Portrait de Charlotte Berthier, 1883, hst, 92,1 x 73 cm, Pierre-Auguste Renoir, National Gallery of Art, Washington.
Un portrait de plus par Renoir, direz-vous ! Même s’il est très fin et délicat, avec ce visage de la période ingresque (1883-88), ce fond qui annonce déjà la période nacrée (après 1889) et une composition solide, on peut passer devant sans rien savoir. Qui était Charlotte ?
Car l’histoire est peu connue et seulement depuis quelques années. L’absence de femme dans la vie publique de Gustave Caillebotte (1848-1894), et certaines des peintures où il représentait ses amis avaient fait conclure (un peu hâtivement) qu’il était surtout intéressé par les hommes. Mais Charlotte Berthier, de son vrai nom Anne-Marie Hagen (on ne connaît pas la raison du pseudonyme), vivait avec Gustave Caillebotte depuis le début des années 80, et restera sa compagne jusqu’à sa mort prématurée en 1894. Caillebotte écrit en 1883 dans une lettre à Monet (vente Artcurial, archives Monet, 13 décembre 2006). « Renoir est ici depuis trois semaines ou un mois. Il fait le portrait de Charlotte qui sera très joli. ». À la mort de Caillebotte, Charlotte héritera d’une rente et de la maison du Petit-Gennevilliers (sur le bassin d’Argenteuil). Elle y vivra jusqu’en 1903 avant de la vendre et de s’établir à Monaco. Caillebotte était aussi le mécène des impressionnistes et on peut penser que Renoir a mis tout son temps et son talent pour plaire à son ami et client. La timide et jolie Charlotte, qui pose ici à 25 ans, avait dix ans de moins que Gustave Caillebotte.
Caillebotte sera en 1885 le parrain de Pierre, fils de Pierre-Auguste, et Renoir sera l’exécuteur testamentaire de Caillebotte à sa mort en 1894.
Le tableau a été ensuite vendu à Alexandre Berthier (1883-1918), 4e et dernier prince de Wagram, petit-fils du maréchal Berthier (1753-1815). Alexandre n’avait, malgré son nom, rien à voir avec le modèle (qui avait, rappelons-le, pris un pseudonyme). La célèbre collection impressionniste d’Alexandre alla, après sa mort au front en 1918, à sa sœur, qui la vendit en 1929 à la galerie Knoedler de New York. La toile, vendue ensuite aux États-Unis à Angelika Wertheim Frink (millionnaire connue dans l’histoire pour ses démêlés avec Sigmund Freud) a rejoint la National Gallery of Art en 1969.
20/03/2016
Photo Courtesy of National Gallery of Art, Washington