Le Chant de Mary Blane, Franck Buchser

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Le Chant de Mary Blane, 1870, 103,5 x 154 cm, Franck Buchser, Kunstmuseum Soleure, Suisse.

Nous avons évoqué il y a quelques jours le réalisme de Winslow Homer. Mais à la même époque, il a eu un frère de peinture, non aux États-Unis mais curieusement en Suisse. Franck Buchser (1828-1890) est né et a vécu à Feldbrunnen, commune près de Soleure, entre Berne et Bâle. Entre mai 1866 et 1884, il entreprend de fréquents voyages aux États-Unis, ce qui signifie qu’il est arrivé là-bas juste à la fin de la guerre civile (ou de Sécession). On est très loin des querelles du Salon à Paris, mais les Européens avaient eu connaissance des problèmes soulevés par cette guerre. La Case de l’oncle Tom en particulier a fait beaucoup pour la sensibilisation de l’Ancien Monde.

Buchser a accompagné en 1867 le général Sherman dans la conquête de l’Ouest et la guerre contre les tribus Sioux, Cheyennes, Arapahoes et Kiowas.. Au retour de son périple, il travaille dans son atelier de Washington et exposera ensuite ses œuvres à New York. Le peintre aime montrer les minorités dont la situation est en train de changer. En Amérique, il peint souvent les noirs. De ses voyages au Maroc bien plus tard il rapportera aussi de très beaux portraits de bédouins ou d’esclaves maures. Mais plutôt que chez les peintres orientalistes, il puise chez Courbet un réalisme puissant.

Mary Blane est d’abord un chant populaire des esclaves noirs avant la guerre. Plusieurs versions existent au thème identique. Un homme chante son amour pour Mary Blane. Celle-ci est enlevée, l’homme va la délivrer de ses kidnappeurs et il y a parfois un happy end ou dans d’autres versions la mort de Mary. Ici l’artiste réussit à nous immerger dans cette lumière crue des États du sud. À cette époque, traiter ce type de sujet était à la fois rare et courageux. N’oublions pas qu’il avait été mis fin à l’esclavage seulement 5 ans avant, le 18 décembre 1865. Qui pouvait s’intéresser à un groupe de jeunes noirs réunis autour d’un joueur de banjo, en train de manger pastèque et maïs, tandis que des cochons sauvages errent et que de magnifiques chevaux paissent à l’arrière-plan ? À notre connaissance, seuls Homer et Buchser ont eu cette envie et ce courage. Franck Buchser est un peu un Courbet sous testostérone, qui ne vit pas l’aventure entre Paris, Ornans et La-Tour-de-Peilx mais sur trois continents.

Buchser est méconnu (à tort) hors de Suisse. Une exposition réunissant les grands peintres suisses a eu lieu à Berne et Martigny en 2014-2015 et a permis de voir nombre de ses toiles.

En complément, nous vous proposons de contempler aussi un tableau de Homer, Habillement pour le carnaval, peint 7 ans plus tard, en 1877.

Winslow Homer – Le Carnaval

Habillement pour le carnaval, 1877, hst, 50,8 x 76,2 cm, Winslow Homer, Metropolitan Museum of Art, New York


Une confrontation intéressante entre deux grands peintres.

15/10/2015

Buchser photo wikimedia commons Frank_Buchser_The_Song_of_Mary_Blane_1870 Usr Parpan05
Homer photo VisiMuZ