Le Chemin de fer, 1873, hst, 93,3 x 111,5 cm , Édouard Manet, National Gallery of Art, Washington
Nous voyons sur ce tableau une jeune femme qui regarde le peintre avec un livre et un petit chien sur les genoux, une enfant (dont nous pouvons supposer qu’elle est sa fille, ou un enfant qu’elle garde), une grille, un nuage de fumée. La scène est paisible et pourtant cette fumée fait penser aux adolescents qu’il s’agit d’un incendie (nous avons fait plusieurs tests). Le titre du tableau donne immédiatement du sens. Les générations nées avant 1960 se souviennent du plaisir d’enfant consistant à regarder les locomotives qui arrivaient en gare en crachant leurs volutes de vapeur, en empoignant les barreaux du pont qui existait généralement au-dessus de la gare.
Le tableau prend tout son sens quand on apprend que le modèle de la jeune femme est Victorine Meurent, l’Olympia de 1863, l’ancien modèle du peintre et peut-être aussi maîtresse (en tout cas c’est ce qu’en dit Zola dans son roman L’Œuvre, paru après la mort de Manet). Ce tableau est le dernier où elle pose pour lui, dix ans après le Déjeuner sur l’herbe et Olympia. Manet vieillit, sa santé est précaire, Victorine va aussi arrêter sa carrière de modèle, et toute la mélancolie de la fin d’une époque se lit dans le regard de la jeune femme. En même temps, le monde change, et Manet, quelque temps avant Monet, peint la modernité et le chemin de fer si présent sans qu’il soit visible. L’enfant, qui représente l’avenir, s’empare à bras-le-corps de cette époque nouvelle.
Retrouvez Manet, Suzanne et Victorine dans la biographie de Manet par Théodore Duret, chez VisiMuZ.
18/04/2016
Photo Courtesy National Gallery of Art, Washington