Parution de Suzanne Valadon, la liberté sans concession

 

Quelle destinée que celle de Suzanne Valadon ! Nous avons voulu lui rendre hommage au travers d’une importante monographie de 208 pages qui replace son œuvre de dessinatrice et de peintre au cœur de sa vie.

François Blondel est l’auteur de ce beau-livre relié (21,8 x 28,8 cm). Avec 264 peintures et au total 306 reproductions, il permet de mieux connaître une peintre dont l’œuvre a été appréciée de ses pairs masculins 50 ans avant que le grand public ne commence à s’intéresser à elle.

Vous pouvez l’acheter sur notre site ici : https://www.visimuz.com/valadon

Autoportrait aux seins nus, Suzanne Valadon

Autoportrait, Suzanne Valadon

Autoportrait aux seins nus, 1917, hst, 65 x 50 cm, Suzanne Valadon, collection privée.

Un selfie ! voire un sexfie ? Et pourtant Suzanne Valadon (1865-1938) n’appartenait pas à la génération Z. Mais cette femme a bousculé toutes les barrières. Issue d’un milieu plus que modeste, elle sera lingère, acrobate, modèle, peintre et mère de peintre (Maurice Utrillo). Elle est devenue châtelaine (à Saint-Bernard) dans l’Ain. Elle a vécu avec Toulouse-Lautrec, a eu comme amant Erik Satie, Renoir et Puvis de Chavannes. Son professeur de dessin s’appelait Degas (excusez du peu !) En 1894, elle est la première femme peintre reconnue en étant acceptée comme membre de le Société Nationale des Beaux-Arts. Nous avons publié sur le site un article sur cette femme libre :

https://www.visimuz.com/8-mars-journee-internationale-des-femmes-hommage-a-suzanne-valadon/

Mais arrêtons-nous quelques instants sur ce tableau ! On est loin de Flora ou de Vénus idéalisées par la Renaissance. Au point de vue du style, l’artiste a évolué depuis les années 1890 et a été influencée par le cubisme de ses confrères plus jeunes.

Suzanne s’est remariée en 1914 avec André Utter (de 21 ans son cadet). En 1917, elle a 52 ans et assume pleinement sa féminité. Elle récidivera en 1931 avec un autre autoportrait aux seins nus, elle avait alors 66 ans.

À la fin de sa vie, Suzanne confiait à Michelle Deroyer : « Que des hommes m’aient aimée comme une femme que j’étais, soit ! Mais je veux être aimée des hommes qui ne m’auront jamais vue, qui demeureront à rêver, à méditer, à m’imaginer devant un carré de toile où , avec quelques couleurs, j’aurai mis une image et aussi un peu de mon âme. » (Fayard, 1946).

Alors, Suzanne toujours aussi généreuse, nous donne son image, pour rêver et méditer, sur son destin, sur le désir et le plaisir, sur la Condition Humaine.

22/04/2016

Photo The Athenaeum Usr Irene

Les Baigneuses, Suzanne Valadon

Suzanne Valadon Les Baigneuses

Les Baigneuses, 1923, Suzanne Valadon, musée des Beaux-Arts de Nantes

Suzanne Valadon (23 septembre 1865-1938). Elle aurait eu 150 ans la semaine dernière. Degas la découvrit dessinatrice après qu’elle eut été couturière, acrobate, modèle de Puvis de Chavannes, de Renoir, de Lautrec. Puis elle devint elle-même peintre, mère de peintre (Maurice Utrillo), femme de peintre (André Utter). Et jamais elle ne trahira ses idéaux artistiques.

1921 année faste : c’est l’année de l’exposition à trois (Valadon, Utrillo, Utter) chez Berthe Weill, la galeriste qui avait eu le cran d’exposer les nus de Modigliani à la fin 1917.

Peu avant la réalisation de notre tableau, le critique André Warnod écrit : « Le trait noir qui cerne les nus en précise les contours, mais laisse intacte la sensibilité émue de la chair, chair quelquefois molle, quelquefois lasse. L’impitoyable trait, précis et ferme, souligne parfois des tares, les plis du ventre, les seins qui s’affaissent; – un beau dessin n’est pas toujours un dessin joli – mais toujours chair vivante et belle justement par la vie qui l’anime, fraîche parce qu’on sent le sang circuler à fleur de peau. Les nus de Suzanne Valadon peints dans une gamme si claire, si radieuse, enchantent par la vérité qui émane d’eux, nus en pleine force, en plein mouvement… » (L’Avenir, 19 décembre 1921).

1923 : Une nouvelle exposition a lieu chez Berthe Weill, le succès commercial s’amplifie pour les trois compères et André va acheter le château de Saint-Bernard (Ain). Mais Suzanne ne change pas de cap, elle renoue ici avec un thème qu’elle avait déjà traité dès 1903 avec La Lune et Le soleil ou La Brune et la Blonde.

Est-il nécessaire d’ajouter autre chose à la critique d’André Warnod ?

01/10/2015

Dim : 116,4 x 89 cm
Photo Courtesy The Athenaeum, Irene

Modigliani et l’École de Paris à Martigny

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Tel est le titre de l’exposition-phare de l’été à la fondation Pierre Gianadda à Martigny (Valais suisse) : 80 œuvres prêtées par le centre Pompidou, complétées par des prêts des musées suisses (Fondation Bührle de Zürich, musées de Berne, de Bâle, de Zürich, collections Gianadda, Merzbacher, etc.).
Rappelons que le terme d’École de Paris désigne les peintres ayant travaillé à Paris, au début du XXe siècle, souvent autour de Montparnasse mais aussi à Montmartre. Nombre d’entre eux étaient venus d’Europe centrale ou orientale (Chagall, Soutine, Survage, Pascin, Kars, Reth, Kisling, Zadkine, etc.). Il ne s’agit pas vraiment d’une école. Le terme apparaît en Allemagne avant 1914 en opposition au terme d’expressionisme allemand. Il ne sera utilisé en France qu’à partir du milieu des années 20.

Les toiles sont accrochées sur le pourtour de la salle principale du bâtiment et quelques cloisons annexes, le milieu de la salle étant occupé par les chaises du prochain concert à venir.

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Vue de la seconde partie de l’exposition depuis le bas de l’escalier

Comme pour chaque exposition en ce lieu, il vaut mieux commencer par le fonds à droite, et tourner dans le sens horaire pour suivre une démarche chronologique. Mais dans ce cas précis, les toiles de Modigliani, qui servent de fil rouge, ne sont pas accrochées chronologiquement. Il faut dire que la carrière de l’artiste est très courte, puisque seulement quatorze ans se sont écoulés entre son arrivée à Paris en 1906 et sa mort le 24 janvier 1920 à 35 ans.

L’accrochage commence avec un portrait de Maurice Utrillo en 1910 par André Utter, son copain d’enfance qui deviendra le mari de sa mère Suzanne Valadon, puis des toiles d’Utrillo (1883-1955), un Raoul Dufy (1877-1953) de 1908 et un autre de 1912, et des Modigliani de 1909 à 1915, dont un premier portrait de Béatrice Hastings, sa compagne en 1915-16.
On trouve ensuite pêle-mêle Léopold Survage (1879-1968), le futuriste Gino Severini (1883-1966) et aussi un intéressant tableau d’Alfred Reth (1884-1966) de 1912. Notons au passage qu’Alfred Reth, tombé injustement dans l’oubli, est, avec Georges Kars, un des seuls peintres exposés ici qui soit encore accessible sur le marché de l’art (toiles à partir de 3 000 euros, à comparer par exemple aux 31,4 millions de dollars de Modigliani avec Jeanne Hébuterne devant une porte, 1919 en novembre 2004 à New York ou aux 69 millions de dollars de La Belle Romaine en 2010 toujours à New York – à voir ici).
Il est judicieux, après ce premier côté, de quitter la grande salle et d’aller tout droit vers la collection permanente de Louis et Evelyn Franck, qui reste exposée en même temps que l’exposition temporaire.
En effet, Catherine Grenier, commissaire de l’exposition, a demandé à Antoinette de Wolf-Simonetta d’afficher ici une biographie de Modigliani, qu’il vaut mieux lire avant de continuer la visite, plutôt qu’à la fin de la visite. Notez que cette biographie se trouve aussi dans le petit journal disponible en pile à l’entrée et à la librairie, mais personne ne songe à vous le proposer.
Dans cette salle Franck, se trouvent des photographies (dont le fameux Baiser, célébré par Danièle Thomson dans Fauteuils d’Orchestre) et des sculptures de Constantin Brancusi (1876-1957), dont le centre Pompidou possède l’atelier, mais aussi d’Henri Laurens (1885-1954), d’Ossip Zadkine (1890-1967) ou Jacques Lipschitz (1891-1973).
Il serait dommage de ne pas regarder au passage les œuvres de la collection Franck : ♦Les Poissardes mélancoliques par James Ensor, un pastel de Picasso, deux Cézanne, un Kees van Dongen, un Toulouse-Lautrec, et surtout deux Van Gogh, dont le ♦Bébé Marcelle Roulin, 1888, un sujet dont VisiMuZ vous a longuement parlé dans le guide du Met à la fois dans la collection Annenberg et la collection Lehman.

Au retour dans la salle principale, et en continuant dans le sens horaire se trouvent un tableau de Kees van Dongen (♦La Grille de l’Élysée, 1912) et plusieurs œuvres de Suzanne Valadon (1865-1938) (voir l’hommage à Suzanne Valadon sur le blog VisiMuZ – ici ), bordés sur la cloison intérieure par des toiles et bronzes de Pablo Picasso entre 1905 et 1910, et entourés d’autres toiles et sculptures de Modigliani dont ♦Nu couché avec les bras derrière la tête, 1916 de la collection Bührle à Zürich, qui fait la couverture du catalogue et est accroché au centre du 2e côté de la grande salle.

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Amedeo Modigliani – ♦Tête de femme, 1912, Centre Pompidou.

La seconde partie de l’exposition présente alors d’abord un bel ensemble de Chaïm Soutine (1893-1943), deux toiles de Marc Chagall (1887-1985), des tableaux de Jules Pascin (1885-1930), un Henri Hayden (1882-1970) de 1912, la ♦Femme au châle gris, 1930 de George Kars (1882-1945), un artiste qui, ne supportant pas la tragédie de la Shoah, s’est suicidé en 1945, et enfin un très beau tableau de Moïse Kisling (1891-1953), la ♦Femme au châle polonais, ca 1928.

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Chaïm Soutine (1893-1943) – L’Idiot, 1920, musée Calvet, Avignon

Les toiles qui suivent présentent des peintres qui ne sont pas directement estampillés École de Paris mais sont d’autres témoins de l’époque : Juan Gris (1887-1927), Fernand Léger (1881-1955), Henri Matisse (1869-1954), André Derain (1880-1954). Avec les Picasso de l’autre mur, on a l’impression de se retrouver à une réunion chez Daniel-Henry Kahnweiler. Seuls Georges Braque et Maurice de Vlaminck manquent à l’appel.
L’exposition se termine en beauté avec plusieurs très beaux Modigliani dont ♦Nu debout (Elvira), 1918 et un portrait de ♦Jeanne Hébuterne au chapeau, 1919.

Gianadda_Elvira_9190Nu debout (Elvira), 1918, KunstMuseum de Berne

Gianadda_JeanneHebuterne_9201♦Jeanne Hébuterne au chapeau, 1919

La dernière compagne du peintre, enceinte de huit mois de leur troisième enfant, s’est donnée la mort le lendemain du décès d’Amedeo.

Pour les amateurs, au sous-sol du musée se trouve aussi une très belle collection d’automobiles anciennes. En complément, le parc, dit aussi le Jardin des Délices, habité par les sculptures, mérite une visite assez longue, au demeurant très agréable et reposante.

Informations pratiques :

21 juin – 24 novembre 2013 – tous les jours de 9 h à 19h – Billet payable en euros ou en francs suisses au choix, mais pas de carte de crédit.
Accès par le Léman, puis direction Grand-Saint-Bernard, ou par le col des Montets depuis Chamonix.
De Genève, 1h30 de route
Site de la fondation : http://www.gianadda.ch/wq_pages/fr/expositions/

Crédits photos : VisiMuZ