L’Hôtel de ville d’Auvers, le 14 juillet, 1890, Vincent Van Gogh

14 Juillet à Auvers, Vincent  Van Gogh

L’Hôtel de ville d’Auvers, le 14 juillet, 1890, huile sur toile, 72 x 93 cm, Vincent Van Gogh, collection particulière

En ce 14 juillet 1890, Vincent ne sait pas qu’il ne lui reste que quinze jours pour réaliser ses derniers tableaux. Il profite de l’ambiance, en ajoutant, comme souvent, du jaune de chrome dans sa peinture.

La célébration du 14 juillet n’existe alors que depuis 10 ans (avant, la fête, c’était le 30 juin, n’est-ce-pas messieurs Monet, rue Montorgueil et Manet, rue Mosnier). Elle inspire visiblement Vincent, qui déjà, en 1886, lui avait consacré un tableau.

Impression du quatorze juillet, Vincent van Gogh

Impression du quatorze juillet, 1886, huile sur toile, 44 x 39 cm, Vincent van Gogh,collection Hahnloser, villa Flora, Winterthur.

On peut voir toute l’évolution du peintre en quatre ans et la puissance que la lumière du midi a apportée dans sa peinture.

Toute une histoire à retrouver dans sa biographie chez VisiMuZ

Pour la célébration de la fête nationale, Vincent vient après Manet et Monet, avant Childe Hassam, dont nous avons parlé longuement ici, il y a quelques mois, et avant Dufy ou encore Marquet.

14/07/2016

photos wikimedia commons
1 File Van_Gogh_-_Das_Rathaus_in_Auvers_am_14._Juli_1890 Usr Mefusbren69
2 File : an_Gogh_-_Der_14._Juli_in_Paris.jpeg Usr Mefusbren69

La Mousmé, Vincent van Gogh

La Mousmé, Vincent van Gogh

La Mousmé, juillet 1888, huile sur toile, 73,3 x 60,3 cm, Vincent van Gogh, National Gallery of Art, Washington (DC)

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On sait que Vincent a été séduit par l’art japonais, ses aplats, ses lignes englobantes et qu’il a découvert avec bonheur l’art de Hokusai ou Hiroshige. De plus, déséquilibre psychique aidant, Vincent a considéré qu’Arles et plus généralement le midi correspondaient à l’atmosphère du Japon . Aussi dans sa période provençale, Vincent pense au Japon, il parle ainsi à son fère Théo de «  ce qui est l’équivalent du Japon, le midi. »

Une mousmé est selon l’argot de l’époque, un jeune fille japonaise de 12 à 16 ans. Le mot vient du japonais « musume » et avait été introduit en France par Pierre Loti. Vincent a peint ce tableau en juillet. Il est à cette époque relativement apaisé, sa vision du Japon correspond à cette sérénité. On sait que tout cela se finira mal avec le séjour de Gauguin à partir d’octobre et l’oreille coupée.

Retrouvez toutes les anecdotes de la vie de Van Gogh et les liens entre sa vie et son œuvre dans sa biographie chez VisiMuZ

La branche d’olivier en fleurs pourrait correspondre aux croyances de Vincent en des cycles de mort et de renaissance liés à la nature. Contrairement à plusieurs autres de cette époque (la série des Tournesols ou les portraits de la famille Roulin), cette toile n’a pas connu de réplique. Vincent y a mis toute son énergie et la considérait comme une de ses meilleures toiles de l’année. On ne sera pas surpris du côté « fashion » de la tenue de cette jeune arlésienne que n’aurait pas désavouée Christian Lacroix. Il suffit de savoir par exemple que la grande photographe Annie Leibovitz s’est inspirée de ce tableau dans le numéro de Vogue de décembre 2013 pour illustrer un article sur l’actrice américaine Jessica Chastain.

À voir ici pour les curieux

Photo wikimedia commons File:Vincent_van_Gogh_-_La_Mousm%C3%A9.jpg Usr Botaurus

Sorrow (Chagrin), Vincent van Gogh

1Sorrow (Chagrin) Vincent van Gogh

Sorrow (Chagrin), 1882, Vincent van Gogh, crayon et déteinte sur papier, 28 x 44 cm, The New Art Gallery, Walsall, Royaume-Uni

L’art n’est pas toujours un monde où, comme disait Jean Yanne, « Tout le monde est beau, tout le monde, il est gentil ». Et chez VisiMuZ, nous avons envie de montrer tous ses aspects, y compris, les plus tristes. Citons Théodore Duret, dans la monographie qu’il a consacrée à Vincent, éditée chez VisiMuZ.

« Le père, quelle que fût l’amertume qu’il ressentît des singularités et des mésaventures de son fils, finissait toujours par l’aider. Van Gogh, sorti de chez Anton Mauve, en reçut donc les moyens de poursuivre l’étude de son art. Une femme abandonnée, mère de cinq enfants, traînait une existence misérable, en posant pour les peintres dans les ateliers. Van Gogh l’eut comme modèle. Il a fait d’après elle un dessin, reproduit ensuite en lithographie, auquel il a donné le titre anglais de Sorrow (Chagrin), complété par cette remarque de Michelet : « Comment se fait-il qu’il y ait sur la terre une femme seule, désespérée ? » Il fut pris de compassion pour elle et la recueillit avec ses enfants. Le secours venu de son père, qui lui permettait tout juste de vivre et de parer aux frais qu’exigeait la poursuite de son art, se trouva insuffisant pour l’entretien de sept personnes. Il s’endette et tombe de nouveau dans le dénuement. Son père l’apprend et, comme il l’avait déjà fait dans le Borinage, vient le chercher et le ramène encore une fois sous son toit, à Nuenen. »

On sait que cette femme s’appelait Clasina Maria Hoornik (1850-1904). Elle était surnommée Sien et a vécu avec Vincent de janvier 1882 à l’automne 83. C’est la seule compagne qu’on lui ait connu.

En 1882, Vincent a alors 29 ans. C’est le début de sa courte carrière, dans un dessin d’autant plus émouvant qu’il y dévoile sa vie privée

17/03/2016

Photo wikmedia commons File:Vincent_van_Gogh_-_Sorrow.jpg Usr Christoph Braun

Portrait(s) du Dr Gachet, Vincent van Gogh

Portrait du Dr Gachet, Vincent van Gogh

Portrait du docteur Gachet, juin 1890, hst, 67 x 56 cm, Vincent van Gogh, collection particulière Ryoei Saito ?, Tokyo.

Portrait du Dr Gachet v2, Vincent van Gogh

Portrait du docteur Gachet, juin 1890, hst, 68,2 x 57 cm, Vincent van Gogh, musée d’Orsay

Cet article est une réalité virtuelle. Jamais, dans le monde réel, ces deux portraits n’ont pu être accrochés l’un à côté de l’autre.

Le docteur Gachet a suivi Vincent pendant les quelques mois qu’il a passés à Auvers. La pose du médecin est mélancolique. Est-ce un aveu d’impuissance par rapport à son patient, quelques semaines avant sa mort ? Paul Gachet tient dans la main une branche de digitale pourpre, plante dont est tirée la digitaline, un médicament. Elle identifie donc le personnage en tant que médecin.

Le premier tableau est l’original. Il est dit aussi « aux livres ». Vincent en parle dans une lettre, ornée d’un croquis, du 3 juin 1890 à Théo : « Je travaille à son portrait la tête avec une casquette blanche très blonde très claire les mains aussi à carnation claire un frac bleu et un fond bleu cobalt appuyé sur une table rouge sur laquelle un livre jaune et une plante de digitale à fleurs pourpres …/… M. Gachet est absolument fanatique pour ce portrait et veut que j’en fasse un de lui si je peux absolument comme cela ce que je désire faire aussi. »

Notre tableau a gagné un surcroit de notoriété le 15 mai 1990 à New York. Mis en vente chez Christie’s, il a fait l’objet d’une bataille d’enchères et d’egos pour atteindre le prix fabuleux de 75 millons, soit 82.5 millions de dollars avec les frais. Il partira alors pour Tokyo et restera le tableau le plus cher du monde jusqu’en 2012 (date à laquelle un Cézanne le remplacera et depuis les records ont été battus deux fois en 2015, par Picasso pour les ventes publiques et le Gauguin de Bâle pour les ventes de gré à gré). De 1961 à 1984, on a pu voir cette toile au Metropolitan Museum auquel il avait été prêté.

Depuis 20 ans, c'est dire depuis la mort de Ryoei Saito en 1996, on ne sait plus où se trouve le tableau. Est-il dans les coffres d’une banque japonaise, créancière de Monsieur Saito ?

Mais l’histoire extraordinaire de la toile a commencé très tôt. Vendue par Jo, la veuve de Théo, en 1897 à Vollard pour 250 francs, elle est acquise finalement en 1911 par le Städel Museum à Francfort. Quand une œuvre entre dans un musée, le plus souvent, elle y reste.

Mais… en 1933 les nazis le décrochent. C’est pour eux de l’ « art dégénéré ». Hermann Goering s’en empare et le vend à une galerie d’Amsterdam. Il a été ensuite acheté par Siegfried Kramarsky, financier new-yorkais né en Allemagne, et conservée dans sa famille jusqu’à la vente de 1990.

Le tableau du musée d’Orsay est une réplique du précédent. La pose est approximativement la même mais les couleurs et la touche très différentes. Il est (heureusement) connu par une photo du galeriste Druet, qui avait pris une photo volée au salon des Indépendants en 1905.

Comme Vincent n’avait pas commenté cette réplique (ou qu'une lettre a été perdue), certains avaient mis en doute l’authenticité de cette toile. Mais la réalité est plus simple. L’original était destiné à Théo pour la vente. Et comme Gachet voulait le garder, il en a demandé une réplique à Vincent. Comment Vincent aurait-il pu dire non alors qu’il l’avait fait dans d’autres cas ? Mme Roulin par exemple ! Le Dr Gachet fils appelait ce portrait le « duplicatum ». La réplique est un peu moins fouillée, peut-être Vincent a-t-il voulu aussi simplifier pour obtenir plus de force expressive !

L’histoire ensuite est beaucoup plus classique, de Paul Gachet fils au musée du Louvre en 1949, et maintenant au musée d’Orsay.

Retrouvez les tableaux peints à Auvers et tous les autres, ainsi que la vie de Vincent dans la monographie publiée par VisiMuZ, ICI.


10/01/2016

Photo 1 wikimedia commons Van_Gogh_-_Bildnis_Doktor_Gachet Usr Mefusbren69
Photo 2 wikimedia commons File:Vincent_van_Gogh_-_Dr_Paul_Gachet_-_Google_Art_Project.jpg Usr Paris 16

Nuit étoilée sur le Rhône, Vincent van Gogh

Vincent arrive en Arles en février 1888. Dès son arrivée, il va se préoccuper de transcrire sur une toile la nuit et ses effets. Il commence par en parler d’abord dans une lettre à son frère Théo puis à Émile Bernard. En septembre il met à exécution ses projets en peignant d’abord une Terrasse de café au « ciel constellé d’étoiles » et à « l’immense lampe jaune qui illumine la terrasse ».

Van Gogh Café-Terrasse de la place du Forum à Arles, le soir

Café-Terrasse de la place du Forum à Arles, le soir, 1888, hst, 81 x 65,5 cm, V. van Gogh, musée Kroller-Müller, Otterlo

Van Gogh, Nuit étoilée sur le Rhône

Nuit étoilée sur le Rhône, sept.1888, hst, 72,5 x 92 cm, V. van Gogh, musée d’Orsay, Paris

Puis il va créer cette Nuit étoilée en septembre 1888. Dans sa lettre du 29 septembre (T543) à Théo, Vincent écrit : « Un ciel étoilé peint la nuit même sous un bec de gaz. Le ciel est bleu-vert, l’eau est bleu de roi, les terrains sont mauves. La ville est bleue et violette, le gaz est jaune, et des reflets sont or roux et descendent jusqu’au bronze-vert. Sur le champ bleu-vert du ciel, la Grande Ourse a un scintillement vert et rose, dont la pâleur discrète contraste avec l’or brutal du gaz. Deux figurines colorées d’amoureux à l’avant-plan. »

Par rapport au Café-terrasse, les couleurs y sont plus subtiles (le jaune de chrome y est moins prégnant) et à cette époque Vincent a encore toute sa tête.

Quand il peindra plus tard, enfermé à Saint-Rémy sa Nuit étoilée (MoMA, New York) avec les cyprès et les spirales lumineuses qui ont fait sa gloire, son esprit ne sera plus le même, malgré les périodes de rémission.

Les tableaux du jour sont plus calmes et sereins, peut-être aussi grâce à ce couple d’amoureux.

La vie et les tableaux de Vincent sont à retrouver ICI.

10/11/2015

Photos wikimedia commons
1) File:Van_Gogh_-_Terrasse_des_Caf%C3%A9s_an_der_Place_du_Forum_in_Arles_am_Abend1.jpeg Usr Mefusbren69
2)Starry Night Over the Rhone Usr Stephantom

La Berceuse, Vincent van Gogh

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Saga hebdo1/2

La Berceuse (Portrait de madame Roulin), janvier 1889, Vincent van Gogh, Metropolitan Museum of Art, collection Annenberg, New York.

Lorsque Vincent arrive en Arles au début de mars 1888… – mais écoutons Duret, son biographe :

« …il va y vivre replié sur lui-même. Il n’aura de relations avec aucun des habitants bien placés. Il ne s’inquiète point de rechercher leur société. Il ne se tiendra en rapports qu’avec cette sorte de gens, qui pourront lui être utiles. Des hommes et des femmes du peuple, qui voudront bien lui servir bénévolement de modèles ou qui, de par leur condition, se contenteront pour poser du faible salaire qu’il peut seul leur donner. Les individus de l’ordre le plus élevé qu’il peindra pendant son séjour à Arles sont un facteur de la poste, Roulin, et un sous-lieutenant de zouaves, Milliet. …/… Les relations avec le sous-lieutenant, qui quitte Arles assez promptement, furent de courte durée, mais elles se prolongèrent avec le facteur et conduisirent de sa part à un véritable attachement. Van Gogh a peint Roulin plusieurs fois dans son uniforme. Il a aussi peint sa femme et a exécuté d’après elle la composition qui s’est appelée La Berceuse. »

Récapitulons : six portraits du facteur, avec sa barbe fleurie, et 17 portraits d’Augustine, d’Armand, de Camille et du bébé Marcelle. Le moins qu’on puisse dire est que les modèles ont voulu lui faire plaisir. Le tout a été peint entre juillet 88 et avril 89.

Mais l’épisode de l’oreille coupée a eu lieu le 23 décembre 88. Notre tableau du jour date de janvier 89, c’est le premier portrait de madame Roulin en berceuse d’un berceau invisible (tenu par la corde). Il en réalise 4 autres versions ensuite. Aujourd’hui 2 tableaux sont aux Pays-Bas, les 3 autres aux États-Unis (New York, Chicago, Boston).

Vincent a précisé dans ses lettres qu’il voulait peindre au-delà d’un portrait un « type idéal » à « valeur de mythe », il ressentait le mouvement de la berceuse comme un thème « consolateur » rappelant le « propre chant de nourrice » et ce thème apaisait ses souffrances personnelles à l’hôpital.

Pour finir, dévoilons qu’entre 1895 et 1900, Ambroise Vollard, toujours à l’affût d’un bon coup, racheta les six toiles que Vincent avait données à Joseph Roulin, dont ce tableau. Un peu plus tard, il fera la même chose à Aix après la mort de Cézanne en 1906.

Les tableaux de la famille Roulin sont à retrouver dans la bio de Van Gogh… chez VisiMuZ bien sûr,
et la suite, assez surprenante, demain matin.

18/09/2015

Dim : 92,7 x 73,7 cm
Photo VisiMuZ

Bateaux de pêche sur la plage aux Saintes-Maries-de-la-mer, Van Gogh

Bateaux de pêche sur la plage aux Saintes-Maries-de-la-mer

Bateaux de pêche sur la plage aux Saintes-Maries-de-la-mer, juin 1888, Vincent van Gogh, musée Van Gogh, Amsterdam.

Pour retrouver ce tableau dans la biographie enrichie par VisiMuZ, cliquez ici
Vincent est arrivé en Arles fin février 1888. En juin, il décide d’une escapade. Il prend 3 toiles avec lui et monte dans la diligence pour les Saintes-Maries-de-la-mer. Après 5 heures de voyage il arrive et écrit à Théo (lettre 619) : « Je ne crois pas qu’il y ait 100 maisons dans ce village ou dans cette ville. Le principal édifice après la vieille église, forteresse antique, est la caserne.  »
Dans la même lettre à Théo, il laisse paraître son enthousiasme « La Méditerranée a une couleur comme les maquereaux c’est à dire changeante – on ne sait pas toujours si c’est vert ou violet – on ne sait pas toujours si c’est bleu – car la seconde après le reflet changeant a pris une teinte rose ou grise. »
Il n’en oublie pas d’être peintre : « Je me suis promené une nuit au bord de la mer sur la plage déserte. C’était pas gai mais pas non plus triste, c’était – beau. Le ciel d’un bleu profond était tacheté de nuages d’un bleu plus profond que le bleu fondamental, d’un cobalt intense, et d’autres d’un bleu plus clair – comme la blancheur bleue de voies lactées. Dans le fond bleu, les étoiles scintillaient claires, verdies, jaunes, blanches, rosées – plus claires, plus diamantées, davantage comme des pierres précieuses que chez nous – même à Paris.– c’est donc le cas de dire opales, émeraudes, lapis, rubis, saphirs. La mer d’un outremer très profond – la plage d’un ton violacé et roux pâle il m’a semblé – avec des buissons. »
Parmi les 3 tableaux résultats de de ce voyage, reproduits tous les trois dans « Van Gogh » par VisiMuZ, 2 sont à Amsterdam, le 3e est à Moscou (musée Pouchkine) .

18/09/2015

Dim 65 x 81,5 cm
photo wikimedia commons Vincent_van_Gogh_-_Vissersboten_op_het_strand_van_Les_Saintes-Maries-de-la-Mer_-_Google_Art_Project Usr DcoetzeeBot

Multiples ou uniques ? Les répliques des grands artistes

L’unicité de l’âme et de l’œuvre

L’œuvre artistique doit être unique

L’analyse des motivations des collectionneurs de tableaux et de sculptures met clairement en lumière la notion de singularité, d’unicité, de non-réplicabilité. On parle en latin d’unicum et en allemand d’Unikum. Dans la suite, comme le substantif n’existe pas en français, nous utiliserons le terme latin.
Une peinture est donc d’abord une œuvre unique de l’artiste. Côté sculptures, le marbre, réputé plus difficile à répliquer que le bronze a ainsi plus la faveur des collectionneurs de sculptures, et est dans tous les cas une œuvre originale. Pour le bronze, édité par moulage d’une autre pièce, la définition est plus conventionnelle. Un bronze est ainsi considéré comme œuvre originale (à défaut d’être unique) lorsque le « tirage [est] limité à huit exemplaires et contrôlé par l’artiste ou ses ayants droits » (article 71 de l’Annexe III au Code général des impôts, décret du 10 juin 1967). Ceci a été amendé ensuite (article 98 A de l’Annexe III au Code général des impôts) en passant à douze exemplaires :
« – Parmi ces originaux, quatre appelés « Epreuves d’Artistes » doivent être numérotés EA I/IV, EA II/IV, EA III/IV, EA IV/IV en chiffres romains,
– Les 8 autres seront numérotés 1/8, 2/8 etc. en chiffres arabes. »

L’artiste créateur et démiurge

Le terme d’artiste ou plutôt d’artista a été inventé par Dante vers 1310 dans La Divine Comédie (chant XIII du Paradis). L’artiste est celui qui a à la fois la capacité intellectuelle de concevoir ce qu’il veut faire de la matière et l’habileté technique, celle de la main, pour incarner ce projet dans la matière, même si, nous dit Dante, il a « l’usage de l’art et la main qui tremble » (l’artista ch’a l’abito de l’arte ha man che trema). Il est intéressant de constater que ces vers de Dante interviennent dans un chant où il évoque la philosophie de saint Thomas d’Aquin, et le multiple et l’unique dans la création par Dieu des êtres avec leur infinie diversité.
Peindre ou sculpter une personne a longtemps relevé de l’atteinte à des pouvoirs réservés au Dieu créateur. Si dans l’antiquité cela ne posait pas de problème, l’iconoclasme chrétien a existé en 730 à Constantinople et il a fallu attendre le XXe siècle avec Chagall, Soutine, Kisling, etc. pour que les peintres juifs évoquent avec la main les âmes dans des portraits. On sait aussi malheureusement que ces croyances de la représentation en tant qu’« horreur impie » subsistent toujours et que les Bouddhas de Bâmiyân ont été totalement détruits par les talibans en 2001. Le portrait existait déjà dans le monde antique (monnaies et médailles, statues des empereurs romains, portraits du Fayoum) mais plus de mille ans vont s’écouler avant que le portrait profane renaisse. Renaissance italienne comme école du Nord vont alors, de manière différente, réaliser des portraits, c’est-à-dire « exprimer l’individualité intérieure de l’homme autant que sa position sociale » selon le mot de Bernard Berenson (in Esthétique et Histoire des arts visuels, 1953, p. 230). On notera que lorsqu’on parle peinture ou sculpture jusqu’au XVIIe siècle, le sujet est presque toujours relatif à la représentation humaine. Le paysage pur ne naîtra que plus tard, et la nature morte (qui n’a pas encore ce nom) est rare.

Le collectionneur s’approprie l’âme de l’artiste

L’artiste est créateur, le tableau ou la sculpture créée capture ainsi la personnalité du sujet dans son unicité, et l’objet créé est unique. Symétriquement, le commanditaire s’approprie le talent de l’artiste qu’il admire. Le commanditaire ou le collectionneur achète donc non seulement de la matière, mais un morceau unique de l’âme de l’artiste.

Et pourtant…

Les répliques aux XVe et XVIesiècle

Si l’on se tient à ce qui précède, le choix de l’unicité va empêcher l’artiste de répliquer son œuvre. Mais on constate dès le XVe siècle une propension des artistes à réaliser plusieurs versions de leurs œuvres. Ces versions peuvent être quasi-identiques ou présenter des différences significatives.
Leurs motivations tiennent à la fois à des considérations très terre-à-terre comme le fait de faire vivre sa famille, mais aussi au désir de plaire aux puissants de ce monde. Encore faut-il aussi distinguer entre l’artiste qui recrée une œuvre précédente, et celui qui fait exécuter par son atelier une copie de son œuvre, en la retouchant éventuellement pour qu’elle soit dite de sa main.
Lorsque plusieurs versions d’un même tableau existent et qu’un doute peut naître sur celui qui est l’original, il est possible depuis quelques années de lever ce doute. Sur un original, l’artiste peut changer la conception du tableau, changer son dessin, voire repeindre certaines parties. On parle alors de repentirs. La technique de la réflectographie infrarouge permet de révéler ces repentirs et les dessins préparatoires. Sur une réplique, les repentirs n’existent pas.

Europe du Nord

Van der Weyden réalise Saint Luc dessinant la Vierge entre 1435 et 1440 pour la Guilde de Saint-Luc de Bruxelles. Mais quatre versions sont disséminés dans les grands musées. On sait maintenant que le tableau de Boston est l’original. Les spécialistes débattent toujours pour savoir si les autres versions sont des répliques ou des copies d’atelier.

À gauche Museum of Fine Arts Boston, puis Alte Pinacotek Munich, et en-dessous musée de Groningue et Ermitage Saint-Pétersbourg

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Rogier van der Weyden – les quatre Saint-Luc dessinant la Vierge

On ne peut plus réellement parler de réplique mais la composition est très similaire chez Robert Campin dans sa Vierge à l’Enfant à la cheminée (musée de l’Ermitage) et sa Vierge à l’Enfant dans un intérieur (National Gallery Londres).
On connaît de Cranach des versions nombreuses de Vénus et Cupidon ou de Vénus à la source. Le procédé est alors devenu purement commercial.

Renaissance italienne

En Italie, Léonard a initié le mouvement avec ses deux Vierge aux rochers (Louvre, National Gallery), pour des raisons essentiellement juridiques, son commanditaire n’étant pas satisfait du résultat de la première version.
C’est Titien qui va donner le ton quarante ans plus tard, avec la Femme à la fourrure (Ermitage, Kunsthistorisches Museum), Vénus et Adonis (original perdu, répliques au Prado, Metropolitan, NGA Washington, Getty museum), Madeleine repentante nue ou vêtue, mais surtout avec ses Danaë. La première est celle de Naples suivies par celles du Prado, de l’Ermitage et enfin celle de Vienne. Peint pour Ottavio ou Alessandro Farnese (petits-fils de Paul III), cette Danaë symbolise le début d’une nouvelle période stylistique pour le Titien, la touche est plus libre, la couleur devient plus importante que le dessin. La composition sera reprise en 1553-54 pour Philippe II d’Espagne, une servante laide remplaçant Cupidon, puis au moins à quatre autres reprises : les versions connues à ce jour sont donc à Capodimonte (Naples), au Prado, à l’Ermitage, et au Kunsthistrosches Museum de Vienne (de gauche à droite et de haut en bas). Le visage de Danaë serait celui d’Angela, courtisane romaine dont le cardinal Alexandre Farnese était amoureux fou en 1546.

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Titien – Les quatre Danaë

Dans le cas de Titien, il s’agissait à la fois d’une réutilisation de sa composition pour diminuer le temps passé (eh oui, déjà !) mais aussi de mettre sur un pied d’égalité ses différents commanditaires. Philippe II, roi d’Espagne ne pouvait être moins bien servi que son neveu et vassal Alexandre Farnese, et un autre neveu de Philippe II, Rodolphe II va acquérir la version de Vienne en 1601.
Arcimboldo se verra de même commander une réplique de sa série des Saisons (Kunsthistorisches Vienne), offerte par l’empereur du Saint-Empire Maximilien II à l’électeur Auguste de Saxe (aujourd’hui au Louvre).

Les répliques aux siècles suivants

Ce phénomène de la réplique comme cadeau se poursuivra avec les portraits des puissants au XVIIe siècle. On peut citer par exemple le Portrait du cardinal de Richelieu par Philippe de Champaigne (Louvre, National Gallery).
Toute autre est la motivation d’un Caravage. La Diseuse de bonne aventure est commandée par Prospero Orsi (1594, Louvre). Elle suscite un tel engouement que le cardinal Francesco Maria Del Monte en commande une réplique (1595, Rome, musée du Capitole) et comme le peintre a du mal à subsister, il accepte la commande. Le même phénomène se reproduit avec Les Joueurs de luth (Ermitage et collection Wildenstein, parfois exposé au Metropolitan). Il touche aussi d’autres caravagesques (Artemisia Gentileschi,etc.).
On peut s’étonner de la même façon de trouver au hasard des visites plusieurs Watteau au même titre. L’Embarquement pour Cythère est son morceau de maîtrise (aujourd’hui au Louvre) mais il a exécuté une autre version, à la demande du roi de Prusse Frédéric II (château de Charlottenburg, Berlin).
Plus tard sous le Directoire, Joséphine, après avoir demandé à son mari de poser pour le peintre Gros pour le premier Bonaparte au pont d’Arcole, a commandé deux répliques pour ses enfants Eugène et Hortense. C’était aussi pour elle un moyen de mieux ancrer sa famille dans le premier cercle du futur empereur. L’un des portraits est maintenant à l’Ermitage, l’autre au château d’Arenenberg en Suisse. Nous avons raconté cette fascinante histoire sur le blog (Bonaparte au pont d’Arcole : ici)
La photographie va mettre à mal la notion d’unicum dans la deuxième partie du XIXe siècle, mais l’art de la peinture ne va pas en souffrir.
La réplique ne doit pas être confondue avec la série. Quand Monet peint la cathédrale de Rouen à différentes heures de la journée, il cherche à capter la lumière, et non à répliquer un tableau. La démarche a laissé au final trente tableaux tous différents.
Van Gogh a également pratiqué beaucoup la réplique d’un sujet, mais pour des raisons liées à sa pauvreté et à la difficulté de trouver des sujets différents. La famille Roulin en particulier a fait l’objet de nombreux tableaux, souvent presque identiques. Il a ainsi peint six versions du Portrait de Joseph Roulin. Une exposition a été organisée à la Phillips Collection de Washington du 12 octobre 2013 au 26 janvier 2014 pour comparer et apprécier in situ. ( Van Gogh Repetitions – Phillips Collection )
De même, Cézanne a peint de nombreuses Baigneuses ou Montagne sainte-Victoire. Mais c’est leur nombre cette fois qui les empêche d’être parfaitement identifiées et individualisées. Seuls les trois Grandes Baigneuses (ci-dessous Barnes Foundation Philadelphie, Musée de Philadelphie et National Gallery Londres) ou encore les cinq Joueurs de cartes (Barnes Foundation Philadelphie, Metropolitan, Orsay, Courtault Institute, collection privée de l’émir du Qatar) ont accédé au statut d’icône universelle.

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Paul Cézanne : les trois Grandes Baigneuses

Le cas de la sculpture est plus compliqué puisque, on l’a vu plus haut, huit bronzes peuvent être appelés originaux. Les Bourgeois de Calais de Rodin peuvent être vus à Saint-Pétersbourg, Copenhague, Paris, Bâle, Phildelphie, etc. Parfois le marché se mêle aussi du processus. Il ne s’agit plus du tout de répliques mais de copies. On peut ainsi sourire de la multiplicité des Petite danseuse de quatorze ans d’Edgar Degas. Seule l’une d’elles est originale. Elle est en cire et à la National Gallery de Washington. Les vingt-neuf autres ne sont que des copies, fondues en 1922 après la mort de l’artiste. Aussi il n’est pas rare de retrouver la Petite Danseuse d’un musée à l’autre (Metropolitan, Orsay, Tate Britain, Philadelphie, Ny Carlsberg Copenhague, etc.) ce qui a grandement contribué à sa célébrité, mais aucune de celles que nous avons pu voir dans les différents musées n’est signalée comme copie.

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La Petite danseuse à New York et Copenhague (entre autres). Œuvre de Degas ou simple copie ?

Au XXe siècle, le problème continue à se compliquer lorsque de l’œuvre on passe à l’installation. Que penser de Warhol et de ses innombrables Marilyn ou des Wall Drawings de Sol Lewitt qui ne sont plus réellement des œuvres uniques mais des installations ?

Les quelques lignes ci-dessus ne sont en aucun cas une étude exhaustive, mais juste une illustration de quelques-unes des motivations autour des répliques réalisées par les artistes eux-mêmes. Nous avons évoqué dans les guides parus ou sur la page Facebook de VisiMuZ les cas de Pannini, de Guido Reni (Atalante et Hippomène), de David Teniers, de Jan Brueghel de Velours, de Pieter Bruegel l’Ancien et Pieter Brughel le Jeune, de Rembrandt, de Rubens, etc. Ces pratiques diminuent-elles l’admiration que l’on peut porter à l’œuvre ? La plupart du temps ce n’est pas le cas. Toutefois, il existe des cas comme celui de Degas ci-dessus où l’on ne peut plus se contenter de montrer. On se doit d’expliquer l’histoire qui a créé cette situation. C’est ce que nous faisons dans les guides.

Les multiples et les musées

Vous savez que chez VisiMuZ, nous nous intéressons à la pratique des répliques d’artistes. Chaque fois que nous avons connaissance de ce phénomène (et c’est souvent), nous vous indiquons pour ces œuvres les autres versions et où on peut les voir, ainsi que les histoires, toujours intéressantes, sur les rapports entre commanditaires et artistes, autour de ces versions. Mais il n’est pas sans signification de constater que les musées n’indiquent pratiquement jamais que le tableau que nous avons sous les yeux n’est pas un unicum. Chaque musée s’approprie un peu de la gloire du peintre et ne veut pas signaler qu’il s’agit d’une réplique, et encore moins où on peut voir les autres versions. Enfin, il est à noter que les anglo-saxons ne font toujours pas la distinction entre répliques et copies, et nomment repetitions ou copies les versions postérieures à la version originale.

Crédits photographiques

Rogier van der Weyden
Boston http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Weyden_madonna_1440.jpg?uselang=fr User : Eugene a Licence : CC-PD-Mark
Munich http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Weyden-MadonnaLucca-Munic.jpg?uselang=fr User : Amadalvarez Licence : CC-PD-Mark
Groeninge http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Weyden-MadonnaLucca-Groeninge.jpg?uselang=fr User : Amadalvarez Licence : CC-PD-Mark
Ermitage http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Rogier_van_der_Weyden_-_St_Luke_Drawing_a_Portrait_of_the_Madonna_-_WGA25583.jpg?uselang=fr User : JarektUploadBot Licence : CC-PD-Mark
Titien
Capodimonte http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tizian_011.jpg?uselang=fr User : Eugene a Licence : CC-PD-Mark
Prado http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tizian_012.jpg?uselang=fr User: Escarlati Licence : CC-PD-Mark
Ermitage http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Titian_-_Danae_%28Hermitage_Version%29.jpg?uselang=fr
Vienne : VisiMuZ
Cézanne
Barnes Foundation http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Paul_Cezanne_Les_grandes_baigneuses.jpg?uselang=fr User : Ribberlin Licence : CC-PD-Mark
Philadelphie Museum: http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Paul_C%C3%A9zanne_047.jpg
Barnes Foundation, Phildelphie User : Eloquence Licence : CC-PD-Mark

National Gallery, Londres http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Paul_C%C3%A9zanne_-_Bathers_%28Les_Grandes_Baigneuses%29_-_Google_Art_Project.jpg?uselang=fr User DcoetzeeBot Licence : CC-PD-Mark
Degas
Metropolitan et Copenhague : VisiMuZ

Le Van Gogh des musées du Vatican

Lorsqu’on pense Vatican, immédiatement il vient à l’esprit Michel-Ange et Raphaël, Chapelle Sixtine et Chambres de Raphaël. Mais, et c’est aussi une idée forte chez VisiMuZ, il est toujours important de « savoir avant de voir » et en l’occurrence de savoir, qu’une Piétà par Van Gogh se trouve dans le musée d’art religieux, donc dans l’ordre de la visite juste après les appartements Borgia. Ce musée voulu et inauguré par Paul VI n’est pas toujours ouvert et le flot des visiteurs à ce stade est tel qu’on peut passer aussi devant cette Pietà sans la voir (salle XVI).
Il peut être intéressant de s’arrêter quelques secondes sur son histoire.

Delacroix, Nanteuil et les lithographies

À l’origine, il y a d’abord une Pietà, ca 1850, 35 x 27 cm, par Eugène Delacroix, un tableau qui se trouve maintenant au Musée national d’Oslo.

Eugene_Delacroix_Pieta_Musee_Oslo

Il montre Marie et Jésus lors de la descente de Croix. C’est d’abord la solitude de la mère tentant de soutenir son fils mort qui nous frappe par rapport aux autres descentes de Croix souvent remplies de personnages.
Delacroix a peint de nombreux sujets religieux. Mais ce tableau va obtenir une renommée plus grande par la diffusion, très nouvelle à l’époque, de lithographies.
La lithographie a été inventée en 1796. La génération des Romantiques est alors la première à utiliser cette technique qui n’est ni en creux (comme la gravure en taille douce) ni en relief (comme la gravure sur bois) mais « à plat » et utilise la chimie pour que l’encre aille au bon endroit. Lorsque la lithographie est exécutée à partir d’une autre œuvre (une toile par exemple), elle sera inversée puisque la pierre devient la matrice qu’on retourne. C’est ce que l’on peut constater dans cette lithographie de Célestin Nanteuil (1813-1873) exécutée dès 1853 (ici)
La lithographie est bien inversée (effet miroir) par rapport à la toile originelle d’Eugène Delacroix.

Vincent à Saint-Rémy

À la fin de l’été 1889, Vincent van Gogh est interné à l’hôpital à Saint-Rémy de Provence. Confiné dans sa chambre, rarement autorisé à aller dans le jardin (voir par exemple l’histoire du Buisson de lilas✯✯ dans le guide VisiMuZ de l’Ermitage), il utilise parfois des gravures ou lithographies comme modèle. La copie le détend. Il confie à son frère Théo : « Je m’y suis mis par hasard et je trouve que cela apprend et surtout parfois console. Aussi alors mon pinceau va entre mes doigts comme serait un archet sur le violon et absolument pour mon plaisir. »
De cette époque datent par exemple La Bergère✯✯ , La Fileuse✯ (tous deux dans la collection Moshe et Sarah Mayer à Tel-Aviv, un superbe musée dont nous aurons l’occasion de reparler dans VisiMuZ) et Le Faucheur✯ (Memorial Art Gallery de l’université de Rochester, États-Unis) tous les trois d’après Millet, ou encore le Buste d’ange✯ d’après Rembrandt (collection privée).
On sait toujours par les lettres de Vincent à Théo, que des lithographies de la Pietà et du Bon Samaritain de Delacroix étaient dans sa chambre.

Vincent écrit ensuite :
« Ainsi cette fois-ci pendant ma maladie il m’était arrivé un malheur — cette lithographie de Delacroix la Pietà avec d’autres feuilles était tombée dans de l’huile et de la peinture et s’était abîmée. J’en étais triste — alors entretemps je me je me suis occupé à la peindre et tu verras cela un jour, sur une toile de 5 ou 6 j’en ai fait une copie qui je crois est bien sentie. »

L’incident est devenu un sujet, un prétexte à une nouvelle toile. Van Gogh, fils de pasteur, avait lui-même essayé sans succès de devenir pasteur, mais avait échoué à l’examen de théologie. Pourtant, c’est la seule et unique toile dans laquelle Vincent va représenter Jésus, ou plutôt la seule composition puisqu’une réplique en sera réalisée quelques mois plus tard. Il se distingue en cela de son ami Gauguin, souvent attiré par les sujets religieux.

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Cette peinture (42 x 34 cm) est entrée au Vatican via un don du diocèse de New York en 1973. Certains critiques ont fait remarquer que le visage du Christ aux cheveux et à la barbe rousse pouvait être identifié avec celui de l’artiste. Vincent, malade, aurait identifié alors ses souffrances avec celles du Christ.

La réplique du musée d’Amsterdam

L’artiste va exécuter une seconde version en 1890, un peu plus grande (73 X 60.5 cm), pour le docteur Gachet. Cette version est au musée Van Gogh à Amsterdam. Il est intéressant de regarder les différences stylistiques à quelques mois d’intervalle.

Van_Gogh_Pieta_Delacroix_Amsterdam

Lettre à Théo d’Auvers sur Oise 3 juin 1890.
« Gachet m’a dit aussi, que si je voulais lui faire un grand plaisir, il désirerait que je refasse pour lui la copie de la Pietà de Delacroix qu’il a regardée très longtemps. Dans la suite probablement il me donnera un coup de main pour les modèles; je sens qu’il nous comprendra tout à fait et qu’il travaillera avec toi et moi sans arrière-pensée, pour l’amour de l’art pour l’art, de toute son intelligence. »
Il reste à ce moment à Vincent quelques semaines à vivre.
Enfin, selon Wikimedia Commons, mais sans qu’aucune précision et référence ne soit indiquée, il existerait une esquisse préparatoire dans la collection Bernhard C. Solomon, Los Angeles (ici)
Les Musées du Vatican, au-delà des œuvres les plus iconiques et célèbres, recèlent pour qui veut les trouver de nombreux trésors. Le guide VisiMuZ correspondant vous les détaillera dès le mois prochain.

Crédits Photographiques
Oslo : Lien : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Eug%C3%A8ne_Delacroix_-_Piet%C3%A0_-_WGA06213.jpg » User : JarektUploadBot Licence : CC-PD-Mark
Vatican : VisiMuZ
Amsterdam : Lien : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Van_Gogh_-_Piet%C3%A0_%28nach_Delacroix%29.jpeg User Mefusbren69 Licence : CC-PD-Mark

Deux chaises et une oreille : Gauguin et Van Gogh

La littérature a eu, quelques années avant, son drame. En 1873, Verlaine a tiré sur Rimbaud. Mais la peinture ne va pas longtemps être en reste. Le 23 octobre 1888, Paul Gauguin rejoint Vincent Van Gogh pour fonder un « atelier du midi » qui reprendrait le concept de l’école de Pont-Aven, mais sous le soleil du sud.  La vie quotidienne s’organise, les deux hommes se partagent les tâches ménagères mais les relations se dégradent vite.
De leur éphémère collaboration, subsistent deux grands tableaux : Les Arlésiennes (Mistral), à l’Art Institute de Chicago, pour Paul Gauguin, et La Salle de danse à Arles à Orsay pour Vincent Van Gogh.

En novembre 1888, il pleut sur Arles et Vincent, bloqué à la maison, loin des paysages qu’il aime tant, va écouter les conseils de Paul pour des sujets plus « symbolistes ». Il peint deux chaises, la sienne et celle de Gauguin.  En effet, Vincent avait l’ambition d’accueillir d’autres amis artistes dans sa maison-atelier, et avait acheté plusieurs chaises, chacune devant refléter un peu de la personnalité de leur propriétaire. Cette idée était née à la mort de Charles Dickens en 1870, la revue « Graphic » ayant fait paraître la gravure d’une chaise vide (ici) pour peindre l’absence de l’écrivain. Les objets posés sur la chaise sont là pour évoquer un peu de la personnalité de leur propriétaire.
Vers le 19 novembre, Vincent écrit à son frère Théo :
« Si à quarante ans, je fais  un tableau de figures tel que les fleurs dont parlait Gauguin, j’aurai une position d’artiste à côté de n’importe qui. Donc persévérance. En attendant je peux toujours te dire que les deux dernières études sont assez drôles. Toiles de 30, une chaise en bois et en paille toute jaune sur des carreaux rouges contre un mur (le jour). Ensuite le fauteuil de Gauguin rouge et vert, effet de nuit, mur et plancher rouge et vert aussi, sur le siège, deux romans et une chandelle. Sur toile à voile à la pâte grasse.»

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La Chaise de Vincent 1888 – National Gallery Londres, et La Chaise de Gauguin – Van Gogh Museum, Amsterdam

Vincent est le jour, Paul est la nuit. Pourquoi pas ?

Mais les relations se tendent  jusqu’à ce jour du 23 décembre où Vincent, le « Hollandais fou » menace Paul avec un rasoir avant de se trancher un morceau du lobe de l’oreille gauche. Il existe d’autres versions de l’histoire, comme celle d’un coup de rapière porté par Gauguin. On trouvera des commentaires sur un article du Figaro de 2009 (ici), à la suite de la parution d’une étude allemande.

Les deux hommes ne se reverront pas. Vincent un peu plus tard réalise des autoportraits le montrant avec l’oreille bandée (qui est donc à droite dans ses autoportraits au miroir).

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L’Homme à l’oreille bandée, 1889. Institut Courtauld , Londres

Il existe deux portraits de cet Homme à l’oreille bandée. Le premier est à l’Institut Courtauld à Londres. Si, passant par Londres avec votre guide VisiMuZ de la National Gallery (parution le 11 mars prochain), vous admirez La Chaise à la National Gallery, un détour s’impose pour aller jusqu’à l’Institut Courtauld (à 500 m à pied) pour voir la suite de l’histoire.

Le second (pour combien de temps encore ?) est dans une collection particulière à Chicago.
S’il est présenté dans une maison de ventes, nul doute que le montant d’adjudication sera pharaonique.

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Vincent a retrouvé Paul dans la salle de l’Institut Courtauld où leurs tableaux sont proches (photo ci-dessous). Permettez-nous à ce sujet à la fois une digression, un coup de cœur et un coup de gueule !

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La photo ci-dessus montre tout l’intérêt qu’il y a à (re-)découvrir les collections permanentes. Vous avez tout le temps, tout l’espace pour profiter des œuvres. On est loin de la foule agglutinée dans les expositions temporaires montées en épingle. Chez VisiMuZ, nous avons envie de vous emmener voir ces trésors accessibles, mais peu médiatisés, que sont les collections permanentes.

Crédits Photos :
1) La Chaise de Vincent
Lien : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vincent_Willem_van_Gogh_138.jpg
User : Slick-o-bot licence : CC-PD-Mark
2) La Chaise de Gauguin
Lien http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vincent_van_Gogh_-_De_stoel_van_Gauguin_-_Google_Art_Project.jpg – User DcoetzeeBot – Licence : CC-PD-Art
3) VisiMuZ
4) L’Homme à l’oreille bandée
Lien : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Self-Portrait_with_Bandaged_Ear_and_Pipe20.jpg
User : Nolan Licence : CC-PD-Mark
5) VisiMuZ