Jeune Femme à la cruche, Édouard Manet

Suzanne Manet à la cruche

Jeune Femme à la cruche, ca 1859, Édouard Manet, 56 x 47,2 cm, Ordrupgaard, catalogue Orienti n° 21.

Cette jolie jeune femme n’est autre que Suzanne Leenhoff, qui deviendra la femme d’Édouard Manet en 1863. Né en 1830, elle était hollandaise, vivait à Paris, gagnait sa vie comme professeur de piano, et avait été employée dès 1849 par les parents Manet pour donner des leçons de piano à leurs trois fils.

Elle avait donné naissance le 29 janvier 1852, à un fils, Léon Édouard. Manet en devint le parrain, lors de son baptême selon le rite protestant (Édouard Manet était catholique) en 1855. Durant les vingt années qui suivirent, Léon fut toujours présenté comme le jeune frère de Suzanne.

Des doutes subsistent toujours sur le père de Léon. S’agissait-il d’Auguste Manet, le père d’Édouard, dont on sait qu’il connut bibliquement la jeune femme, ou d’Édouard lui-même. Et Suzanne elle-même le savait-elle ?

L’époque de la réalisation de notre tableau est contemporaine de la décision de Suzanne et d’Édouard d’habiter ensemble. Ils se marièrent ensuite en 1863, un an après la mort d’Auguste Manet, figure tutélaire qui jetait une ombre sur le bonheur du couple.

Suzanne a les yeux baissés, ce qui convient bien à sa nature timide et réservée, certains disaient placide. À l’occasion du mariage d’Édouard et Suzanne en Hollande, Baudelaire écrira à son ami Carjat, le 8 octobre 1863 : « Manet vient de m’annoncer la nouvelle la plus inattendue. Il part ce soir pour la Hollande, d’où il ramènera sa femme. Il a cependant quelques excuses ; car il paraît que sa femme est belle, très bonne et très grande musicienne. Tant de trésors dans une seule personne, n’est-ce pas monstrueux ? »

Les historiens pensent qu’il s’agit ici d’un portrait de fiançailles, une tradition qui remonte à la Renaissance. Manet est encore dans une phase d’expérimentation. Trois ans avant, il a copié la Vénus d’Urbin de Titien à Florence. Il est encore dans une phase italianisante avant sa période hispanisante des années 1860.

Ce portrait reprend certains des principes du portrait de femme (épouse ou courtisane) que Titien, Lorenzo Lotto et Palma le vieux ont créé au début du XVIe siècle à Venise. Dans le portrait de Manet, le blond vénitien de la chevelure répond à la cruche, à la coupe et au paysage.

Sibylle, Palma le Vieux

Sibylle, ca 1522-24, huile sur panneau, 74,3 x 55,1 cm, Palma le Vieux, collection royale, Buckingham Palace, Londres

La fenêtre ouverte sur le paysage avec des montagnes bleues est un autre emprunt à Titien (ainsi qu’aux primitifs flamands mais ceux-ci privilégiaient plutôt un paysage plus urbain). La pose de la jeune femme est beaucoup plus dynamique dans le tableau de Manet.

12052016_Titien_Isabelle_Prado

L’Impératrice Isabelle du Portugal, 1548, huile sur toile, 117 x 98 cm, Titien, musée du Prado, Madrid

Notre tableau du jour est inachevé, un grand classique pour Manet, qui sera ainsi critiqué de manière posthume en 1886 par Zola dans son roman L’Œuvre. Si le paysage, la coupe et la cruche sont juste esquissés, la tête et le bras gauche de la jeune femme (entre autres…) sont remarquables. Tel quel, il s’agit d’un délicieux portrait de Suzanne, dans toute la splendeur de ses presque 30 ans. Suzanne a gardé ce tableau jusqu’en 1893, dix ans après la mort de son mari.

L’histoire de Manet et de la révolution qu’il introduisit en peinture sont à retrouver dans sa biographie par Théodore Duret, chez VisiMuZ.

12/05/2016

Photo 1 : Courtesy The Athenaeum, Usr : rocsdad
Photo 2 : Courtesy The Athenaeum, Usr : kohn1fox
Photo 3 : wikimedia commons File:Isabella_of_Portugal_by_Titian.jpg Usr : Escarlati.

Le Chemin de fer, Édouard Manet

Le Chemin de fer, Édouard Manet

Le Chemin de fer, 1873, hst, 93,3 x 111,5 cm , Édouard Manet, National Gallery of Art, Washington

Nous voyons sur ce tableau une jeune femme qui regarde le peintre avec un livre et un petit chien sur les genoux, une enfant (dont nous pouvons supposer qu’elle est sa fille, ou un enfant qu’elle garde), une grille, un nuage de fumée. La scène est paisible et pourtant cette fumée fait penser aux adolescents qu’il s’agit d’un incendie (nous avons fait plusieurs tests). Le titre du tableau donne immédiatement du sens. Les générations nées avant 1960 se souviennent du plaisir d’enfant consistant à regarder les locomotives qui arrivaient en gare en crachant leurs volutes de vapeur, en empoignant les barreaux du pont qui existait généralement au-dessus de la gare.

Le tableau prend tout son sens quand on apprend que le modèle de la jeune femme est Victorine Meurent, l’Olympia de 1863, l’ancien modèle du peintre et peut-être aussi maîtresse (en tout cas c’est ce qu’en dit Zola dans son roman L’Œuvre, paru après la mort de Manet). Ce tableau est le dernier où elle pose pour lui, dix ans après le Déjeuner sur l’herbe et Olympia. Manet vieillit, sa santé est précaire, Victorine va aussi arrêter sa carrière de modèle, et toute la mélancolie de la fin d’une époque se lit dans le regard de la jeune femme. En même temps, le monde change, et Manet, quelque temps avant Monet, peint la modernité et le chemin de fer si présent sans qu’il soit visible. L’enfant, qui représente l’avenir, s’empare à bras-le-corps de cette époque nouvelle.

Retrouvez Manet, Suzanne et Victorine dans la biographie de Manet par Théodore Duret, chez VisiMuZ.

18/04/2016

Photo Courtesy National Gallery of Art, Washington

Le Grand Canal à Venise, Édouard Manet

Le Grand Canal de Venise, Édouard Manet

Le Grand Canal à Venise, 1875, hst, 58,7 x 71,5 cm, Édouard Manet, Shelburne Museum, Shelburne (VT)

Certains tableaux d’Édouard Manet sont tellement entrés dans notre univers pictural quotidien et nos souvenirs qu’on a du mal à imaginer à quel point Manet était révolutionnaire à son époque. Le Déjeuner sur l’herbe (1863), Olympia (1863), ou encore Le Fifre (1866) sont devenus des icônes et ne nous étonnent même plus.

Un peu avant 1870, Manet rencontre Monet. Il va travailler chez celui qui est devenu son ami en 1873 à Argenteuil. Il abandonne son « jus de pruneau » qu’il a hérité de Velázquez et Goya. Il se met à la peinture de plein-air et à des bleus puissants, qui viennent remplacer les bruns et les noirs de jadis.

Au passage, Manet critique Renoir. Ce dernier l’a raconté dans la biographie de Renoir par Vollard.

« Quand je fus parti, Manet s’adressant à Claude Monet : “ Vous qui êtes l’ami de Renoir, vous devriez lui conseiller de renoncer à la peinture ! Vous voyez vous-même comme c’est peu son affaire !” »

Après En Bateau et Argenteuil en 1874, « étant allé en 1875 faire un voyage à Venise, il en rapporta deux toiles de plein air. Le motif lui avait été fourni par les poteaux de couleurs vives, placés sur les canaux, devant la porte d’eau de certains palais. » raconte Théodore Duret.

Malheureusement pour nous, visiteurs des musées de France, les deux toiles vénitiennes sont aux États-Unis, l’une dans le Vermont, l’autre à San Francisco. Mais quelle évolution !

En 1875, l’impressionnisme n’est né que depuis un an. Et pourtant, le traitement de l’eau au premier plan et celui des façades de l’arrière-plan sont révolutionnaires. La lumière, mais aussi les harmonies de couleurs, les contrastes, avec la tache noire de la gondole au centre, les touches qui annoncent le néo-impressionnisme qui naîtra 10 ans plus tard, après la mort de Manet.

Pour le plaisir, voici la seconde des toiles rapportées par Manet de Venise.

Le Grand Canal, Venise. Édouard Manet

Le Grand Canal à Venise, 1875, hst, 57 x 48 cm, Édouard Manet, Provident Securities Company, San Francisco

Deux parmi tous les tableaux de la biographie de Manet, chez VisiMuZ évidemment, à retrouver ici.

29/01/2015

photo 1 et 2 wikimedia commons
File:Edouard_Manet,_Le_Grand_Canal_%C3%A0_Venise.jpg Usr Paris 16
File:Edouard_Manet_-_Grand_Canal_%C3%A0_Venise_%281874%29.jpg Usr Eloquence

Mademoiselle Isabelle Lemonnier tenant son chapeau, Édouard Manet

Mademoiselle Isabelle  Lemonnier tenant son chapeau, Édouard Manet

Mademoiselle Isabelle Lemonnier tenant son chapeau, ca 1879-80, hst, 101,8 x 81,5 cm, Édouard Manet, musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.

Manet était un homme assez fascinant. Né en 1832, il a donc 47 ans en 1879, il est célèbre. Et cependant il continue à suivre encore des jeunes femmes sur les grands boulevards, et à les inviter à poser dans son atelier. À d’autres moments, il profite de sa notoriété pour faire de même dans les soirées bourgeoises dans lesquelles il est invité.

Il a eu dans les années 1879-1882 un faible particulier pour mademoiselle Isabelle Lemonnier. Pour le nombre de portraits réalisés par Manet, Isabelle obtient la deuxième place après Berthe Morisot. Elle était la fille d’un grand bijoutier du boulevard des Italiens et de la place Vendôme, fournisseur de la cour impériale et de l’impératrice sous le second Empire.

Les lecteurs des livres de VisiMuZ ont souvent rencontré sa sœur aînée Marguerite, qui avait épousé l’éditeur Georges Charpentier. Les soirées de madame Charpentier étaient à cette époque les plus courues de Paris. Georges Charpentier a commandé de nombreuses toiles à Renoir, ou encore a aidé Sisley quand il n’avait plus un sou pour faire son déménagement.

Isabelle (1857-1926) était la jolie petite sœur. Elle a dû se sentir flattée d’être ainsi remarquée par un peintre célèbre, mais ne pouvait souhaiter qu’un peu d’attention mondaine. Manet savait de son côté que tout les séparait : l’âge, les convenances ou encore sa maladie, suite d’une syphilis contractée dans sa jeunesse.

Durant l’été 80, Manet atteint par le mal qui l’emportera 3 ans plus tard, part se soigner à Bellevue. Là, il s’ennuie et, grand seigneur aussi bien que cœur d’artichaut, il écrit à son modèle préféré des lettres ornées de dessins aquarellés, somptueux, (voir un exemple ici) et de quatrains… assez ridicules.

Ainsi celui-ci, à retrouver en version originale ici :

« À Isabelle,

Cette mirabelle,

Et la plus belle,

C’est Isabelle. »

Alors on imagine l’ami Édouard chantant avec les Inconnus « Isabelle a les yeux bleus… ». Plus sérieusement, citons Étienne Moreau-Nélaton, qui, dans son Manet raconté par lui-même (Paris, 1926, t.II, p. 70) raconte cet épisode.

« Pendant son séjour à Bellevue, sa pensée s’envole sans cesse vers elle, et se confie à de courtes missives, ornées de petites aquarelles d’un goût exquis : tantôt une fleur, tantôt un fruit, tantôt un portrait de Zizi, la chatte bien-aimée de la maison, ou celui de la jeune personne elle-même, esquissée d’idée, pendant qu’elle villégiature à Luc-sur-mer, une fois avec sa toilette de plage, une autre fois avec le costume qui convient pour piquer une tête dans les flots. Le ton de ces billets est celui de la conversation, plein d’abandon et d’enjouement. »

Mais venons-en à notre tableau du jour. Un fort contraste existe entre la manière de la tête, très poussée, reprise à de multiples reprises, et la spontanéité qui ressort de la touche esquissée des vêtements ou du fond.
Après différents propriétaires prestigieux, le tableau est entré dans les années 1920 dans la collection de l’industriel Otto Krebs à Holzdorf (près de Weimar). En 1945, le domaine de Holzdorf est libéré par l’Armée rouge et la collection va disparaître pendant 50 ans. En 1995, les Soviétiques annoncent qu’en fait elle avait été transférée à Leningrad au titre des « réparations de guerre ». Une exposition est organisée en 1996-97 au musée de l’Ermitage et le portrait de mademoiselle Lemonnier fait alors partie de ce qui est pudiquement nommé par la Russie les « Trésors retrouvés ». On peut aller le voir maintenant au 2e étage du musée.

Vous pourrez aussi retrouver par exemple d’autres portraits d’Isabelle :
À Copenhague :

Mademoiselle Lemonnier Édouard Manet

Isabelle Lemonnier au fichu blanc, ca 1879-80, hst, 86,5 x 63,5 cm, Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague

À Dallas (TX) :
Mademoiselle Lemonnier au manchon, Édouard Manet

Mademoiselle Lemonnier au manchon, ca 1879-80, hst, 91,5 x 73 cm, Dallas Museum of Art, Dallas (TX)

ou encore à Philadelphie (non reproduit), et enfin dans des collections privées comme ce dernier portrait, vendu la dernière fois en 2002, pour 1,654 millions de Livres Sterling.

Isabelle Lemonnier en robe de bal, Édouard Manet

Portrait d’Isabelle Lemonnier en robe de bal, ca 1879-80, hst, 91,5 x 73 cm, collection particulière (TX)

et bien sûr dans la biographie de Manet par Duret, chez VisiMuZ, ICI.

09/12/2015

photos 1 – wikimedia commons File:Édouard_Manet_-_Isabelle_Lemonnier_le_Chapeau_%C3%A1_la_Main.jpg Usr Rlbberlin
2 – wikimedia commons File:Mademoiselle_Isabelle_Lemonnier_by_Édouard_Manet,_1879-1882_-_Ny_Carlsberg_Glyptotek_-_Copenhagen_-_DSC09422.JPG Usr Daderot
3 – wikimedia commons File:Isabelle_Lemonnier_with_a_Muff.jpg Usr Rlbberlin
4 – wikimedia commons File:Édouard_Manet_-_Portrait_de_Mademoiselle_Isabelle_Lemonnier.jpg Usr Rlbberlin

Nana, Édouard Manet

Nana, Édouard Manet

Nana, 1877, Édouard Manet, Kunsthalle Hambourg

Théodore Duret a raconté en détail les combats de Manet avec le jury du Salon. Malgré sa grande renommée, malgré ses efforts pour être agréé, Manet va encore en 1877 être victime d’une cabale. Il présentait au Salon deux portraits : Portrait de M. Faure, dans le rôle d’Hamlet et Nana.

« Nana, d’après le roman d’Émile Zola représentait une jeune femme à sa toilette, en corset et en jupon, à même de se pomponner. Jusque-là il n’offrait rien qui pût effaroucher et c’était un personnage accessoire qui, en lui donnant sa signification, avait amené le jury à l’exclure. Manet avait peint, sur un côté de la toile, contemplant la toilette de la jeune femme, un monsieur en habit noir, assis le chapeau sur la tête. Par ce personnage et le détail du chapeau, la femme était déterminée ; sans qu’on eût besoin d’explications, on voyait qu’on avait affaire à une courtisane. Manet qui voulait peindre la vie sous tous ses aspects, qui cherchait à la rendre la plus vraie possible, avait trouvé moyen, par l’introduction auprès d’une femme d’un personnage masculin d’ailleurs inactif, d’établir un intérieur de courtisane. C’était un des côtés de la vie de plaisir qu’il rendait, mais à l’aide d’un artifice si simple et si tranquille, que l’ensemble n’avait rien d’offensant.

On avait devant soi une œuvre d’art à juger uniquement comme telle et à ceux qui eussent voulu la considérer d’un autre point de vue, on pouvait dire : Honni soit qui mal y pense. Car jamais Manet n’a fait autre chose que de peindre, sans sous-entendu, les scènes conçues franchement, pour exister comme œuvres d’art. Quand on a voulu trouver dans son Déjeuner sur l’herbe, dans son Olympia ou dans sa Nana certaines intentions, ce sont simplement les accusateurs qui tiraient d’eux l’idée malsaine qu’il n’avait jamais eue. Lorsqu’on compare en particulier cette Nana aux nombreuses représentations de Joseph et de Putiphar, de Suzanne et des vieillards, de nymphes et de satyres, peintes par les grands maîtres et placées dans les musées, on reconnaît qu’elle est à côté d’une réserve parfaite. Mais le temps est encore ici un élément essentiel. Après la mort de leurs auteurs, les audaces s’apaisent et se font accepter, tandis que l’exposition tranquille de simples réalités, au moment où elle se produit, paraît offensante. Toujours est-il que le jury du Salon de 1877 se refusait à montrer une courtisane, qu’on eût pu prendre pour une vertu, en comparaison de certaines dames tenues dans les musées. Il est présumable aussi que le jury n’y regardait pas de si près et que Nana lui offrant un prétexte de refus, il s’empressait de le saisir pour bannir, encore une fois, un tableau de Manet. »

On retrouvera tout Manet dans sa biographie par Duret, chez VisiMuZ évidemment, avec 140 tableaux supplémentaires.

Ajoutons que le modèle qui a posé pour ce tableau était Henriette Hauser, une actrice de boulevard et demi-mondaine, surnommée « Citron ». Elle était en effet la maîtresse en titre du prince Guillaume d’Orange, dit aussi « Wiwill », héritier de la couronne des Pays-Bas, qui menait à Paris une vie très agitée et mourut à 38 ans en 1879.

Et parce qu’en peinture tout est en relation avec tout, le roman Nana a été adapté au cinéma dès 1926 par Jean Renoir, avec dans le rôle principal sa femme Catherine Hessling, nom de cinéma d’Andrée ou « Dédée » Heuschling, l’un des derniers modèles – 1915-1919 – de baigneuses de Pierre-Auguste Renoir. Andrée (1900-1979) était une jeune fille que lui avait envoyée Matisse. Ce dernier pensait, à juste titre, que son physique et sa peau « qui ne repoussait pas la lumière » plairaient à Renoir.

28/10/2015

Dim 150 x 116 cm
Photo wikimedia commons Edouard_Manet_037.jpg Usr Eloquence

16/09/2015 Mlle V… en costume d’espada, Édouard Manet

Manet, Mlle V… en costume d'espada

Mademoiselle V… en costume d’espada, 1862, Édouard Manet, Metropolitan Museum of Art, New York

V… pour Victorine. Citons d’abord Théodore Duret, le biographe et l’ami de Manet [dans sa biographie, éditée par VisiMuZ].

«  Victorine Meurent était une jeune fille que Manet avait rencontrée, par hasard, au milieu de la foule, dans une salle, au Palais de Justice. Il avait été frappé de son aspect original et de sa manière d’être tranchée. L’ayant fait venir à son atelier, il avait d’abord peint d’elle cette tête [Museum of Fine Arts, Boston]. Puis il l’avait utilisée, comme modèle, dans deux œuvres, La Chanteuse des rues[Boston] et Mlle V… en costume d’espada. À partir de ce moment, elle était devenue son modèle préféré et tous ceux qui, entre les années 1862 et 1875, ont connu Manet et fréquenté son atelier, ont connu Victorine. Elle lui a aussi servi pour la femme du Déjeuner sur l’herbe, pour l’Olympia, la Jeune femme du Salon de 1868 [La Femme au perroquet au Met], la Joueuse de guitare, la femme en bleu du Chemin de fer. »

Victorine va vivre un moment avec un ami de Manet, le peintre belge Alfred Stevens (1823-1906), poser aussi pour lui (Le Sphinx parisien, 1867), puis sa carrière de modèle terminée, va se mettre à la peinture, et sera reçue au Salon. Elle vivra ensuite discrètement à Colombes jusqu’à sa mort en 1927, dans une toute autre époque.

Victorine, ni grisette, ni lorette, ni cocotte, selon la classification en usage à l’époque, est d’abord un exemple de femme libre, qui montre fièrement son corps (et celui-ci n’est pas du tout conforme aux canons du Second Empire) et vit sa vie, sans se soucier du qu’en dira-ton.

L’espagnolisme de Manet dans les années 60 ne lui était pas venu par la fréquentation de Velasquez et de Goya. Citons Duret toujours : « S’il était allé tout de suite visiter les musées de Hollande et d’Allemagne, et étudier les Italiens chez eux, il ne devait aller voir les Espagnols à Madrid qu’en 1865, alors que sa personnalité serait pleinement développée. Les premiers tableaux consacrés à des sujets espagnols lui ont été suggérés par la vue de chanteurs et de danseurs, venus en troupe à Paris. Séduit par leur originalité, il avait ressenti l’envie de les peindre. » Il s’est servi alors des accessoires qu’ils avaient laissés pour habiller ses modèles. Dans une corrida, le mozo de espadas ou valet d’épées est l’assistant personnel et exclusif du matador.

Dim : 165,1 x 127,6 cm
Photo VisiMuZ

03/09/2015 La Sultane ou Jeune femme en costume oriental, Édouard Manet

Édouard Manet - Sultane

• La Sultane ou Jeune femme en costume oriental, ca 1871 et 1876, Édouard Manet, fondation Bührle, Zürich.
Cette « Jeune femme en costume oriental » est tout à fait particulière dans l’œuvre de Manet. Les influences du peintre étaient plus souvent espagnoles, hollandaises et enfin japonaises. À l’époque où le Tout-Paris bruissait des charmes de l’Orient, de Gérôme à Renoir, à la suite de Delacroix, Manet s’est tenu à l’écart de cette mode liée à l’Algérie (déclarée territoire français depuis 1848) et aux harems ottomans fantasmés. À l’écart… sauf dans le cas de notre tableau du jour qui reste mystérieux. Le modèle est resté inconnu. S’agissait-il d’une de ces conquêtes que Manet faisait sur les Boulevards, ou d’une bourgeoise délurée lui ayant demandé son portrait ? Cette dernière hypothèse est peu crédible, car Manet a mis en vente le tableau (500 francs) puis l’a donné au critique Adrien Marx.
Un tableau à retrouver avec d’autres tableaux de charme du peintre dans sa biographie par Théodore Duret, chez VisiMuZ bien sûr.
Retrouvez ici l’Histoire d’Édouard Manet et de son œuvre !

Dim : 96 x 74,5 cm Photo commons Edouard_Manet_035.jpg Usr Eloquence

Note en passant : vu il y a quelques semaines à Orsay le beau et triste Angelina du même Manet, arrivé au musée du Luxembourg dès 1894 avec la donation Caillebotte. Mais aucun cartel n’indiquait le titre, le peintre, l’année. Cet oubli a eu au moins un avantage. Personne devant le tableau, dans une salle pourtant surpeuplée. L’art n’est-il parfois qu’une question de noms ?

Édouard Manet : la biographie enrichie

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HISTOIRE DE ÉDOUARD MANET ET DE SON ŒUVRE

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À propos de la collection VisiLiFe

Cette collection de livres numériques est une première. Pour chaque ouvrage, le texte intégral de l’auteur a été repris en ajoutant au sein du texte la reproduction des œuvres chaque fois que l’auteur les évoque, ainsi que des commentaires. C’est une nouvelle formule qui rend beaucoup plus attrayante et pédagogique la forme de la biographie d’artiste.

Les livres relatifs à l’art se partageaient jusqu’alors entre :
– d’une part les biographies et les études, qui donnent des éléments assez complets relatifs à la vie de l’artiste et/ou à son œuvre, mais dont l’’image est absente ou au mieux réduite à la portion congrue.
– d’autre part les « Beaux-Livres » au prix souvent élevé, à l’iconographie abondante mais au texte souvent quelconque.
Les livres VisiLiFe de VisiMuZ réconcilient les deux mondes. Les auteurs ont été choisis soigneusement. Ils sont les auteurs de référence pour les artistes concernés et ont été les témoins des évènements qu’ils racontent.
Les reproductions de tableaux sont insérées dans le texte à l’endroit où l’auteur les évoque. Il s’agit d’illustrer immédiatement ce qui est décrit par l’auteur, sans avoir besoin de se remémorer les œuvres (au mieux) ou de faire des recherches complexes (au pire) pour comprendre le texte de l’auteur.
L’édition a été enrichie également de commentaires pour des anecdotes supplémentaires, et d’une localisation pour permettre au lecteur d’aller visiter les musées dans lesquels se trouvent ces œuvres.

À la fin du livre toutes les œuvres en plein écran sont consultables sous forme de diaporama.
VisiLiFe permet ainsi aussi à ses lecteurs de se constituer une photothèque des œuvres de l’artiste.
Si des auteurs annexes (peintres, sculpteurs) sont illustrés dans l’ouvrage, leur biographie est consultable (en mode connecté) sur wikipedia par simple tap.

C’est l’occasion de se constituer facilement une bibliothèque à l’iconographie somptueuse.

À propos de VisiMuZ

VisiMuZ Éditions est une jeune maison d’édition exclusivement numérique dédiée au monde de l’Art.
Sa mission est de profiter des atouts du numérique pour rendre les ouvrages d’art, plus agréables à lire, plus ludiques, pour une expérience de lecture plus riche et un plaisir plus grand.

À propos de la biographie de Manet et de son auteur

Son auteur est Théodore Duret (1838-1927), écrivain, journaliste, critique d’art, collectionneur, grand voyageur. Il a été aussi le premier défenseur des Impressionnistes. Il en a écrit l’histoire, ainsi que les biographies de ses amis Courbet, Manet, Whistler, celles de Van Gogh, Lautrec et Renoir. Ses ouvrages font référence et ont été réédités plusieurs fois. Dans un style très moderne, mêlant l’histoire, l’anecdote, et la critique d’art, il nous fait entrer de plain-pied dans la vie et l’œuvre de Manet.

Théodore Duret était issu d’une famille de riches négociants en cognac. Sa rencontre avec l’art a fait partie des hasards de la vie.
En 1862, il n’avait alors que vingt-quatre ans, il rencontre Gustave Courbet, venu peindre à Saintes. C’est le début d’une amitié profonde. Le même hasard va lui faire rencontrer Manet en 1865 dans un restaurant madrilène. Deuxième amitié indéfectible. Elles vont l’amener à fréquenter très régulièrement le café Guerbois entre 1865 et 1870 et lui permettre alors de rencontrer tous les peintres.

Lorsqu’il écrit Les Peintres français en 1867, avec une intuition rare, il n’hésite pas à donner à Courbet et Manet autant de place qu’à Ingres, un texte plus important que celui dévolu à Corot ou Millet, alors que Meissonier, vedette de l’époque, n’a droit qu’à quelques lignes.
En 1871-72, il fait un tour du monde avec Henri Cernuschi et en a rapporté une collection d’estampes japonaises qui va lancer la mode du japonisme dans l’art français. Il publie en 1874 Voyage en Asie : le Japon, la Chine, la Mongolie, Java, Ceylan, l’Inde qui influencera plus tard en 1886 profondément Vincent van Gogh.
Seul contre tout Paris, il a soutenu les premiers essais des impressionnistes et publie dès 1878 la première Histoire des Impressionnistes, constamment rééditée par la suite.

Son activité trépidante ne cessera qu’avec sa mort à 89 ans en 1927.

Table des matières et contenu de l’extrait gratuit (en bleu)

Introduction
L’auteur
L’édition enrichie de VisiMuZ
I. ANNÉES DE JEUNESSE
II. DANS L’ATELIER DE COUTURE
III. LES PREMIÈRES ŒUVRES
IV. LE DÉJEUNER SUR L’HERBE
V. L’OLYMPIA

VI. L’EXPOSITION PARTICULIÈRE DE 1867
VII. DE 1868 À 1871

VIII. LE BON BOCK
IX. LES PORTRAITS
X. LE PLEIN AIR
XI. L’ŒUVRE GRAVÉE
XII. LES DESSINS ET LES PASTELS
XIII. LES DERNIÈRES ANNÉES
XIV. APRÈS LA MORT
XV. EN 1919
QUELQUES TABLEAUX EN COMPLÉMENT
Quelques fleurs et autres natures mortes
Un peu de charme
Portraits mondains ou amicaux

Notes de l’auteur et notes de l’éditeur
Localisation des peintures et pastels cités
Bibliographie
Planches

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