les applications-informations sont celle que l’on retrouve par exemple dans le cas des musées et expositions. Elle contiennent à la fois les programmes (l’ergonomie, la navigation, etc.) et les informations. Le programme et les informations sont stockées sur le dispositif de lecture appartenant au lecteur.

Comme les applications contiennent les programmes, elle sont dépendantes d’un éco-système informatique identifié (aujourd’hui Androïd, iOS, etc.) et ne sont donc pas transférables d’un outil à l’autre. Si vous téléchargez une  app » sur un iPad (iOS), les informations correspondantes ne sont pas visualisables sur votre PC. Idem entre un Mac et une app « Androïd » par exemple.

Plus grave encore, ces applications ne sont pas toujours pérennes. Écrites à un instant t, elles ne sont pas mises à jour et ne fonctionnent plus quelques années après. Ce qui est d’autant plus grave qu’on perd alors aussi l’accès aux informations.

Et même quand vous n’avez pas perdu l’accès aux informations, vous ne pouvez ni classer, ni filtrer les informations qui vous intéressent. Ces informations appartiennent au concepteur de l’application. Vous n’avez au mieux qu’un droit de consultation.

Quelques mots d’introduction au livre numérique

Les éditeurs proposent des livres numériques au format pdf, au format epub 2 ou epub 3.

Le format pdf n’est pas vraiment un format de lecture numérique mais un format d’impression. Un pdf n’est qu’un format papier numérisé. Lire sur un smartphone un livre dit numérique au format pdf est une expérience lecteur absolument déprimante. Adobe, le créateur du format pdf, l’a abandonné pour les livres numériques et propose le format epub depuis 2007.

Pour plus de détails, on peut lire les excellents articles de Jiminy Panoz :
https://jiminy.chapalpanoz.com/reflowable-text-et-fixed-layout/
https://jiminy.chapalpanoz.com/formater-un-livre-numerique/
https://jiminy.chapalpanoz.com/fixed-layout/

« epub » est un format ouvert standardisé pour les livres numériques. Il évolue de manière régulière. Epub 2 est supporté par toutes les liseuses et tablettes actuelles. Epub 3, plus performant, n’est utilisable que sur iBooks d’Apple et Readium de Google. Il est donc à ce jour déconseillé de concevoir un livre au format epub 3 qui ne sera lisible que sur quelques dispositifs.

Dans la suite nous ne considèrerons que les vrais livres numériques, c’est-à-dire ceux au format epub, et de préférence au format redimensionnable (“reflowable layout”).

Les ebooks au format epub

Un ebook au format epub est lu sur un dispositif de lecture au travers d’un matériel, d’un système d’exploitation, et d’un programme de lecture (e-reader).

Les informations qu’il contient (textes, images, éventuellement sons et vidéo) sont stockées sur le dispositif de lecture du lecteur.

Un ebook n’est pas lié à un fabricant d’ordinateurs ou un concepteur de systèmes d’exploitation ou de programmes de lecture. Il est lié à une norme internationale et peut-être lu indifféremment sur tout lecteur (PC, Mac, Androïd, iOS, etc.). Un ebook est pérenne.

Un ebook s’adapte aux habitudes du lecteur (choix de police de taille de caractères, etc.). Mais surtout un ebook est personnalisable par son lecteur. Surlignements, commentaires et annotations sont possibles.

Dans la bibliothèque, l’ebook est classé selon la catégorie définie par le lecteur (et non par le concepteur).

Le lecteur de livres numériques s’approprie alors ses ebooks comme le lecteur de livres papier s’est approprié ses livres[**].

En conclusion, l’ebook vous appartient, tout comme le livre papier, alors qu’une page web ou une application smartphone/tablette appartiendra toujours à son concepteur. L’ebook (d’un roman mais aussi celui d’un catalogue de vente aux enchères, du press-book d’un artiste, d’un livre de voyage ou de photos) n’a donc rien à voir avec une page web sur le même sujet.

Un ebook est rangé, comme un livre papier, dans votre bibliothèque, sans en avoir les inconvénients (place, poids, absence de fonction de recherche, etc.).

Et ensuite, quel plaisir de pouvoir emporter partout sa bibliothèque numérique avec soi !

François Blondel

25/05/2016

[*]. Georges Perec. Penser, classer, Éditions du Seuil, 2003, p. 40.

[**]. Ces avantages sont tellement importants que des programmes commencent à exister pour transformer des pages web en ebooks afin de pouvoir se les approprier. Citons par exemple le « créateur de livres » de wikipedia (dans la colonne de gauche) ou “grabmybooks” , une extension aux navigateurs Firefox et Chrome, qui permet de créer des ebooks à partir de n’importe quelle page web de texte. Pour les ebooks illustrés, voir les solutions de VisiMuZ Services.

Maternité, 1890, Mary Cassatt

Mary Cassatt, Maternité

Maternité, 1890, pastel, 68,6 x 44,4 cm, Mary Cassatt, collection privée.

Un petit clin d’œil pour rendre hommage, avec 24h de retard, aux mamans. Mary Cassatt (1844-1926) a été le seul peintre américain membre des impressionnistes. Elle a travaillé avec Degas, son talent a enchanté le maître et le groupe d’artistes impressionnistes l’invite à exposer avec eux dès la quatrième exposition de 1879. Elle collectionne les estampes japonaises, comme Monet.

Après la mort de sa sœur Lydia en 1882, Mary se tourne de plus en plus vers des portraits de mère et enfant, qui sont devenus son thème de prédilection. Le tableau du jour se retrouve sous la double influence de Degas et de l’art japonais. Degas pour un dessin très abouti et une technique, le pastel, qu’il appréciait énormément, le japonisme pour cette absence de profondeur et de perspective dans le décor du second plan. Cela fait huit ans maintenant que l’artiste s’est tourné vers des portraits de mère et d’enfant mais, en cette année 1890, elle restreint encore ses sujets vers ce qu’on pourrait appeler les Madones laïques ou encore les Madones modernes.

La mère n’est plus Marie, l’enfant n’est plus Jésus, les symboles de la Passion ont été ignorés, mais pour le reste les attitudes, les postures sont des échos des madones italiennes du cinquecento. Mary a alors 46 ans, elle a refusé une demande en mariage, et son amie peintre Berthe Morisot a une fille de 12 ans (Julie Manet).

Le choix de ce thème obsessionnel est-il seulement celui que demandent ses clients ou est-il lié au fait qu’elle n’a pas d’enfant et qu’elle sait qu’elle n’en aura pas ? Dans tous ses tableaux de la période 1890-95, les figures de la mère et l’enfant, sont fusionnelles, et on ne saurait séparer l’un de l’autre.

30/05/2016

Photo wikimedia commons File:Cassatt_Mary_Maternite_1890.jpg Usr File Upload Bot (Cobalty)

Nocturne : bleu et argent – Chelsea, James A. M. Whistler

Nocturne, bleu et argent, Chelsea, James Abbot McNeil Whistler

Nocturne : bleu et argent – Chelsea, 1871, huile sur panneau, 50,2 x 60,8 cm, James Abbott McNeil Whistler, Tate Britain, Londres

Nous vous avions présenté en novembre la Symphonie en blanc, N° 1, du même artiste, avec quelques éléments de biographie [ici].

Bien qu’américain, Whistler vécut à Londres presque toute sa vie et il y suscita la polémique. Le métier impliquait pour les bourgeois de l’époque victorienne qu’on passe de nombreuses heures à fignoler le tableau (ainsi que nous le verrons bientôt avec les préraphaélites) et ce monsieur qui se prétendait artiste ignorait ce principe pour ne se préoccuper que des effets liés à la couleur.

Le célèbre écrivain et critique John Ruskin écrira un peu plus tard (en 1877) que Whistler jetait « un pot de peinture à la face du public », un billet qui sera à l’origine d’un procès intenté par le peintre.

Whistler baptisa ses toiles « Nocturne » par référence à la forme musicale correspondante (célébrée entre autres par Frédéric Chopin), expression du romantisme qui incite à la rêverie et la mélancolie. Notre tableau du jour a été peint en 1871, c’est à dire très peu après le séjour de Pissarro et Monet à Londres. Le peintre montre ici son talent dans l’expression de l’évocation d’une figure, au moyen de quelques traits, et un penchant évident pour l’abstraction. Londres au loin est évoqué avec un effet de miroir appuyé. L’eau est l’élément central, qui occupe les trois-quarts de l’œuvre. Les tons froids utilisés ici font que nos sentiments inclinent dans le sens désiré par le peintre. Ces bleus sont aussi ceux des porcelaines chinoises que Whistler collectionnait avec passion.

En bas au centre, se trouve la signature que l’artiste a adopté à partir de 1869 : un cartouche avec un dessin de papillon. Une autre Nocturne en bleu et argent, également très belle, se trouve dans la collection Winthrop, au Fogg Art Museum de Harvard.

27/05/2016

Photo wikimedia commons James_Abbott_McNeill_Whistler_-_Nocturne-_Blue_and_Silver_-_Chelsea_-_Google_Art_Project Licence CC-PD-Mark Usr DcoetzeeBot

La Montagne Sainte Victoire vue depuis la carrière de Bibemus, Paul Cézanne

La Montagne Sainte Victoire vue depuis la carrière de Bibemus, Paul Cézanne

La Montagne Sainte Victoire vue depuis la carrière de Bibemus, 1897, huile sur toile, 65,1 x 81,3 cm, Paul Cézanne, Baltimore Museum of Art (Maryland)

La Montagne Sainte-Victoire n’est plus seulement le titre d’un tableau, c’est le titre d’une série, qui, pour parodier les séries TV, comporte un certain nombre de Saisons. Les tonalités changent, les points de vue changent, la technique change, seul le motif est identique.

L’artiste qui ne se sentait pas à l’aise ailleurs qu’à Aix-en-Provence a peint le motif près de 80 fois. Tous les grands musées du monde se doivent d’en avoir un exemplaire et on peut dire que c’est le cas. Orsay en a un vrai (donation Pellerin) et un faux (autrefois attribué à Cézanne), Le Metropolitan Museum of Art en a deux, de même que l’Ermitage.

Les carrières de Bibemus sont un site à l’est d’Aix-en-Provence où ont été extraites depuis l’époque romaine et jusqu’en 1885 les pierres qui ont servi à construire la ville. Quand Cézanne y loua un cabanon pour y travailler, entreposer son matériel et y dormir, les carrières n’étaient déjà plus en exploitation et il put y trouver la tranquillité qu’il souhaitait. À l’époque gallo-romaine Aix se nommait Aquae Sextiae, c’est-à-dire les eaux (les nombreuses sources de la ville) de Caïus Sextius, le consul romain fondateur de la ville en 122 av J.C. Le nom de Bibemus tourne alors au calembour (première personne du pluriel du futur du verbe « boire » : “Nous boirons”).

Comme d’habitude chez Cézanne, la perspective traditionnelle est ignorée. Les blocs rocheux du premier plan semblent proches de la montagne alors qu’ils en sont séparés par une vallée. La teinte orangée de la roche s’oppose au vert des arbres et aux bleus et gris pour donner plus de luminosité.

Pour l’anecdote, un roman policier intitulé La Carrière de Cézanne (“Cezanne’s Quarry”, Barbara Corrado Pope, 2008) met en scène un meurtre dans la carrière. Cézanne, le timide exalté, est-il le meurtrier ?

La vie de Cézanne à Aix et ses tableaux sont évidemment à retrouver dans sa biographie chez VisiMuZ.

25/05/2016

Photo wikimedia commons Mont_Sainte-Victoire_Seen_from_the_Bibemus _Quarry_1897_Paul_Cezzane Usr Krscal

Jeune femme aux seins nus, Pierre-Auguste Renoir

Jeune femme aux seins nus, Pierre-Auguste Renoir

Jeune femme aux seins nus, ca 1882 pastel sur papier, 64 x 50,5 cm, Pierre-Auguste Renoir, Ordrupgaard.

Nous vous faisons profiter d’une découverte récente. Ce pastel sur papier de Renoir fait partie de la collection d’Ordrupgaard, un délicieux musée à quelques kilomètres de Copenhague.

Pour ceux qui ont suivi la vie de Renoir (racontée par Ambroise Vollard, parue chez VisiMuZ Éditions, à retrouver ici), ce pastel se situe au retour de son premier voyage en Italie. C’est une époque charnière, Renoir a découvert Raphaël et va changer sa manière. Bientôt il commencera sa période dite « ingresque » ou « aigre ».

En 1881, il a visité Venise, Florence, Rome, Naples et Capri (où il a peint Aline Charigot, avec qui il est parti en voyage et qui deviendra sa femme, dont nous avons parlé ici). À Rome, Renoir a été particulièrement touché par les fresques de la villa farnésine (à retrouver dans la monographie de Raphaël, qui vient de paraître chez VisiMuZ) et par la Fornarina (palais Barberini).

Quand il rentre à Paris, il adopte progressivement une ligne plus définie. On parlerait aujourd’hui de « ligne claire ». Il s’agit encore de portraits très individualisés et non encore de « types » tels qu’on les retrouvera après 1895.

Ici le modèle est sans doute Marie-Clémentine Valadon, ou Maria, son nom de modèle. Marie-Clémentine deviendra plus tard Suzanne. Maria sera un peu plus tard le modèle de Danse à Bougival (1882, Museum of Fine Arts, Boston) et de Danse à la ville (1883, musée d’Orsay).

Pendant ces années 1882-1884, Maria et Aline se sont livrées à une lutte féroce pour garder le cœur du peintre. On sait qu’Aline a gagné. Elle a donné un fils (Pierre) à Auguste en 1885 puis l’a épousé en 1890. Marie-Clémentine a gardé à partir de là une rancune sévère à l’égard de Renoir.

21/05/2016

Photo VisiMuZ

La Jeune femme à la rose (Marguerite), Amedeo Modigliani

La Jeune Fille à la rose (Marguerite), Amedeo Modigliani

La Jeune femme à la rose (Marguerite), 1916, huile sur toile, 65,1 x 46 cm, Amedeo Modigliani, vente Christie’s New York, 12 mai 2016.

1916, une année charnière pour Modigliani. C’est l’année de la rupture avec Béatrice. Mais aussi, après quinze mois de guerre, le marché de l’art reprend de la vigueur. Des expositions s’organisent. Paul Guillaume a envoyé, dès la fin de 1915, 24 œuvres de Modigliani à New York. En mars 1916, chez Germaine Bogard, la sœur du couturier Paul Poiret, sont exposés des dessins de Modigliani, aux côtés des œuvres de Picasso, Léger, Derain ou Matisse. En juin 1916, Modigliani est exposé à Zürich, aux côtés de Picasso et Jean Arp. En juillet, c’est à Paris le salon d’Antin, organisé par André Salmon. Pour toutes ces expositions, il fallait réaliser des tableaux autres que ceux de commande. C’est là qu’intervenaient les modèles professionnels.

Modigliani a réalisé trois portraits de cette jeune femme, et écrit son prénom sur l’un des portraits. Dans le passé, le nom de la sœur de Modigliani (qui s’appelait aussi Margherita) avait été évoqué pour l’identité du modèle. Mais cela ne tenait pas vraiment la route, puisque le dernier voyage de Modigliani à Livourne datait de 1913. De plus, Jeanne Modigliani, élevée ensuite par Margherita après la mort de ses parents, nous a appris que les liens entre le frère et la sœur étaient assez lâches, au moins sur le plan artistique. Enfin, la période à laquelle ce tableau a été réalisé fait pencher également pour un modèle professionnel.

Le 113, boulevard du Montparnasse se situe au croisement avec le boulevard Raspail. Jusqu’en 1914, se tenait là, tous les lundis matin, le marché aux modèles. Les artistes venaient choisir, prendre rendez-vous pour les séances de pose, organiser leur planning. Pour les mêmes raisons historiques qui ont fait que les marchands de vin et charbon étaient auvergnats, les commissionnaires de Drouot savoyards, les modèles féminins étaient en majorité italiennes, ce qui n’était pas pour déplaire à Modigliani. Le « marché » avait été suspendu du fait de la guerre, mais la population de modèles était restée dans le quartier qui leur assurait leur subsistance.

Le style de Modigliani à cette période est en train d’évoluer vers ce qui a été ensuite sa « marque de fabrique ». Un visage stylisé et un cou allongé, des yeux en amande, un nez inspiré par le cubisme. La rose introduit un contraste de couleur dans ce portrait aux tonalités sombres, très évocateur des sculptures de Modigliani de 1912-1913.

Le tableau a aussi fait la une de l’actualité cette semaine. Il a été vendu 12,765 millions de dollars le 12 mai chez Christie’s à New York.

Un portrait à retrouver avec les deux autres de Margherita dans le tome 1 de la biographie de Modigliani, chez VisiMuZ. Nous travaillons sur le tome 2 qui sera là pour les vacances.

18/05/2016

Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad

La Madone Alba, ca 1510, Raphaël

La Madone Alba, Raphaël

La Madone Alba, ca 1510, huile sur panneau transférée sur toile, D : 94,5 cm, Raphaël, National Gallery of Art, Washington (DC), catalogue De Vecchi n° 90.

La Vierge est présentée assise, tenant un livre de la main gauche. Elle tient Jésus sur ses genoux. Le livre, certainement les Évangiles, est une préfiguration de la Passion du Christ. Saint Jean-Baptiste tient sa croix de roseau et Jésus la saisit. Les regards de Marie et des enfants convergent vers cette croix.

La composition pyramidale des trois personnages a été empruntée par Raphaël dès 1507 à Léonard de Vinci. Les violettes symbolisent l’humilité de la Vierge, les ancolies sont symboles de la Passion. On retrouve les mêmes fleurs dans La Belle Jardinière (musée du Louvre).

Les couleurs du premier plan, l’arbre mort (symbole du péché) sur lequel s’adosse la Vierge, annoncent aussi les malheurs à venir pour la Mère de Jésus. A contrario, le fond aux tons pastels annoncerait un avenir radieux, après la Rédemption (rachat des pêchés du monde).
La forme circulaire correspond à ce qu’on appelle un tondo (le nom provient de rotondo).

Comme beaucoup de tableaux de Raphaël, cette Vierge à l’Enfant tient son nom de l’un de ses anciens propriétaires, toujours prestigieux. Le tableau demeura d’abord jusqu’au XVIIe siècle dans l’église des Olivétains de Nocera. En 1686, elle a été vendue à Gaspard, comte-duc de Olivares, marquis del Carpio, vice-roi de Naples et néanmoins Madrilène. Sa fille Catalina en hérita, qui devint ensuite duchesse d’Albe. Après plusieurs générations, le tableau passa ensuite à l’ambassadeur du Danemark en Espagne, puis au tsar Nicolas 1er de Russie en 1836 pour la galerie impériale de l’Ermitage.

Mais son histoire incroyable continue quand, en 1931, le gouvernement des Soviets le met en vente pour se procurer des devises. Andrew Mellon, alors ministre des finances des États-Unis, l’acheta, à titre personnel, aux Soviétiques pour la somme incroyable à l’époque de 1,18 million de dollars. Au-delà du tableau lui-même, il achetait un morceau de l’histoire du Monde. Andrew Mellon le légua ensuite en 1937 à la National Gallery de Washington (DC).

Un tout petit aperçu des 140 tableaux qu’on peut retrouver dans la nouvelle biographie parue aujourd’hui chez VisiMuZ, celle de Raphaël.

14/05/2016

Photo Courtesy The National Gallery of Art, Washington (DC)