Long Branch, New Jersey, Winslow Homer

Long Branch, New Jersey, Winslow Homer

Long Branch, New Jersey, 1869, hst, 41 x 55 cm, Winslow Homer, Museum of Fine Arts, Boston.

Entre 1867 et 1869, en France, Boudin a peint Trouville, Monet Sainte-Adresse et Courbet Étretat. Mais Winslow Homer était déjà rentré aux États-Unis. Certes il a passé 10 mois à Paris en 1867, il a exposé au Salon, mais il n’a pas frayé avec la communauté des artistes et des peintres français, ni même avec ses confrères américains. Sargent ou Whistler étaient des peintres de la bourgeoisie, alors que Winslow était le peintre des grands espaces américains.

À Paris, seul le critique Paul Mantz l’avait remarqué. Il écrivit dans la Gazette des Beaux-Arts : « En toute justice, M. Winslow Homer ne devrait pas être ignoré ou oublié[…] C’est une peinture solide et précise, dans la manière de Gérôme, mais sans sa sècheresse ».

Homer avait couvert la guerre de Sécession comme correspondant peu-avant et les querelles parisiano-parisiennes le laissaient de marbre. À l’Exposition universelle de Paris, il a présenté Prisonniers au front. Chaque fois qu’il le pouvait il rejoignait Barbizon et la forêt. Il était dès 1867 un peintre de plein-air.

Rentré aux États-Unis, il se spécialisera dans les scènes au bord de ou sur la mer. Le tableau du jour nous montre une facette rare de son talent. Il peint les élégantes de la haute société de la côte Est en haut des dunes. L’ensemble est solide, la touche vigoureuse et la lumière subtile.

Un rappel : nous sommes ici en 1869. Les Femmes à l’ombrelle de Monet (musée d’Orsay) ne verront le jour qu’en 1886.

L’Amérique commençait avec Homer à prendre son indépendance en matière de peinture par rapport à l’Europe. Winslow Homer est un très grand peintre, tant dans ses toiles que dans ses aquarelles, mais qu’on ne peut malheureusement aller admirer qu’en ayant traversé l’Atlantique, à l’exception d’une toile à Orsay : Nuit d’été, de 1890.

20/04/2016

photo wikimedia commons Winslow_Homer_-_Long_Branch,_New_Jersey.jpg Usr Botaurus

Gloucester Harbor, Winslow Homer

Gloucester Harbor, Winslow Homer

Gloucester Harbor, 1873, hst, 39,4 × 56,8 cm, Winslow Homer, Nelson-Atkins Museum, Kansas City (MO)

Après son apprentissage et son séjour en France, Winslow Homer est rentré à New York. Pour vivre, il est illustrateur de presse. En 1873, il part en vacances dans le Massachusetts à Gloucester. En arrivant, il demande à Mme Merril, l’épouse du gardien de phare, d’accepter de le prendre comme pensionnaire, dans sa maison de Ten-Pounds Island, près du port de Gloucester.

Il va vivre là pendant tout l’été, n’allant en ville que pour aller chercher des toiles et des couleurs, ou pour renouveler son inspiration.

Jouant les voyeurs depuis son promontoire de circonstance, heureux de sa bonne fortune, il réalisa alors nombre d’aquarelles et quelques tableaux pleins de vigueur et de couleurs.

À la vue de cette scène, de ses couleurs hardies, nous devons rappeler un fait important. Nous sommes à l’été 1873, les futurs impressionnistes et leur palette n’entreront en scène que près d’un an plus tard. Homer est aussi révolutionnaire que ses collègues peintres français vont l’être. Un ciel couleur framboise en 1873 ! Vous n’y pensez pas ?

Homer retournera à Gloucester en 1880 et réalisera une autre série d’œuvres ayant pour thème le port de Gloucester. Pour le plaisir, voici une aquarelle de son séjour de 1880.

Winsow Homer, Départ de Gloucester

Départ de Gloucester, ca 1880, aquarelle/papier, 34,3 x 48,3 cm, Winslow Homer, Yale University Art Gallery Newhaven (CT)

De nombreux autres artistes américains vont ensuite imiter Winslow Homer en venant à Gloucester. Ainsi Childe Hassam, que nous vous avons déjà présenté, William Merritt Chase, et Edward Hopper (très régulièrement)

11/12/2015

Photo 1 : wikimedia commons File:Winslow_Homer_-_Gloucester_Harbor_(1873).jpg Usr Botaurus
Photo 2 : wikimedai commons File:Sailing_off_Gloucester_by_Winslow_Homer_circa_1880.jpeg Usr Botaurus

Le Chant de Mary Blane, Franck Buchser

15102015_Frank_Buchser_The_Song_of_Mary_Blane_1870

Le Chant de Mary Blane, 1870, 103,5 x 154 cm, Franck Buchser, Kunstmuseum Soleure, Suisse.

Nous avons évoqué il y a quelques jours le réalisme de Winslow Homer. Mais à la même époque, il a eu un frère de peinture, non aux États-Unis mais curieusement en Suisse. Franck Buchser (1828-1890) est né et a vécu à Feldbrunnen, commune près de Soleure, entre Berne et Bâle. Entre mai 1866 et 1884, il entreprend de fréquents voyages aux États-Unis, ce qui signifie qu’il est arrivé là-bas juste à la fin de la guerre civile (ou de Sécession). On est très loin des querelles du Salon à Paris, mais les Européens avaient eu connaissance des problèmes soulevés par cette guerre. La Case de l’oncle Tom en particulier a fait beaucoup pour la sensibilisation de l’Ancien Monde.

Buchser a accompagné en 1867 le général Sherman dans la conquête de l’Ouest et la guerre contre les tribus Sioux, Cheyennes, Arapahoes et Kiowas.. Au retour de son périple, il travaille dans son atelier de Washington et exposera ensuite ses œuvres à New York. Le peintre aime montrer les minorités dont la situation est en train de changer. En Amérique, il peint souvent les noirs. De ses voyages au Maroc bien plus tard il rapportera aussi de très beaux portraits de bédouins ou d’esclaves maures. Mais plutôt que chez les peintres orientalistes, il puise chez Courbet un réalisme puissant.

Mary Blane est d’abord un chant populaire des esclaves noirs avant la guerre. Plusieurs versions existent au thème identique. Un homme chante son amour pour Mary Blane. Celle-ci est enlevée, l’homme va la délivrer de ses kidnappeurs et il y a parfois un happy end ou dans d’autres versions la mort de Mary. Ici l’artiste réussit à nous immerger dans cette lumière crue des États du sud. À cette époque, traiter ce type de sujet était à la fois rare et courageux. N’oublions pas qu’il avait été mis fin à l’esclavage seulement 5 ans avant, le 18 décembre 1865. Qui pouvait s’intéresser à un groupe de jeunes noirs réunis autour d’un joueur de banjo, en train de manger pastèque et maïs, tandis que des cochons sauvages errent et que de magnifiques chevaux paissent à l’arrière-plan ? À notre connaissance, seuls Homer et Buchser ont eu cette envie et ce courage. Franck Buchser est un peu un Courbet sous testostérone, qui ne vit pas l’aventure entre Paris, Ornans et La-Tour-de-Peilx mais sur trois continents.

Buchser est méconnu (à tort) hors de Suisse. Une exposition réunissant les grands peintres suisses a eu lieu à Berne et Martigny en 2014-2015 et a permis de voir nombre de ses toiles.

En complément, nous vous proposons de contempler aussi un tableau de Homer, Habillement pour le carnaval, peint 7 ans plus tard, en 1877.

Winslow Homer – Le Carnaval

Habillement pour le carnaval, 1877, hst, 50,8 x 76,2 cm, Winslow Homer, Metropolitan Museum of Art, New York


Une confrontation intéressante entre deux grands peintres.

15/10/2015

Buchser photo wikimedia commons Frank_Buchser_The_Song_of_Mary_Blane_1870 Usr Parpan05
Homer photo VisiMuZ

Automne, Winslow Homer

12102015 Winslow Homer – Automne

Automne, 1877, 97,1 x 58,9 cm, Winslow Homer, National Gallery of Art, Washington (DC).

Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer Winslow Homer (1836-1910), ce grand peintre de Boston, qui a suivi le front de la guerre civile entre 1862 et 1865, puis vint passer un an à peindre en France en 1867. À partir des années 1870, sa manière s’affirme. Réaliste, proche par certains côtés de Courbet et Manet, il puise ses sujets dans la vie quotidienne et dans les bords de mer.

Automne fait partie d’une série de tableaux comme Rab et les jeunes filles (The Parthenon, Nashville) ou encore Le Ramassage des feuilles d’automne (Cooper Hewitt Museum, New York) dans laquelle les feuilles d’érable flamboyantes en cette mi-octobre jouent un rôle déterminant.

La même année, James Tissot (1836-1902), son exact contemporain, a peint un tableau montrant une jeune femme élégante en noir sur un fond de feuilles oranges (Octobre, 216 x 108,7 cm, musée des Beaux-Arts de Montréal).

James Tissot - Octobre

Comme souvent pour les tableaux de cette période, c’est Kathleen Newton, la compagne de James, qui campe cette jolie jeune femme qui dévoile sa cheville.

Comment les deux hommes ont-ils pu, l’un à Londres, l’autre à New York avoir une même idée la même année ? Se connaissaient-ils ? Certainement. Correspondaient-ils ? Nous n’en savons rien.

Homer n’avait pas coupé tous les liens avec l’Europe. Il enverra de nombreuses toiles à l’Exposition universelle de Paris en 1878, puis vivra 2 ans en Angleterre, où se trouvait alors encore Tissot, au début des années 1880.

12/10/2015

Photo Homer Courtesy The National Gallery of Art, Washington (DC)
Photo Tissot Courtesy The Athenaeum, rocsdad